Le film original faisant partie de mes films préférés (sans doute mon film français n°1), j'avais tout de même une certaine curiosité pour cette adaptation musicale et j'attendais les retours pour me décider à y aller mais une connaissance avec une place en rab (en catégorie Or svp) m'a proposé à la dernière minute de l'accompagner donc je ne pouvais dire non.
Et grand bien m'en a pris.
J'ai trouvé ça tout simplement mortel.
Dès le premier tableau, la scénographie impressionne, avec cet écran géant sur lequel est projeté un décor dans une image d'une résolution si élevée qu'on croirait de la 3D. J'avais pas vu ça depuis l'attraction Harry Potter à Universal Studios. Y a une rangée de flics et j'ai cru qu'ils étaient vraiment là avant que l'image ne se mette à défiler. L'éclairage sur eux reproduit celui qu'aurait un spot sur des acteurs présents sur scène donc l'illusion est parfaite.
Et la première chanson se démarque d'emblée du film original, donnant la parole aux habitants d'une barre HLM pour évoquer le vivre-ensemble en adoptant des sonorités d'autres pays et annonçant une peinture plus complète du microcosme dépeint par le film. J'ai trouvé également bien pensé la répartition entre des sons à l'ancienne (probablement ceux écrits par Akhenaton ou Oxmo Puccino) et du rap au flow plus moderne (probablement de la main de Youssoupha). Si la trame du film est respectée et donc sa mise en chansons - ou en chorégraphies, il y a trois numéros exclusivement dansés, notamment un illustrant une bagarre sur le toit qui est extraordinaire, mêlant combat et danse et exploitant l'écran de façon expressionniste et baroque - adéquate, donnant toutefois la part belle au personnage de Hubert, sans doute davantage la voix du récit que dans le film où le point de vue était peut-être davantage celui de Saïd, c'est dans les moments où le spectacle s'écarte de son modèle qu'il brille.
Je pense notamment à une séquence chantée par une meuf, celle de Vinz, qui cristallise déjà l'ambivalence entre constat d'échec et optimisme traversant l’œuvre (Clara Luciani?). Parmi les autres morceaux mémorables, il y a celui du frère de la victime de bavure dans la première partie auquel répond la chanson du flic dans la seconde, toutes deux interprétées par le même comédien. En donnant une voix à la police, Kassovitz, qui co-signe le livret et assure la direction artistique, ne cherche pas à faire une bête compensation (c'est pas un gentil flic) ni à créer de l'empathie mais à établir comme les convictions toutes aussi rageuses d'un camp répondent à celles de l'autre et comme la situation est réduite à une impasse. C'est très fort.
Et la chanson finale agit véritablement comme une réponse au film, une ouverture vers autre chose, un message d'espoir alors que, 30 ans après,
"rien n'a changé". Il y a quelques années, Kassovitz avait annoncé la mise en chantier d'une suite mais peut-être est-ce encore plus à-propos de raconter en fait la même histoire mais avec un discours mûri.
On pourra toujours se poser la question "à qui ça s'adresse?" (et le texte l'assume d'ailleurs). Le cinéaste disait que son film ne s'adressait pas au public des banlieues dont c'était le quotidien mais aux gens "comme lui". Le spectacle, de par son genre musical et cet appel final, pourrait résonner davantage chez ce public de banlieue mais ce type de spectacle vivant, à la Seine Musicale, est forcément moins populaire qu'un film accessible à tous (même si les places vont de 25 à 85€).
En tout cas, respect.