Mi-figue, mi-raisin. Comme beaucoup ici, je suis allé voir le film sans rien en connaître, y compris l'épisode dont il est inspiré, et même qu'il retranscrit.
Malgré cela, on comprend, qu'il n'y a pas de cadavre dans un placard : ce qui est intéressant est la façon dont la mise en scène interprète un texte déjà existant.
C'est ce qui est signifié dans le
Is this a room? qui donnait le titre à la pièce dont le film est une adaptation. Elle a dû lire le transcript, a été frappée par cette intervention absurde, s'en est emparée comme LA réplique symbolisant l'aspect absurde de ce qui était sous ses yeux. Le matériau est riche de ce point de vue.
Et en effet, la mise en scène - notamment le jeu, l'allure des acteurs - tire le film du côté d'un mix entre
La Cantatrice Chauve (la conversation sur le crossfit ou les chiens, où je n'ai d'ailleurs perçu aucun sous-entendu libidinal) et
L'Invasion des Profanateurs de Sépulture (ces mecs du FBI, all-american, clichés au possible avec leur pantalon beige, parfaitement civils, mention pour le gros au chewing-gum), passé au filtre lynchien. Tout le monde a l'air un peu autiste, mais il y a ce badinage plaqué sur la mécanique de la procédure.
C'est réussi de ce point de vue, le film distillant bien son comique vaguement malaisant. La fin, qui rend à son personnage principal son statut d'héroïne, verse dans une pompe qui dénote un peu avec ce qui précède. Le film met bien en lumière le paradoxe qu'il y a à voir se retrouver cette jeune fille derrière les barreaux alors que des types autrement plus dangereux, dont la complaisance avec Poutine n'est plus un mystère comme Tucker Carlson, peuvent débiter jours après jours des conneries devant des millions de téléspectateurs.
Je vois Snowden pas mal cité, dans les messages précédents, et le film que lui a consacré Oliver Stone, et Glen Greenwald (un peu responsable dans l'affaire en tant que rédacteur en chef de The Intercepter, même s'il a rejeté la faute sur un employé) : il y a une ironie piquante dans le fait que vous compariez la protagoniste principale, qui a révélé une ingérence russe, à de fervents défenseurs du régime poutinien.
C'est le méli-mélo américain de toute façon : Trump a, pour pour se payer Hillary Clinton, pris la défense de Reality Winner (quelqu'un peut me résumer l'affaire des mails de Clinton ? j'en ai oublié les tenants et les aboutissants), qui l'en a remercié. Tout ça donne des films. Celui-ci me paraît meilleur que d'autres, tout en n'étant pas assez, par manque de fiction.
Au rayon des films qui reprennent la réalité comme une matière brute, rien à voir, mais il y a
Roubaix, une lumière. J'ai aussi pensé à ce documentaire netflix qui montrait l'interrogatoire de ce type qui avait tué sa femme et ses enfants.
Sydney Sweeney, clone de Mia Goth : marrant comme le cinéma marche avec les phénotypes.
Citation:
"this is about the possible mishandling of classified information"
Cinquième phrase du transcript, donc Tina Satter crée un peu facilement du suspense via la rétention d'information, de la fiction ? pas sûr.
Dans le même ordre d'idée, la réplique des flics "elle n'a aucune idée de ce qu'on fait là" semble ajoutée (à part si je l'ai loupée).
Le spectateur se surprend en tout cas au début à ce qu'on ne lui dise pas ses Miranda rights, qu'elle ne demande pas d'avocat, que l'interrogatoire, avec le bandeau crime scene prenne cet aspect presque civil, qui laisse la suspecte assez libre de ses mouvements (dans un vrai film hollywoodien, elle aurait saisi une opportunité de s'enfuir), c'est précisément qu'elle sait ce qui en train de se passer, alors que le film suggère l'inverse plutôt malhonnêtement. C'est qu'il cherche aussi à aller à rebours des préjugés du spectateur : cette pettie blonde en short s'avère avoir trois armes dans sa maison, non pas vraiment parce qu'elle aurait été traumatisée mais peut-être parce qu'elle est une ex-soldate. Soldate polyglotte dans des langues du Moyen-Orient, probablement rompue à certaines techniques d'interrogation, qui défie volontiers (dans le film) ces agents volontairement ou involontairement stupides (le truc de l'iphone participe par exemple au comique du film).
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