Terminé le premier volume (1000 pages, dont 250 pages de notes) de l'incroyable travail de Volker Ullrich consacré à Hitler.
Bouquin fantastique, vraiment : pour comprendre d'où viennent les idéologies délirantes du XXème siècle de la droite dopée au racisme scientifique et au social-darwinisme, il n'y a pas mieux. Et c'est aussi un moyen de comprendre qu'Hitler ne sort pas de nulle part, que sa vision du monde, aussi extrême soit-elle, est le produit d'une époque (il n'invente strictement rien, et se contente de condenser toute une littérature pseudoscientifique et expansionniste, qu'il retravaille à sa sauce), et que, finalement, on ne peut pas comprendre le nazisme sans comprendre l'entité bouffie de suffisance et de frustration qu'est l'Allemagne post-wilhelmite, dont les obsessions n'étaient finalement pas si éloignées de celles d'Hitler.
Ullrich dresse également le portait d'un homme, qui, si on voit les choses crûment, n'est en réalité qu'un idéaliste complètement tordu nourri aux mythes et légendes germaniques, tremblant d'admiration devant Bismarck et Frédéric II, et qui parvient à réaliser ses rêves. Je m'étais toujours demandé comment il se faisait que, 80 ans plus tard, un scénariste pouvait faire tous les efforts du monde pour créer une empire maléfique, sans que rien n'arrive à la cheville des Nazis, de leurs exactions, de leurs fantaisies militaires, de leur esthétique de jeu vidéo, et de l'absurdité de toute la gestuelle qui les caractérise. Et ce livre permet vraiment de comprendre tout ça, de se figurer l'esprit malade qui en a accouché (avec son copain Goebbels, les deux étant d'ailleurs très cinéphiles...), pour finalement matérialiser un hideux fantasme.
Et puis bien sûr, c'est un bouquin qui parle énormément de politique et de lâcheté politique, (la naissance des mouvements paramilitaires, comment les Nazis ne sont arrivés au pouvoir que parce que les conservateurs ont cru y voir l'un des leurs, etc.).
Bref, je conseille vivement. J'ai attaqué le deuxième tome, consacré à la guerre, et c'est toujours aussi bon, même si là, on entre vraiment dans l'immonde (le putain de lebensraum social-darwinien).