Les Pilleurs (
Trespass en VO), réalisé par Walter Hill et écrit par le tandem des deux Bob, Gale et Zemeckis, c'est un peu un Urbex qui partirait en couille.
Vince (Bill Paxton) et Don (William Sadler) sont deux pompiers dans la dèche : le premier doit se marier prochainement et le second vient de se faire expulser de chez lui après un divorce couteux. Ayant assisté au suicide d'un vieillard lors d'une de leurs interventions, les compères découvrent que ce dernier avait autrefois pillé le tronc d'une église avant d'enterrer le tout dans une usine de East St Louis. Plutôt que d'alerter les autorités sur leur découverte, et convaincu par Don, Vince s'embarque pour l'usine désaffectée en quête du trésor. Manque de bol : l'usine est également le repaire d'un gang de dealers (dont Ice-T et Ice Cube, le Simon Jérémi de South Central)... pardon,
d'entrepreneurs dans le domaine des narcotiques... gang qui vient de balancer un concurrent du haut du toit. Témoins du meurtre et flanqués d'une cloche (Art Evans) qui vit dans les parages,Vince et Don vont tenter de survivre et si possible de se barrer avec le magot.
Sorti en 1992,
Les Pilleurs est concomitant du travail réalisé par Walter Hill et Robert Zemeckis sur la série télé
Les Contes de la Crypte, adaptée des légendaires BD de EC Comics et on retrouve non seulement William Sadler (présent dans le pilote, déjà réalisé par Hill), mais également le même type de retour de bâton karmique à base de "bien mal acquis".
C'est un Hill en petite forme : même si on retrouve son univers hyper-masculin (pas une donzelle au casting), ses codes de western (qui est vraiment le "propriétaire" du lieu ?) et son jeu avec les tensions raciales sous-jacentes (idem), il semble avoir emballé le tout dans l'urgence (le script lui est proposé en remplacement d'un projet en rade). Singeant le format télé*, il multiplie les gros plans ou cadres débullés et gâche un poil l'excellent terrain de jeu dans lequel ce film de siège se déroule. On retrouve d'ailleurs les inévitables plans en contre-plongée sur des pseudo-criminels au bord de l'hystérie, prêts à creuser le sol (un épisode sur 3 des
Contes de la Crypte). Hill préfère visiblement se reposer sur un montage énergique et le scénario frénétique des deux Bob, qui déjoue nombre de chausse-trappes éventuels dans le genre.
*ou celui du clip, idée renforcée par Video, un des membres du gang qui filme en direct les exactions de ses comparses, ses images étant incorporées dans le montage.Car la force des
Pilleurs réside plutôt dans son rythme toujours soutenu. Après une intro qui place les enjeux en cinq minutes chrono, le duo ménage comme à son habitude moult rebondissements où les rappels d'éléments disséminés ici ou là via une ligne de dialogue ou bien un artefact organisent tout en un effet de domino fataliste, parsemé de pointes d'humour noir ou de mauvais goût. Pour calmer un junkie, on lui file une dose, pour tromper les deux pilleurs, le gang se déguise en flics et mime une arrestation musclée... Le balancier sur le compas moral et les choix des protagonistes est également assez habile : on peut prendre fait et cause pour Vince quand il décide de mettre le SDF dans la combine, mais son excès de zèle moral le conduit à manquer de se faire tuer quand les dealers s'habillent en flics.
Prévu pour l'été 1992, le film a vu sa sortie repoussée à la fin décembre, suite aux émeutes consécutives au tabassage de Rodney King, ce qui entraînera un sévère bide au box office. Dans le même ordre d'idée, le titre original, "Looters", a été modifié en "Trespass", la VF restant plus proche de l'original. Mais, si le film a été mis en chantier du fait du succès récent de
New Jack City, l'écriture du scénario remonte elle aux années 70 et à un article lu par les deux Bob sur des quartiers de New York abandonnés par la police: de fil en aiguille, le script de "Looters" est terminé vers 1977 et de l'aveu de Gale, la version tournée est remarquablement proche de ce dernier. Mis à part certaines actualisations nécessaires, seule la fin a été considérablement changée afin de profiter de l'aura de star de Ice Cube Day Lewis.
Et il y a une certaine ironie à voir le final,
, tendre un miroir à la production
de ce
Die Hard à l'envers (on retrouve même le sympathique Argyle, De'voreaux White, dans le rôle de Lucky) : en définitive, le filon de la néo-blaxploitation par des
Pilleurs blancs n'a pas été aussi profitable qu'escompté.