Forum de FilmDeCulte

Les deux films me paraissent avoir des mérites et faiblesses poches. Dans les deux cas ils prennent pour objet une société nationale complète, plutôt qu'un personnage , et font correspondre une situation avec une seule leçon morale. Peut-être que le fait que la société islandaise soit plus riche, sans doute à la fois plus libre mais aussi plus petite se traduit par le fait que le procès des personnages soit plus implicite, et la forme plus proche de la nouvelle, avec une séparation plus nette et classique entre le regard (les spectateurs) et la psychologie (les personnages) que chez Radu Jude.

J'avais un peu des réticences mais me souviens bien de l'atmosphère du film (bizarrement le sketch dont je me souviens le mieux est le moins directif, lié à la toxicomanie d'un personnage de facto proscrit dans une société aussi petite, qui doit faire appel à des médecins en camionnette).

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Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ?
- Ce sont des fromages. On me les envoie de Calabre.

Jean-Paul Sartre

Un Ours d'or dans la lignée de la palme d'or de The Square, dans une veine satirique qui rappelle la comédie italienne des années 60, avec de l'esprit libertaire de Dušan Makavejev et du salaire du zappeur à la Godard.
J'aime bien la déambulation dans Bucarest qui ouvre le film, d'autant plus que j'y suis allé l'an dernier, et puis ça fait du bien de voir un film qui intègre de façon organique la pandémie car pour le moment on a eu plutôt des huis-clos de confinements ou des films qui en font carrément abstraction. On y trouve un regard à distance, où l'héroïne fait figure de compas de navigation, laissant le regard errer au gré des curiosités d'une ville turbulente et plus agressive qu'elle ne me l'avait semblée en tant que touriste qui reste nécessairement un peu au seuil des choses.
L'espèce de dictionnaire qui vient ensuite est amusant, mais d'un cynisme qui paraît parfois trop facile, trop condescendant, à l'image du film entier, mais qui se justifie peut-être par la sauvagerie de l'histoire roumaine et une forme de franchise dans la conversation, me suis-je entendu dire, qui a cours là-bas (ainsi ma première étape dans la ville de Timisoara a eu lieu dans une auberge de jeunesse où une liste noire, que je n'ai vue que cette fois-là était affichée dans le hall façon Far West avec le nom de clients peu recommandables). Le cinéma de Jude me semble aussi pas entièrement confidentiel là-bas, diviser pas mal et donc jouer véritablement son rôle de... poil à gratter pour employer une expression un peu débile.
Finalement on pourrait quasiment décoreller le propos du film de son prétexte, ce qui semble en avoir gêné certains ici. Ce film à pitch, c'était par exemple Sleeping Dogs Lie de Bob Goldthwait, vous vous souvenez, cette comédie "grinçante" comme dirait Abyssin, où une jeune femme avoue à son boyfriend, dans un moment de sincérité naïve, avoir sucé son chien une fois, et qui donc explorait jusqu'au bout les ramifications d'une situation de départ.
Armond White voit dans le masque du prêtre sur lequel il est écrit "I can't breathe" une référence au meurtre de Georges Floyd. Je n'y avais pas pensé. Dans le dernier tiers, cette comedia dell'arte avec les masques, et l'aspect théâtral assumé sont ce qu'il y a de plus réussi. Les blagues, surfant sur l'esprit du temps et renvoyant plus ou moins systématiquement les personnages à leurs contradictions, sont un peu trop faciles pour n'esquisser plus que des sourires. Intéressantes ces tirades, qui sont des citations d'universitaires, faisant figure d'argument d'autorité, que les deux personnages les plus progressistes au point de vue des idées arrivent à restituer pratiquement jusqu'au bout, en dépit de leur longueur. Non pas forcément à cause du contenu mais ça vient comme s'opposer au mitraillage des récriminations et au arguments zappés qui constituent, sur twitter ou sur un plateau télé, désormais notre ordinaire.



C'est pas inintéressant comme remarque, surtout qu'on pourrait considérer que la condescendance du film permet de mettre ceux qui se considèrent comme pensant correctement dans sa poche. Ce qui n'a pas été le cas avec toi. Autre hypothèse, si le film ne nous confronte pas à nos contradictions ou notre hypocrisie, ce pourrait être de notre faute à nous, nous ne serions pas assez lucides pour reconnaître ce qui nous désigne en caricaturant, au fond le problème de la satire.
Bon tout ça ne veut pas dire que c'est réussi, le film fait un peu figure de récap facile de poncifs sur la banalité du mal et la nocivité de certaines idéologies. Il y a un côté instructif, mais trop disjoint, pas assez constructif pour emporter l'adhésion, et la comédie ne vient pas compenser ça.

Tu te réponds à toi-même. Mais oui, on a suffisamment d'exemples dans notre propre histoire pour que ne pas connaître l'histoire de la Roumanie soit une excuse pour éviter de faire des parallèles avec une histoire qui nous est plus familière. C'est la où le bât blesse dans l'avis de Freak qui s'attend à un film sur une sextape qui filtre alors que le film se veut une radiographie de la société roumaine, et plus si affinités. Ainsi le film est plus instructif que La Liste de Schindler où l'érection d'un businessman nazi en saint, avec la forme qui convient, n'est finalement représentatif de rien d'autre qu'une pensée un peu magique.

La comparaison est ubuesque.

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Lol oui.

Sinon j'ai lu des comparaisons avec Don't look up et effectivement c'est le même esprit de boomer pas drôle.

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CroqAnimement votre

Non Radu Jude fait une fixette sur l'antisémitisme roumain (et les massacres auquel il a donné lieu pendant la guerre mais certes, c'est plus le sujet de I don't care...). Je voulais juste dire que son cinéma a vocation à être un peu instructif, notamment à ce sujet, ce qui donne des sophismes un peu débiles, ou des raccourcis, car ce n'est pas faux, comme celui sur lequel le film est fondé : une vidéo de sexe consentant est plus choquante que des trucs qu'on ne cesse d'occulter. Le film a donc le mérite de mettre ça en relief, là où un film compétent permet juste de se donner bonne conscience. Mais certes, j'aurais pu choisir un autre exemple. On n'est pas loin des Baloches, au niveau du canevas, mais la partie de jambes en l'air n'est pas le sujet.