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MessagePosté: 16 Fév 2016, 23:47 
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Contrairement à beaucoup, je n'avais pas encore été entièrement séduit par le cinéma de Jeff Nichols. Je n'ai pas vu Shotgun Stories mais Take Shelter m'avait paru inégal et Mud, plus convaincant, ne m'avait toutefois pas transporté.
Cela dit, j'avais été agréablement surpris de relever une certaine influence spielbergienne dans les deux films en question. La folie du père de famille dans Take Shelter n'est pas sans rappeler celle du personnage identique dans Rencontres du troisième type et il y a quelque chose dans le récit initiatique de Mud où un enfant se fascine pour une figure paternelle de substitution qui m'avait évoqué E.T.

Avec Midnight Special, Nichols attaque ses influences encore plus frontalement, à l'instar d'un J.J. Abrams sur Super 8. Toutefois, j'ai davantage pensé au Shyamalan des débuts. Disons que dans le rapport hommage/digestion, c'est quelque part entre les deux. Dans ce road movie qui prend pour décor l'Amérique rurale qu'affectionne le cinéaste, il y a beaucoup de Rencontres du troisième type (et un peu de E.T.) mais aussi beaucoup de Starman mais l'histoire que choisit de raconter Nichols et le propos qu'elle véhicule sont complètement autres.

Venu présenter le film, le metteur en scène fit le lien entre Take Shelter et ce film-ci, et les rôles de pères qu'y tient Michael Shannon, expliquant que l'un témoignait de l'appréhension du futur père (qu'il était lui-même) tandis que l'autre évoquait la peur qu'un père ressent pour son enfant, désormais né.
Cette relation, du parent vers l'enfant (et non l'inverse comme c'est souvent le cas, notamment dans le genre), c'est le point d'ancrage du film. C'est là-dessus que Nichols, avec un traitement du genre presque aussi "low-fi mais puissant" que sur Take Shelter, bâtit tout son propos, à savoir cette notion de l'enfant vu comme le dieu de ses parents.

Chez Spielberg déjà, le fantastique était une manière de renvoyer au divin (l'illumination de Roy Neary et son pèlerinage vers son Mont Sinaï, E.T. comme figure christique, guérissant les gens, mourant puis ressuscitant) et Nichols pousse cette idée encore plus loin.
Tout ce qui concerne le Ranch est génial.

S'il invoque les codes du genre - l'inévitable rôle du gouvernement dans l'intrigue par exemple - c'est pour mieux développer son récit d'illumination. À ce titre, les personnages incarnés par Adam Driver (le François Truffaut de Rencontres du troisième type dans le corps du Jeff Goldblum de Jurassic Park et Independence Day) et surtout Joel Edgerton (dans un très beau personnage secondaire qu'on ne peut qualifier autrement que de "converti") sont assez parlants.

Tous les apparats de la SF ne sont là que pour illustrer les différentes sensations de la paternité. La vénération pour son enfant, petite merveille dont on boit les paroles. La peur pour son enfant quand il est malade ou s'il est "à part", s'il est (midnight) "spécial".
La difficulté de le voir quitter le nid, comme en témoigne ce climax évoquant une fois de plus Rencontres du troisième type et le départ de Roy Neary.


Une fois de plus après Tomorrowland, on a un bel héritier de l'école Amblin qui sait cultiver son mystère sans trop en faire, distillant les informations au rythme adéquat pour tenir en haleine.
D'ailleurs, Nichols devait être dégoûté en découvrant le film de Brad Bird vu les similitudes (dimension parallèle accessible depuis un champ où apparaît soudain une ville futuriste).
En tout cas, j'en suis sorti illuminé.

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MessagePosté: 16 Fév 2016, 23:54 
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Tu fais plaisir: le film vieillit très bien de mon côté.


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MessagePosté: 17 Fév 2016, 09:55 
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MessagePosté: 17 Fév 2016, 10:07 
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MessagePosté: 17 Fév 2016, 10:42 
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Au contraire chez moi le film vieillit particulièrement mal. Je pense que c'est le Jeff Nichols que j'aime le moins et je continue de penser que Shotgun Stories est son meilleur film. Mais je n'ai jamais été un immense fan de toute façon.

J'adore le début, la première demie-heure en gros, cette intro in media res pleine de mystères, d'émotions contenues (superbe petit thème au piano de David Wingo) et surtout de promesses (la secte, l'enfant alien aussi fascinant qu'effrayant). Mais je trouve que tout ce qui suit ne fait que décevoir toutes ces propositions.

D'une part parce que le scénario me semble globalement assez mauvais. Nichols l'a dit en intro il a volontairement laissé des non-dits et des choses non expliquées mais ça ne fonctionne pas du tout. Le film ne cesse de te balancer des infos sans que ça ne fasse vraiment sens, sans que ça aide à créer un univers, une espèce de mythologie. Surtout que ça fait perdre totalement de force à certaines scènes clés qui ne reposent sur rien. Comme par exemple le fait
que l'enfant ne vit que la nuit. On nous dit qu'il vit la nuit parce qu'il faisait trop de dégâts durant le jour. Il demande à voir le lever du soleil et son père lui dit que ça pourrait le tuer. Ah bon ? Du coup la scène du lever du soleil, chargée d'un suspens totalement artificiel ne fonctionne absolument pas. Pareil pour cette poursuite dont l'issue n'est jamais très clair. On te crée tout un build-up pour te dire que l'enfant doit être à tel endroit, tel date où tu imagines naturellement qu'il doit sauver le monde. Mais finalement c'est juste un rendez-vous pris avec les siens lors de ce levée du soleil pour le ramener chez lui. Mais du coup pourquoi Shannon l'a enlevé à ce moment-là ? Y a rien qui fonctionne pour moi, c'est brouillon, c'est mal écrit. Je me disais sans cesse que Nichols aurait dû travailler avec un co-scénariste.


Puis j'en ai un peu marre de ce cinéma post-Amblin, post 80es, post Spielberg qui recycle ses références avec tellement de lourdeur. Super 8 est passé par là et au moins chez JJ Abrams il y a un sens du spectacle et du divertissement. Là on est dans un mix évident E.T, Rencontres du 3ème type et Starman et j'aim vraiment l'impression que Nichols plaque littéralement tout ces références sur son univers texan low-fi sans aucune invention. Du coup évidemment le film ne contient absolument aucune surprise, la fin est totalement convenue mais deuxièmement je ne suis pas sûr que ce ressassement et ce regard vers l'arrière apporte quoi que ce soit au cinéma. En tout cas clairement pas dans ce film. On parle de Tomorrowland et même si j'aime pas particulièrement le film, il y a dans ce fantasme d'un passé SF (aussi bien cinéphile que puisant dans la mémoire collective) une réinvention. Qui est totalement absente ici.

Et puis je suis surpris que personne ne note à quel point le cinéma de Nichols est un cinéma presque réactionnaire. Il y a cette espèce de chape de plomb émotionnelle issue d'un cinéma d'hommes qui n'avouent pas leurs sentiments par pudeur. Quelque chose de l'ordre du western classique, une forme de désuétude presque misogyne qui fait de l'unique personnage féminin du film (Kirsten Dunst) un accessoire assez terrible. C'est quelque chose qui me gêne particulièrement parce que d'une part c'est contraire à ma vision du monde et du cinéma et d'autre part parce que c'est d'une sécheresse absolue. Je reste totalement froid face à tout ça, les personnages refusant d'exprimer quoi que ce soit. A l'image d'un Michael Shannon (que j'adore) qui joue toujours sur la même ligne sourcils froncés, bouche tordue, peu voire pas d'affects.

Mauvais film de SF qui ne semble fonctionner que sur le mode métaphorique de la relation du père (plus largement du parent) à l'enfant, avec cette vision de l'enfant comme un alien, la peur de la maladie, de la perte, le sens du sacrifice etc... mais qui ne parvient jamais à aller au-delà ne proposant rien de vraiment palpitant, Nichols n'ayant aucun sens du spectacle ou du merveilleux. Sa mise en scène sèche et brute, particulièrement fade dans ce film, n'apportant rien à son sujet (on repense au meilleur de Shyamalan qui en est à des années lumière avec nostalgie). D'ailleurs les quelques plans à effets spéciaux sont particulièrement laids peu aidés il faut dire par une photo maronnasse anachronique extrêmement terne.

Bref, je sens que je vais me sentir encore bien seul mais j'ai du mal à comprendre l'enthousiasme démesuré lu ici ou là, la clique Inrocks & co criant déjà au chef-d'oeuvre absolu.

2/6

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Dernière édition par Art Core le 17 Fév 2016, 10:43, édité 1 fois.

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MessagePosté: 17 Fév 2016, 10:43 
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Art Core a écrit:
la clique Inrocks & co criant déjà au chef-d'oeuvre absolu.

Aïe, ça fait mal ça, je sais plus quoi penser.

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MessagePosté: 17 Fév 2016, 11:11 
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Art Core a écrit:
Bref, je sens que je vais me sentir encore bien seul mais j'ai du mal à comprendre l'enthousiasme démesuré lu ici ou là, la clique Inrocks & co criant déjà au chef-d'oeuvre absolu.

C'est exactement ce que TAKE SHELTER m'avait fait la première fois, avec les mêmes reproches que tu cites. Mais j'ai fini par mieux apprécier le cinéma de Jeff Nichols, qui est en fait un cinéaste plus radical qu'on peut le penser.


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MessagePosté: 17 Fév 2016, 11:23 
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C'est marrant cette histoire de réactionnaire, car je crois surtout que son propos est très américain. En conf de presse, il a totalement défendu involontairement l'idée qu'un couple était une mère, un père et que le but d'un couple était d'avoir des enfants

mais c'était dit avec naïveté, pas revendication


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MessagePosté: 17 Fév 2016, 12:00 
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Oui cela correspond bien à ce qu'il représente (cette amérique profonde) mais ça n'en reste pas moins une vision paternaliste datée. D'ailleurs j'irai même plus loin en disant qu'il fait un cinéma éminemment républicain (du nom du parti).

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MessagePosté: 17 Fév 2016, 12:32 
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Le Cow-boy a écrit:
Ça donne envie.
Ça peut me plaire tu crois ?

Pendant la première moitié, je me disais "grave" puis après, j'étais moins sûr.
Vois-le quand même.

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MessagePosté: 17 Fév 2016, 14:41 
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MMMMFFFF


ok.

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MessagePosté: 18 Fév 2016, 00:54 
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Plus du côté de Art Core pour le coup et je suis un gros fan de Take Shatler et Mud (et j'aime bien Shotgun Stories.) Premiére grosse déception de la part de Nichols en ce qui me concerne.


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MessagePosté: 16 Mar 2016, 17:01 
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Ce que je reprocherais surtout au film, c'est de ne pas raconter grand-chose. Il multiplie les fausses pistes qu'il dézingue lui-même à haute voix
("pas un sauveur, pas une arme")
et le fil rouge du film (le road-movie avec les flics au cul) ne sert à rien et n'est jamais trépidant, du coup il reste quoi, trois bribes d'idées pas originales sur l'enfance, c'est maigre et à la fin je ne sais pas trop si c'est un film sur le deuil ou le passage à l'âge adulte ou juste la paternité. J'ai aimé Mud, j'ai trouvé Take Shelter presque trop explicite, celui-ci au contraire ne me donne pas assez de matière et, s'il fallait l'expliquer au-delà de l'histoire au premier degré, bah je n'aurais pas bézèf à dire. C'est con parce que Nichols sait quand même filmer et diriger ses acteurs.
2,5/6


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MessagePosté: 17 Mar 2016, 09:32 
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C'est sympa mais il me manque un petit truc pour être à fond. Déjà ya quelques points non expliqués qui me dérangent :
- Le gamin est pas l'enfant biologique des parents alors ?
- Je comprends que les parents l'aient pas exposés à la lumière de peur que ça lui fasse du mal, mais pourquoi ensuite ils ont l'air d'être conscients du fait qu'il a ouvert un portail ?
- Pourquoi les personnages doivent-ils se rendre à un endroit précis à un instant T, alors qu'un peu plus tot dans le film, le gamin a ouvert un portail déjà ?


Je veux bien qu'il reste du mystère et des choses laissées à notre interprétation, mais là c'est limite de l'incohérence.

J'adore les persos car on évite pas mal de schémas récurrents :
- à la fin, ils sont tous en vie. Au début du film, Edgerton a une tronche à se faire dézinguer lors du climax.
- ils s'entendent bien. Un peu de tension entre les deux gars, mais rien de bien grave. Et la petite famille est soudée. Pas d'histoire de parents séparés.


Sinon, je surkiffe la réa et la zik.

C'est chaud comment ça ressemble à Tomorrowland aussi.

4/6


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MessagePosté: 17 Mar 2016, 09:39 
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Sinon, je pense que le Cow Boy va trouver ça chiant et péteux.


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