Tetsuo a écrit:
Je suis d'accord mais je dirais que l'esthétique est aussi quelque chose d'idéologique (ce qui n'est pas la même chose que politique), puisqu'il s'agit avant tout d'une question de point de vue. C'est un peu la valeur idéologique de ce point de vue qui m'importe, mais c'est quelque chose que je dissocie complètement du discours politique que tiendrait le film.
Mais ça je crois de toute façon qu'on est tous d'accord : laissons de côté le discours. Débarrassons-nous même de la découpe droite/gauche. Gardons simplement les questions de point de vue.
Sur la multitude de documentaires de création penchés sur le sort d'une entreprise en difficulté (et dieu sait qu'il y en a un tas...), existe-t-il ne serait-ce qu'un film épousant le regard (les angoisses, les problèmes, les questions) d'un patron ? Quand j'avais discuté pour la première fois de ça avec un programmateur de festival doc, et que je parlais de la possibilité de filmer les patrons, son premier réflexe avait été de me répondre : "Oui, filmer l'ennemi". Ça m'avait frappé, mais pas seulement pour l'incompréhension mutuelle dont ça témoignait.
Car quand bien même de multiples documentaristes (dont les meilleurs) vont le filmer comme un ennemi, ce patron, j'entends bien que ce ne sera pas forcément là leur but, au sens d'un positionnement politique à affirmer. Que leur cinéma sera sûrement entrain de me raconter tout autre chose, quelque chose de totalement singulier et personnel, et qu'il se trouvera par hasard, en passant, dans les recoins de ce point de vue-là, sur les bordures de cette vision-là, que le patron est l'ennemi (pas dans le discours, mais par la simple façon dont on l'aborde : la façon dont on l'approche, la distance à laquelle on l'observe, etc.). Cela ne devrait finalement pas réellement m'intéresser, c'est se focaliser sur quelque chose qui n'est pas ce dont le cinéaste me parle - et puis "l'ennemi", c'est un statut vague qui peut recouper d'infinies nuances et ambiguïtés de point de vue. Il reste néanmoins, une fois faits les comptes, ce constat : le patron est l'ennemi (l'autre, l'adversaire, le danger, le système...) sur la quasi-totalité de la production. Et c'est cela qui m'interroge (en tant que symptôme à l'échelle de la production, donc, pas en tant que problème chez les cinéastes eux-même - les cinéastes pensant évidemment ce qu'ils veulent...).
Citation:
Michael Moore c'est l'exemple parfait du contestataire qui est dans la norme (d'où sa nullité esthétique). La norme, c'est avant tout la perversion.
Quand tu me parles de norme, quelques messages plus haut, tu parlais donc bien de norme esthétique ? (sans faire abstraction de l'idéologie que cette esthétique exprime, mais j'avais cru en te lisant que tu parlais de norme idéologique dans l'absolu, vu que tu parlais de pensée dominante)