Forum de FilmDeCulte

Le forum cinéma le plus méchant du net...
Nous sommes le 07 Mai 2025, 00:42

Heures au format UTC + 1 heure




Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 5 messages ] 
Auteur Message
MessagePosté: 07 Avr 2014, 21:33 
Hors ligne
Expert

Inscription: 28 Mar 2014, 10:03
Messages: 283
Pas vu de topic, Je me lance donc avec des spoilers partout et en en parlant n'importe comment

Image

Poursuite de l’exploration de la filmographie de Peckinpah et là, on atteint des putains de sommets.

J’évacuerai rapidement la partie éloges techniques : le jeu des acteurs, cette mise en scène admirable (mama mia, la première fusillade qui scotche au siège : gestion de la tension, de l’espace, de l’action, tout y est. Boum.) toujours un travail d’orfèvre sur le son (les rugissements des colts) bref, c’est du petit lait…

C’est dingue comme tout est souillé dans ce film, ce n’est même plus crépusculaire, c’est carrément nuiteux. Idéaux, relations, dirigeants, rien n’a de valeur, tout est marqué du sceau de la désillusion, de la crasse : les premiers regards posés sur cette œuvre glissent sur les visages sales d’enfants, tandis que les peaux des voyous qui les toisent luisent d’un éclat galeux.

L’ouverture du film annonce, déjà, (comme dans straw dogs tiens) la fin : Ces scorpions qui se débattent face à la multitude, piquant de-ci et de là avant d’être engloutis par le Feu. Ces gamins, qui sont aussi souillés que les hommes, mais qui ne font plus partie du même monde, celui qu’arpente ces vivants en sursis, perchés sur leurs chevaux. Belle façon de situer en quelques plans la déconstruction d’un mythe.

Marrant aussi comme le générique imprime ces gueules (il n’y a pas vraiment d’autres mots) sur l’écran, ces mecs qui appartiennent déjà à l’histoire, déjà morts et pourtant encore vivants. Pour aller où ? Pourquoi ? Encore une et on arrête, hein, promis…

Car, après quoi courent-ils tous en se débattant vainement dans les mailles d’une existence sans valeurs ni référents ? la loi, ce sont les diktats de la railroad (cette réplique d’ailleurs, how does i feel to be goddamn right : good, haha). La fraternité, c’est abattre sans une once d’hésitation un compagnon agonisant quand il nous retarde. Le quotidien sert à rappeler tous les jours à la lie de l’humanité son insignifiance. La foi ? …

Et pourtant un glissement s’opère lors de la visite de la ville d’agua verde. La caméra, qui ne s’était alors fixée sur personne, adoucit son mouvement, prend le temps de capter, de dérober, les pensées intimes de ces hommes. Les espoirs de chacun s’incarnent, l’écho des mélodies qui résonnent en eux parviennent jusqu’à nous, finalement. Et c’est un vieillard mexicain qui apporte le contrepoint à leurs errances: « We all dream of being a child again, even the worst of us.” Au milieu de tout cela, le regard de pyke enveloppant avec une chaleur et une humanité brûlante ces gamins qui dansent en dit long.

D’autant plus long lorsque l’on met cela en parallèle avec le terrible couperet que Dutch fait tomber face à l’illusion entretenue par Pyke : BACK UP TO WHAT ?

Face à cet horizon bouché, à quoi d’autre se raccrocher si ce n’est à l’autre, à la foi que l’on insuffle dans le vaurien qui vague, cahin-caha, à nos côtés : « When you side with a man, you stay with him, and if you can’t do that, you’re an animal » ( intéressant ce retour de la question de l’animalité qui transpire également dans straw dogs)

Les corps, par ailleurs dans ce film, l’impression de lourdeur qui se dégage dans les mouvements, me frappe : ça boite, ça claudique, ça se traine, ça porte les affres d’une vie sur ses épaules comme des hardes, sans pouvoir se prémunir des blessures. La scène où Pyke casse son étrivière parle d’elle-même : on a mal dans ce pays, on se traîne plus qu’autre chose. Exit les grandes chevauchées : ça chute plus que ça galope (on doit voir plus de chevaux à terre que sur leurs quatre sabots dans ce film)

Intéressante également l’utilisation du ralenti. Quelle fonction tiennent-ils ? Au-delà du parti-pris graphique, que dit un ralenti, pourquoi montre t’on un corps tomber comme cela, une gerbe de sang ici ? S’agit t’il de souligner l’absurdité de cette ultime tressaut ? de ce flot de fluide ? Retarde t’on l’inévitable, rien qu’un instant, pour conscientiser (ouh le vilan mot), incarner la mort ? Je ne veux pas trop théoriser cet aspect-là, ce qui nierait surement l’intention au cœur du dispositif, mais c’est tout de même notable.

Dans un autre registre, les femmes sont cette fois toutes des putes, mais aussi des mères. Et c’est de l’une d’elles, de son regard naviguant de ce louis d’or au visage sali de Pyke, qu’une forme de rédemption advient, que la mécanique des jours qui s’enfuient vainement cède sa place à quelque chose. Autre.

Je ne connais pas du tout Peckinpah, mais le côté pessimiste, nihiliste outrageusement présent laisse apercevoir des saillies, comme des cris jetés à la face du monde, les cris de quelqu’un qui veut y croire. A ce titre, le mouvement final est aussi splendide que vain : La mort du général, que suit ce déchainement inouï de violence, est un suicide, qui pourtant porte en lui son exact opposé. Les personnages ne font plus que crier, ils ne crient pas pour demander pourquoi, ils ne crient pas par peur, ils crient simplement leur rage, leur force de vie. C’est extrêmement fort.

La fin est significative à ce titre : Alors qu’il aurait pu terminer sur le festin des vautours (dans les deux sens du terme) et l’enfance souillée ; L’œuvre se clôt sur la réunion des deux vieux briscards et leurs rires, auxquels répondent la bande, la horde.

It ain’t like it was, but it’ll do.

Ce n’est surement qu’une digression personnelle, mais cette fin m’a rappelé le monologue de la femme à la fin de STALKER, un monologue qui se ferait au colt au lieu des mots.

Cela en valait la peine finalement ?

_________________
ART: Ça mène à l'hôpital. A quoi ça sert, puisqu'on le remplace par la mécanique qui fait mieux et plus vite.


Dernière édition par Ilouchechka le 07 Avr 2014, 22:05, édité 1 fois.

Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 07 Avr 2014, 22:03 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 22 Avr 2008, 12:52
Messages: 1650
Il faut mettre le titre en français, sinon quelqu'un d'autre va arriver par derrière et créer un sujet pour le même film.


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 07 Avr 2014, 22:08 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 13 Juin 2013, 15:21
Messages: 2593
Localisation: Le Zócalo
Ilouchechka a écrit:
Cela en valait la peine finalement ?


Vu la scène de fin (où on revoit le groupe apaisé dans un lieu indéfinissable, comme s'ils avaient atteint leur Valhalla à eux) j'aurais envie de dire oui, ce sursaut d'honneur, cette volonté d'aider Angel jusqu'au bout, de mourir digne et debout comme un homme, pour moi c'est ce qui fait que ce sacrifice en valait la peine.


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 27 Avr 2025, 20:14 
Hors ligne
Meilleur Foruméen
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 25 Nov 2005, 00:46
Messages: 87865
Localisation: Fortress of Précarité
J'avais vu le film ado mais je n'en gardais stric-te-ment aucun souvenir. Pas une scène. Il ne m'en restait que ce que "tout le monde" sait : sa réputation de western crépusculaire et violent.

Mais on est au-delà du crépusculaire là, on est presque dans Seuls sont les indomptés. Je ne me souvenais plus que ça se passait carrément en 1913 et que les protagonistes voyaient de leurs yeux une BAGNOLE faire irruption dans leur monde qui n'est plus changeant mais qui a complètement changé. Un monde où l'uniforme n'a plus aucun sens, tantôt vêtu par des bandits pour braquer une banque, tantôt par une armée aussi pourrie que leur dentition. Un monde vraisemblablement sans représentants de l'ordre, où la simili-figure d'autorité est en fait un patron (du chemin de fer) obligé d'embaucher des taulards (superbe personnage de Robert Ryan qui n'a pas envie d'être là) pour traquer une bande de truands. Des truands qui sont prêts à laisser derrière eux leurs partenaires. Et même les enfants sont sans pitié.

Et tout ça (sauf la voiture), c'est posé dans les 10 premières minutes.

Dès l'introduction, ce que Peckinpah amorçait dans Coups de feu dans la Sierra, ce qu'il travaillait dans Major Dundee, se retrouve incarné de façon radicale, paroxystique même. Là où ses précédents films dialoguaient encore avec le western classique, celui-ci m'a paru être le premier film à porter à 100% l'identité de l'auteur. Et j'ai vraiment l'impression de n'avoir jamais vu un western comme celui-ci, aussi "sale". De l'image presque délavée à l'utilisation de la mitraillette qui semble posséder ceux qui l'utilisent, la tournoyant comme Leatherface le fera avec sa tronçonneuse, en passant par la chique qui dégouline de la gueule du vieillard de l'équipe ou de la vinasse dans laquelle se vautrent allègrement les frangins et leurs putes, on est vraiment dans quelque chose de dégueulasse. Quand un pote demande qu'on l'achève parce qu'il est blessé, c'est pas la blessure invisible au bide révélée par un main qui ressort ensanglantée du veston, c'est parce qu'il pisse le sang par les yeux.

Formellement aussi, on sent que Peckinpah se trouve, avec ces ralentis expressionnistes. La filiation avec Mann, Woo et Tarantino est évidente mais je me suis rappelé que Bay citait ce film quand il parlait de la figure du héros américain et de son déclin et les fusillades sanglantes de Peckinpah ont quelque chose de tragique que l'on retrouve par exemple dans la scène des douches de The Rock.

Dans d'autres films du genre, l'arrivée du chemin de fer évoque l'arrivée de la civilisation. Ici, le train a simplement remplacé les diligences comme véhicule à braquer (incroyable séquence d'ailleurs) et toute autre marque de progrès technologique se retrouve associée la mort (la bagnole refera son apparition pour traîner un gars sur des kilomètres, la mitraillette-trophée se retournera contre ses propriétaires). L'Ouest mythique a cédé la place à un Sud infernal, la Conquête finie depuis bien longtemps laissant la place à une bonne vieille guerre qui n'a plus rien de civil, renvoyant à la bêtise de la persévérance de l'Amérique au Vietnam. Le film sort alors que le genre se meurt mais il le démythifie surtout parce que le peuple se réveille aux actes les moins glorieux de son pays. Et ce n'est pas par hasard que les garants de l'intégrité et de la lutte dans le film sont un mexicain et ses cousins descendants des natifs.

Mais je trouve intelligent de la part de Peckinpah de ne pas avoir transformé ses personnages en sept samouraïs à la fin. Ils ne reviennent pas défendre la veuve et l'orphelin ou une noble cause. Sous couvert de loyauté (j'adore le perso d'Ernest Borgnine), ils reviennent par désir de sang et désir de mort. Ils sont dépassés, fatigués, ne goûtent plus à la chair et à l'or. Il est temps d'en finir.

_________________
Image


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 27 Avr 2025, 21:05 
Hors ligne
Robot in Disguise
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 13 Juil 2005, 09:00
Messages: 37366
Localisation: Paris
Vu y a plus de mille ans, ça donne envie de me le refaire.

_________________
Liam Engle: réalisateur et scénariste
Image


Haut
 Profil  
 
Afficher les messages postés depuis:  Trier par  
Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 5 messages ] 

Heures au format UTC + 1 heure


Articles en relation
 Sujets   Auteur   Réponses   Vus   Dernier message 
Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. La Horde (Yannick Dahan & Benjamin Rocher, 2009)

[ Aller à la pageAller à la page: 1, 2, 3, 4, 5 ]

Film Freak

71

10727

10 Déc 2011, 19:29

Tom Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Croix de fer (Sam Peckinpah, 1977)

ZDC

4

2018

24 Fév 2025, 10:25

Art Core Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Chiens de paille (Sam Peckinpah - 1971)

[ Aller à la pageAller à la page: 1, 2 ]

Alabama

23

4273

04 Avr 2021, 14:05

elmergantry Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. The Deadly Companions (Sam Peckinpah, 1961)

Film Freak

1

113

12 Avr 2025, 22:09

Mr Degryse Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Osterman Week-end (Sam Peckinpah, 1983)

Le Pingouin

6

1695

15 Avr 2008, 02:49

Tetsuo Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Major Dundee (Sam Peckinpah, 1965)

Vieux-Gontrand

1

1158

25 Avr 2025, 14:11

Film Freak Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Vie sauvage (Cédric Kahn - 2014)

Karloff

11

2108

05 Nov 2014, 10:11

Nada Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Pat Garrett & Billy the Kid (Sam Peckinpah, 1973)

Walt

8

2097

29 Juin 2014, 22:23

Azuma Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. La Planète sauvage (René Laloux - 1973)

Blissfully

4

1658

11 Jan 2016, 10:20

Art Core Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. L'Équipée sauvage (Laszlo Benedek, 1953)

Mister Zob

1

1347

27 Aoû 2007, 21:50

Jericho Cane Voir le dernier message

 


Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 27 invités


Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets
Vous ne pouvez pas éditer vos messages
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages

Rechercher:
Aller à:  
Powered by phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction par: phpBB-fr.com
phpBB SEO
Hébergement mutualisé : Avenue Du Web