Inscription: 04 Juil 2005, 17:02 Messages: 16802 Localisation: en cours...
The Scythe-Meister a écrit:
Zad a écrit:
juste un tout petit truc :
j'ai eu du mal à accepter qu'Amy n'ait rien dit du viol à David. C'est sans doute la plus grosse pilule à avaler. Mais j'ai fini par l'accepter, même si j'ai du mal à justifier clairement cette décision (disons que je crois la comprendre partiellement : elle pense que David n'est pas assez fort pour surmonter ça et elle a honte... il faut accepter ça, mais c'est tout juste... heureusement, tout le reste est tellement brillant qu'on l'accepte).
Je trouve ca au contraire très crédible... ce sont les années 70, le viol est une chose dont on ne discutait pas autant qu'aujourd'hui et qui n'était pas vu de la même manière (par les gens et par conséquent les personnages j'entends, pas par le réalisateur)... aujourd'hui encore de nombreuses femmes violées taisent l'événement, alors dans les années 70... De plus, et c'est bien sûr encore valable aujourd'hui, ce genre d'événement et les attitudes qui s'en suivent n'ont pas à se rationnaliser, ce n'est pas quelque chose à accepter dramatiquement, la question ne se pose même pas en ces termes à mon avis. Si on veut le ramener à des mécanismes dramaturgiques, c'est un peu tuer le réalisme et la vie des personnages et ramener ce qui est de l'ordre de l'intime à quelque chose de rationnel et d'explicable sur lequel on peut émettre un jugement. Ca fait partie de ces blessures intimes avec lesquelles on ne peut de toute manière pas s'identifier (en tout cas la majorité). D'ailleurs le comportement du personnage est très bien retranscrit après ce moment (en tout cas dans mon souvenir), elle est constamment sur la brèche tout en intériorisant tout. Je trouve ca très juste.
tu m'as convaincu. Effectivement, j'avais pas vraiment pris le contexte en compte, voilou. Merci pour ton explication.
The Scythe-Meister a écrit:
Zad a écrit:
perso, j'ai eu l'impression qu'elle tentait une ruse, espérant trouver un moyen de le piéger, et qu'elle mimait le plaisir... J'ai pensé ça du fait d'un insert sur le feu dans la cheminée, qui suit un de ses regards fuyant autour d'elle. Genre : je cherche un truc pour m'en sortir, genre un tisonnier... Ce à quoi on s'attend d'ailleurs, comme si Peckinpah jouait avec nos habitudes narratives : ça n'arrivera pas. Rien n'entrave cette violence.
Je ne pense pas qu'elle mime. Il y a une vraie ambiguité chez elle à ce moment. Et là est l'intelligence de Peckinpah : il y a deux temps et il n'y a aucune trace de plaisir avec le second violeur. Il condamne radicalement le viol avec le second violeur tout en maintenant l'ambiguité des personnages dans la première moitié de la scène. S'il n'y avait eu que le premier, on l'aurait taxé de macho qui pense qu'"au fond elles aiment ca".
une fois de plus, tu m'as convaincu (profite, profite ). D'ailleurs ça se confirme à la fin, lorsque le deuxième violeur se fait flinguer par le premier.
The Scythe-Meister a écrit:
Et Calvaire c'est une bouse franchement à côté de Straw dogs.
Un film qui a systématiquement droit à sa zobséance annuelle et qui me met à chaque fois dans un état pas possible.
Mise en scène furieuse *et* intelligente, interprètes parfaits dans leurs rôles complexes et puis un montage de malade, pour l'époque, lors de la séquence du siège de la ferme. J'avais pondu une petite critique, y a longtemps.
Découvert alors qu’il trainait depuis un certain temps sur l’étagère, straw dogs en impose. Le travail de montage, sur le son, des acteurs (putain dustin…) est exceptionnel et mérite d’être salué.
La première scène est programmatique de ce qui s’ensuivra : une farandole de bambins qui s’égaillent dans un … cimetière, suivi d’un travelling sur la poitrine menue, mais néanmoins dardée d’Amy.
Ça va être salissant :
It’s a man trap […]My wife is a bit of a collector, i end up with them.
La première partie du film est d’une maitrise rare dans l’exposition des personnages et des situations. Ce qui est d’ailleurs saisissant, c’est à quel point tout est là, et ce, dès le début :
*La droiture de David
qui tient à payer ses cigarettes pourtant déjà payées, et qui se retrouvera dans sa défense inflexible du fou.
*Sa violence,
suintant de son ironie parfois venimeuse (la scène avec le révérend pas piquée des hannetons), et des jetés de fruits au chat (il n’est pas si loin des pécores qui lui balanceront des rats à travers les vitres…)
*L’animalité des futurs agresseurs (le curseur penche d’ailleurs un peu trop, désincarnant un chouille les indigènes locaux) lorsque le dératiseur éructe : i feel closer to rats than to people.
*L’incompréhension funeste qui sépare petit à petit ce couple communiquant bien trop peu pour jeter un pont au-dessus du gouffre de leurs différences, les précipitant au plus profond de leur individualisme (lui, dans un intellectualisme morbide, elle dans une vénéneuse provocation)
*Et pourtant, ce qui les lie : ces jeux, au lit notamment, où la confrontation à l’autre aboutit sur le rapprochement. (Bô)
Il y a dans cette première heure une virtuosité saisissante : le film dessine des personnages qui existent, qui sont vous, qui sont moi, un peu lâches, un peu trop portés sur leurs nombrils. J’ai vraiment eu l’impression que l’on me racontait une histoire, qu’ils étaient là, devant mes yeux et que tous étaient dessinés dans leur humanité, dans leur complexité. Avant que tout bascule.
Le pivot du film me pose énormément de questions.
D’autant plus qu’il est dissocié de la future violence de David : ce n’est pas l’élément déclencheur et l’acte restera tu (même si quelques indices laissent à penser que David l’a compris) Qu’est ce qui se joue donc ici ?
Parce que, contrairement à ce que j’ai pu lire ici et là, il n’y a pour moi pas d’ambiguïté dans le premier viol : Amy finit par prendre du plaisir et « accepter » l’étreinte. En témoignera le premier moment de bascule : le « hold me », ses caresses erratiques sur le visage de Charlie, ses joues qui se colorent petit à petit. Le flou s’évanouit définitivement avec ses gémissements furtifs, les baisers qu’elles donnent à ce qui devient son amant, sa main se posant délicatement sur le bras, et son sourire, ce sourire INFÂME qui éclot sur son visage transpirant alors qu’elle glisse sur le ventre.
S’ensuit le deuxième round, replongée dans l’horreur sans billet de retour.
Je trouve ça dommage, infiniment dommage. Je ne sais même plus ce que veut dire Peckinpah avec cette scène, et c’est là tout mon problème. (En sus d’avoir méchamment décroché du film à ce moment-là : j’ai dû faire une pause.)
Qu’est-ce que l’on raconte ici ? Que, après tout, elles aiment ça et que le fantasme du viol, c’est une réalité? Qu’on illustre l’impuissance de David ? Qu’on dit que le viol, c’est pas beau ? Qu’amy a été punie pour avoir pris son pied avec son ex (surtout qu’en plus, elle allumait les mecs hein) ? Que Peckinpah a un méchant problème avec les femmes (le seul autre personnage féminin est une allumeuse qui meurt de la façon la plus conne possible.) ? Est-ce là pour montrer que, après tout, tout est plus complexe qu’il n’y parait ?
What the fuck ?
Je ne comprends pas. C’est d’ailleurs, à mon sujet, peut être plus une incompréhension personnelle qu’un manque de clarté du projet, étant donné que l’on touche à des questions éthiques ou personnelles sensibles.
Il n’en reste que l’atrocité de l’évènement et la façon dont Amy va le vivre sont capturés avec une effrayante justesse: ses réminiscences la poussant au bord du vide en permanence, bien qu’elle reste désespérément muette.
La suite du film est toujours aussi brillante. L’escalade dans la violence est rampante, mais inexorable. L’incompréhension est trop grande
(le brouillard qui entourera d’ailleurs la maison du reste du monde, c’est aussi la barrière entre nous et les autres). Cette célébration malsaine où, encore une fois, la cacophonie des serpentins se marie à une accélération du montage marque ce basculement avec brio, tant de manière symbolique que de manière formelle: putain de climax.
Les plus intéressant dans ce déchaînement de violence, c’est de voir David ne pas perdre pied : Il ne sombre pas dans la folie pure, il ne finit pas ses adversaires à coups de hache, il est d’une maîtrise de soi et d’un calme glaçant. La culture, l’intelligence, sont mises au service d’une défense aussi méthodique qu’acharnée.
A ce titre, il ne me paraît pas abandonner ses convictions : l’escalade de la violence se fait à partir d’une de ses décisions de protéger l’autre idiot, décision auquel il se tient, même devant les exhortations hystériques de sa femme (qui hurlera d’ailleurs le nom de son violeur plutôt que celui de son mari, syndrome de Stockholm powa). Il ne tue pas pour le plaisir et évite la résolution mortelle si celle-ci est évitable : il frappe juste le fou levant la main (encore une fois) sur la cuisse de sa femme ; Il n’achève pas le « clown » (un peu lourde cette caractérisation) à terre.
Ça n’empêche pas le personnage de réaffirmer sa vilenie une fois son épreuve terminée, le : « i get them all » floue la lecture de son acte vengeur : A-t-il défendu le fou ou son territoire contre ses agresseurs ? L’auteur a choisi, même si l’ambiguïté entretenue est salutaire.
J’apprécie, mais je n’aime point trop en fait. A plusieurs reprises, le film me semble franchir la ligne rouge et je ne peux m’empêcher d’éprouver une gêne diffuse. Si les personnages existent, s’ils sont incarnés, la lumière est attirée sur leur petitesse. Et, à mon sens, l’œuvre n’avait pas besoin de braquer un projecteur sur cela pour souligner la force et la justesse de son propos, cela néantise un peu la puissance de ce qui est évoqué.
D’ailleurs, à la fin,
les deux mecs survivant sont les deux « idiots du village » (les deux différents), sont aussi paumés l’un que l’autre et s’enfoncent dans la nuit : Réjouissances au menu.
Bref, pour conclure, j’ai autant de problèmes que de respect pour cette œuvre.
Fais chier.
_________________ ART: Ça mène à l'hôpital. A quoi ça sert, puisqu'on le remplace par la mécanique qui fait mieux et plus vite.
Inscription: 18 Aoû 2005, 23:40 Messages: 19459 Localisation: Rebirth Island
Bon, 1h30 de chianteur pour 30 min de défense de maison en système D. Dans le genre, je préfère MAMAN J'AI RATE L'AVION.
2/6
Grosse incompréhension sur la scène du viol. Je pige vraiment pas ou il veut en venir. Le message d'Ilouchechka (mais c'etait qui ça ???) plus haut est très juste. C'est glauquissime, et on sait pas pourquoi.
L’enchaînement des deux séquences, les cauchemars d'Amy par la suite, dévorée par la culpabilité, la honte et un millier de sentiments lui fouaillant les tripes, laissent penser (a mon sens, hein) à une véritable interrogation du réalisateur au spectateur. Mais je pense qu'il y a quelque chose qui se méjoue dans la première partie de cette scène, où cela va juste un peu trop loin (quelques plans) faisant vaciller l'ambiguïté voulue. C'est d'autant plus délicat que, comme je l'ai évoqué dans mon post, on touche à des considérations éthiques très sensibles. La représentation du viol (qui est souvent réalisée par dessus la jambe, inconséquemment au ciné) charriant un corpus de questions toutes plus délicates les unes que les autres...
_________________ ART: Ça mène à l'hôpital. A quoi ça sert, puisqu'on le remplace par la mécanique qui fait mieux et plus vite.
Inscription: 13 Juil 2005, 09:00 Messages: 36630 Localisation: Paris
Je ne savais rien du film hormis qu'il y avait du home invasion et un viol. Je ne savais même pas que ça se passait en Cornouailles et pas style à la frontière mexicaine.
J'ai bien vite compris que ce n'était pas le film immédiatement sauvage que j'attendais. La pression monte lentement au cours d'un slow burn parfaitement maîtrisé, au gré des provocations, des mots de trop, le tout haché par un mise en scène volontairement chaotique, avec parfois trop de plans, une caméra qui se téléporte à dessein au "mauvais" endroit, nous maintenant constamment en éveil et mal à l'aise.
Mais mais principale surprise a été l'aspect "drame conjugal" du film. On vit avec le couple formé par Hoffman et la trop jeune Susan George, créant du malaise au sein même du petit couple trop mignon.
Parallèlement, le film laisse également de la place aux anglais, n'en faisant pas des freaks comme le soulignait quelqu'un plus haut sur le topic, mais des êtres humains avec leurs limites et leurs failles. La scène de viol d'ailleurs est excellente. Moins violente physiquement que ce que j'attendais, elle est troublante car tristement réaliste: voir cette meuf qui dit non, puis essaie de tenir le coup en pensant à autre chose, c'est mille fois plus fort que juste la voir se débattre. Le travail sur le montage est d'ailleurs excellent et incarne puissamment son trauma.
Le montage est tout aussi efficace lorsque le final, absolument dément, prend forme. On est désorientés et tendus, se raccrochant à cet impérial fusil de Tchekhov qu'est le piège accroché au-dessus de la cheminée, attendant et redoutant le moment où il se refermera sur quelqu'un. Mais ce qui est encore plus fort, c'est que nos allégeances sont remises en cause: c'est pas juste les gentils touristes contre les locaux dégénérés, mais un couple en crise qui protège sans le savoir un pedobear vs. des mecs tendus mais qui veulent "juste" protéger leur fille. Trouble suprême !
Je ne savais rien du film hormis qu'il y avait du home invasion et un viol. Je ne savais même pas que ça se passait en Cornouailles et pas style à la frontière mexicaine.
Tagline : When Mexico sends its people, They're not sending their best.
La scène de viol d'ailleurs est excellente. Moins violente physiquement que ce que j'attendais, elle est troublante car tristement réaliste: voir cette meuf qui dit non, puis essaie de tenir le coup en pensant à autre chose, c'est mille fois plus fort que juste la voir se débattre. Le travail sur le montage est d'ailleurs excellent et incarne puissamment son trauma.
Dans son article du New Yorker, Pauline Kael rejoint un peu ce que tu dis sur le caractère troublant de cette scène, elle va même plus loin en la qualifiant d’érotique. Mais pour elle, cette scène et la façon de la filmer par Peckinpah servent moins à défendre l’idée que le viol est une abomination que l’idée, tout aussi abominable, que le viol n’est que la traduction en acte de ce que désire la femme, ce en quoi elle accuse le film de machisme, qu’elle qualifie de fascisme sexuel. Il faut lire toute sa critique pour bien comprendre son point de vue, tiraillé entre son admiration pour le travail de Peckinpah et son exécration du message du film.
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