Fini d'écouter les podcasts de tous les "Pendant les travaux, le cinéma reste ouvert".
Si on est prosaïque, ça aura été une très bonne choses : on aura sûrement pas une autre émission de cinéma à ce point exigeante à la TV ou à la radio d'ici longtemps. J'ai été surpris, tout l'été, de voir que des gens qui avaient absolument rien à voir avec le cinéma écoutaient ça régulièrement, et aimaient bien. J'en suis même un peu surpris, tant ça ne se prend pas la peine d'être "accessible" - ça parle direct de mise en scène, d'esthétique, de statut de l'image, etc.
Ça confirme, plus bêtement, que Thoret et son style sont une porte d'entrée idéale dans la théorie du cinéma.
Maintenant, si on veut être casse-couille, on peut considérer que d'un point de vue cinéphile, l'émission n'aura fait que mettre en lumière les limites de Thoret, justement (et Bou, en caution cinéphile plus large, n'a rien fait d'autre que quelques blagues pour contrecarer cette tendance). J'avais toujours pensé que son obsession du cinéma américain des années 70 n'était qu'une obsession justement, un choix personnel parmi une histoire du cinéma qu'il pouvait par ailleurs appréhender sans souci. Et bien non. Au final, ça aura été pour moitié du cinéma de genre, 2/3 de cinéma américain, et 2/3 de cinéma autour des années 70. Quand un autre pays vient rendre visite (le Japon, l'Italie...), ce n'est pas en s'invitant dans les débats, mais en faisant l'occasion d'une émission uniquement dédiée - en gros, une jolie cage dorée.
Évidemment, Thoret a vu tous ces autres films, mais je trouve un peu déprimant de le voir se caler sur la vision du cinéma qui est finalement celle de toute la nouvelle génération qui arrive en fac, où le sous-texte sur-signifiant du genre et du Nouvel Hollywood constituent un graal définitif, à partir duquel on accepte de déduire certains cinéastes classiques (Hitchcock, Lang) ou certains mouvements (les nouvelles vagues, les maniéristes plus récents), voire certaines cinématographiques contemporaines (le Japon, entre autres). Mais ça reste de petites ballades exotiques... L'Amérique des années 70 devient une sorte de point zéro à partir de laquelle on tire des lignes, des pistes, mais qui restera toujours le point de départ et de retour de toute exploration, une seule manière de faire face à laquelle les autres périodes/pays doivent se mesurer et se conformer, au chausse-pied s'il le faut. Quand j'entends par exemple Thoret se plaindre que Godard c'est plus comme à l'époque d'
A bout de souffle, c'est tellement autiste et cliché dans cet embourbement-là que je trouve ça un peu pathétique. Idem pour les musiques de films, où ça virait à la blague (et l'émission spécifiquement consacrée à la chose était d'autant plus misérable)...
Je crache pas sur l'émission, elle est une vraie chance, et les invités y étaient souvent passionnants, il y avait souvent de belles idées à prendre. J'espère juste, si elle doit recommencer, qu'elle saura sortir un peu de cette configuration cinéphile étouffante, qui est devenue aussi sclérosée que l'obsession "ciné classique indépassable" qui sévissait il y a trente ans.
Les émissions peuvent s'écouter là :
http://www.franceinter.fr/archives-diff ... 13/2012-08