Voilà, j'ai fini les deux autres saisons en une bouchée. Effectivement, ca prend un énorme coffre sur la saison 2, et je trouve que la 3 démérite pas. L'ensemble est quasi irréprochable, à quelques faux pas près (deux épisodes complètement inutiles - "Contes de Ba Sing Se" et "Long cauchemar et hallucinations" -, une certaine frustration à la sous-exploitation de personnages secondaires qu'on prend plaisir à voir revenir in extremis, et un épilogue qui se foule pas trop).
J'aime plein de choses là-dedans :
- La façon dont chaque saison a un ton propre, un rythme propre, une esthétique propre. La saison de l'eau feuilletonnesque en constante fuite, enfantine et bouffonne, la saison de la terre beaucoup plus concentrée et linéaire, sur l'esprit de groupe et l'amitié, la saison du feu nerveuse et instable aux croisements de personnages multiples, plus douloureuse et sexuée... Il y a des efforts de structure quasi-constamment, des envies de renouveler la narration, et c'est particulièrement sensible dans la saison 2 qui tout en gardant une stricte linéarité (une progression découpée, d'avantages que des épisodes indépendants), invente presque pour chaque épisode un univers entier cohérent et complet, le tout développé et bouclé en 26 minutes.
- La façon dont la série semble inventer une mythologie de l'Asie centrale et nordique, un peu comme on a parfois dit que
Le seigneur des anneaux inventait les mythes pour le Royaume-Uni. Même si la série mélange un peu tous les héritages asiatiques possibles dans la direction artistique, les concepts philosophiques (bien light, hein) et les styles de combats, on voit assez nettement émerger une sorte de distribution discrète : la Nation de la Terre parle de la Chine, la Nation du feu parle du Japon, la nation de l'air du Tibet/Népal, et la Nation de l'eau des Inuits - puisqu'il faut aller chercher les populations asiatiques jusque là. C'est passionnant en tant que point de vue extérieur sur une région qui, il me semble, se retrouve rarement à se penser elle-même comme "continent" - et tout comme les films présentant une idée de L'europe sont souvent plutôt américains ou asiatiques, cette peinture crée pas mal d'idées belles et de rencontres étranges - je pense à la longue description de la capitale de la Terre, aux fonctionnements médiévaux gérant les relations en Nation du feu, à la disparition programmée de la Nation de l'Air...
- L'incroyable force de narration, qui découle de la qualité des personnages (je ne vois absolument aucun maillon faible parmi tous ces protagonistes, même secondaires), qui fonctionne presque toujours sans cliffhanger, et qui te pousse pourtant à aller voir immédiatement la suite. J'adore quand un film, un livre ou une série ré-insuffle le plaisir pur de la narration, quand on te refout dans les chaussons de celui qui a envie qu'on lui raconte la suite de l'histoire, c'est rare et ici ça fonctionne à plein tube.
- La beauté grandissante que prend la maîtrise des éléments au cours des saisons. C'est quelque chose que pour le coup j'avais d'abord plutôt ressenti dans le film de Shyamalan, le fait que l'apparition des jeux d'éléments dans les combats parvenait à toucher à quelque chose de l'ordre du merveilleux, du ravissement lié aux métamorphoses. Ca met du temps à mûrir dans le DA, mais dans la troisième saison ça explose littéralement. C'est beaucoup plus sensible dans l'animation, mais jusque dans la maîtrise plus sombre des éléments (notamment pour l'eau, ce qui ont vu comprendront), c'est magnifique :
- L'ajout de personnages à la petite équipée qui à chaque fois rend l'alchimie meilleure, d'autant que chacun amène une nouvelle maîtrise d'élément ou une forme de combat qui les rends tous concrètement plus forts. Je pense à Tof, le meilleur personnage de la série à mon goût, mais aussi à Suki, ou à la recrue finale... Le groupe gagne un sacré charisme, et c'est une des raisons qui font qu'on a du mal à lâcher la série (et cette associations de personnages, qui trouve d'ailleurs son écho dans le groupe d'anciens), quand on voit enfin ce groupe surpuissant, au complet, en fin de partie : on a envie de le voir à l'action.
- Et puis je suis très séduit par la façon dont ce DA arrive à se donner une maturité sans pour cela aller se fabriquer une enveloppe "dark", de parvenir à être adulte sans forcément tout peindre artificiellement en noir. Bien sûr, la dernière saison est majoritairement nocturne, plus rougeoyante et intense, mais il apparaît très vite que cela est plus un moyen de faire de multiples variations sur le thème du feu que de venir froncer les sourcils. Même la vision apocalyptique est plus colorée que réellement macabre (la découverte
va d'ailleurs dans ce sens). Au final, la maturité réelle de cette série ne vient que de la force de construction des scènes, impeccable, et même si le DA pour enfant a des conventions qu'il faut accepter (morales résumées à hautes voix, explicitation orale d'un peu près tout), ca n'empêche pas les créateurs de savoir intelligemment traiter leurs personnages sans se vautrer dans la facilité (je pense par exemple à un truc aussi con que le dialogue d'Azula dans le miroir, précis, net et sans bavure). Enfin, et c'est une particularité très spéciale qui va dans ce sens,
C'est assez dingue dans le sens où ca devrait immédiatement projeter la série dans la niaiserie ou du moins une certaine candeur qui devrait lui nuire, mais l'enjeu arrive à être déplacé d'une façon qui fait qu'on ressent la gravité autrement (voir par exemple l'enlèvement d'un animal qui semble être une sorte de climax noir de la série, un comble !).
Bref, je le conseille vivement comme tout le monde sur ce topic, et je serai premier aux loges pour le spin-off. Super découverte, je suis ravi.