Forum de FilmDeCulte

Marie (Bulle Ogier) sort de prison, à la rue et claustrophobe. Elle tente de retrouver son compagnon. En chemin, elle rencontre une jeune vagabonde en mobylette, Baptiste (Pascale Ogier), sorte de Don Quichotte moderne venue d'"Ailleurs-les-Oies". Dans leurs pérégrinations autour de Paris, elles sont traquées par une sorte de police parallèle, les "Max" [wiki]

Je crois qu'avec le père Rivette ça ne sera jamais le grand amour... Pourtant ça commence vraiment bien ce film, disont que ça donne vraiment une impressionnante représentation de Paris avec son 1:33 signé Lubantchsky et Champetier. Cousin de Rohmer, on pourrait même presque dire qu'il y a comme une espèce d'esthétique "Films du losange" durant ces années. La présence de Pascale Ogier joue beaucoup aussi sans vouloir faire d'anachronisme (c'est tourné cinq ans avant Les nuits de la pleine Lune, et c'est un peu comme si l'actrice n'avait existé que par ces deux films là).

Tant qu'on se ballade avec les deux héroïnes qui se découvrent progressivement dans leur errance très singulière, que le jeu de rôle n'est pas encore trop clairement défini et désincarné, le film est assez mystérieux, intrigue, joue des hasards parisiens plutôt habilement entre gadgets boussoles, séquences tourniquets à Denfert-Rochereau, grands panoramiques sur le périph... Ensuite, dés qu'on a à faire aux artifices médiocre de "malettes secrètes, jeu de l'oie et plan mystérieux, combats abstraits"... Tout s'éteint et se guinde dans ce petit théâtre de film noir et d'agents secrets, narquois avec le cinéma de genre et les codes, trainant en prime tout un bazar politique des années 60-70 mal digéré. C'est l'ennui de regarder ces pantins en dépit de quelques belles fulgurances formelles, mais très poseuses pour le coup.

Le plan de la toile d’araignée là par exemple, ça pourrait être magnifique, mais ça apparait complètement fabriqué, comme de l'artifice condamné à être longuement contemplé de l'extérieur :



Le film a tout de même une petite émotion diffuse dans la radicalité que prends le personnage de Pascale Ogier à n'être véritablement personne et à ne mimer que des sortes d'artefacts jusqu'à l'absurde, tandis que celui de Bulle Ogier reste attaché à un côté plus tragique, romanesque et premier degrès, et que malgré leur partage et leur rencontre assez belle, on se doute que ça ne va pas très bien se finir... Mais c'est peu et ça tient beaucoup de la responsabilité des deux actrices.

Le cinéma de Rivette c'est quand même quelque chose d'assez unique (du moins dans cette veine là, je parle pas de La Religieuse plus classique mais pas moins beau). Il y a vraiment un sentiment de liberté totale qui traverse ce cinéma, plus ou moins improvisé avec les actrices (créditées au scénario) où d'une situation basique (rencontre de deux femmes), on développe de manière très ludique un littéral jeu de l'oie dans un Paris que j'avais l'impression de n'avoir jamais vu et qui n'existe plus (impression que c'est tourné vers la Villette) entre destruction d'immeubles dans des zones de terrains vagues et quartiers à l'abandon. C'est très saisissant.

Je reste admiratif car le film c'est 3/4 personnages, un tournage 100% extérieur (d'ailleurs c'est marrant Bulle Ogier est agoraphobe et le film semble l'être aussi, n'entrant nulle part) et ça fait un film de 2h10, je trouve ça fort parce que ça tient à pas grand chose cette chasse au trésor bizarre entre film noir et considérations politiques (même si ce n'est pas très sérieux) avec ce personnage très mystérieux et iconiques (une presque super héros avec ses accesssoires - son casque, son couteau...) de Baptiste incarnée par Pascale Ogier et son jeu très particulier (sa voix surtout).

Je mentirai si je disais qu'il y avait ça et là des coups de mou et des moments où ça devient presque grotesque (le "combat" final contre le dragon pourrait sans mal être sur Nanarland mais dans le film du film il paraît parfaitement à sa place) mais dans l'ensemble je suis admiratif devant cette capacité en nous embarquer dans cette mythologie inventée entre film de genre et errance urbaine où tout est possible.

Le film est aussi bouleversant pour le reste, pour ce buddy movie de deux femmes incarnée par une mère et sa fille en sachant que Pascale Ogier mourra prématurément. Surtout que tout l'enjeu de la fille est de sauver la mère.



J'ai trouvé ça magnifique, l'image du film à mon sens aussi mystérieuse que poétique.
Bref j'aime beaucoup cette veine, j'avais similairement adore Céline et Julie vont en bateau.

5/6

Prochain sur la liste, La bande des 4.

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CroqAnimement votre

Mon Rivette préféré

Le Rivette qui m'a fait entrevoir l'imposture. C'est sympa pour la vision de Paris, il y a du Piazzolla, mais c'est de la fantaisie pour bébé. Ou pire pour les adultes qui veulent artificiellement retourner en enfance. Céline et Julie possède au moins une certaine magie de ce point de vue.

Moi j'étais captivé tout du long, je pouvais pas décrocher.

J'étais comme qui dirait riveted.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

Ça doit être le film de Rivette le plus "Rivettien", ça passe ou ça casse.
Ça ne passe pas du tout pour moi : souvenir d'un film qui me tombe des yeux, je ne comprends absolument pas ce que ça raconte, où ça veut en venir. Juste une fantaisie qui se veut légère mais qui parait tellement fabriquée qu'il ne reste qu'un ennui profond, un calvaire.
Et en plus c'est très laid.

J'ai moi-aussi éprouvé une réticence, peut-être à cause de la diction trop travaillée et sybilline de Pascale Ogier, et d'une assez grande tristesse qui se dégage de l'ensemble. Bulle Ogier et sa fille donnent parfois l'impression d'être shootées et en manque, d'avoir quelque-chose qui doit être compensé et complètement développé avant d'être ensuite vaincu, ce qui confère au film son urgence, mais aussi un aspect impudique et voyeuriste, le film a un côté bad trip, il appelle sur lui un mystère qui serait une forme de consolation , comprise (par le personnage de Stévenin, qui rappelle un peu, même si c'est dans un rôle opposé les Patriotes) mais pas totalement réalisée.
Pourtant, il faut aussi reconnaître que le film raconte quelque-chose et "travaille" avec une forte intelligence l'époque, avec le dialogue parfois très bon sur l'après 68, le rapport à l'utopie politique qui devient progressivement, au tournant des années 80 un rapport mélancolique au patrimoine, avec ce Paris en reconversion, comme si à travers les pans de murs défaits comme après une guerre invisible, regrettés sans être conservés on exprimait le souhait la violence historique ne devait avoir lieu qu'une fois, en méconnaissant que cette reconversion est elle-même une répétition de la violence, moins individuelle, plus structurelle : une mélancolie vue comme une résistance à la norme sociale, mais aussi inévitable qu'une loi quand elle qualifie le lien commun.

J'aime bien aussi l'idée que le rapport entre Bulle Ogier et sa fille puisse être à la fois posé en terme de séparation et de complémentarité : l'une possède le regard (Baptiste), l'autre la conscience (Marie) :l'instance du soucis pour l'autre et celle du regret et de l'évaluation de ses propres actes ne se croisent jamais, s'appellent l'une l'autre mais ne parviennent jamais à échanger (une forme de coupure entre politique et social, qui est au fond la raison du thème du complot, vu comme une occasion à la fois de survie du lyrisme et de facticité entretenue), d'où l'âpreté du film.

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Mais peut-être la nécessité accrue de faire confiance incite-t-elle à la mériter davantage

Erving Goffman

Quand-même RIP Jean-François Stévenin, Le Pont du Nord est quand-même un de ses films les plus emblématiques.

J'ai cru comprendre que le forum compte aussi pas mal d'amateurs des Patriotes de Rochant où il avait un rôle-clé, où il est très bon (d'ailleurs ce rôle est en miroir de celui qu'il tient dans le Rivette)...


Acteur qui était présent dans pas mal de films que j'ai vus jeune 36 Fillettes de Breillat), mais auquel j'ai un peu plus prêté attention récemment (je connais en fait mal les Rivettes et Truffaut de la fin des années 70 et du début des années 80).

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Mais peut-être la nécessité accrue de faire confiance incite-t-elle à la mériter davantage

Erving Goffman