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First Rivette !



A paris, durant l'été 57, Anne fait la connaissance d'un groupe de jeunes artistes dont un ami, Juan, vient de se suicider. Le lendemain, un américain de leurs relations vient faire une étrange prophétie à la jeune fille : dans deux mois, l'un d'entre eux va à son tour se donner la mort.


"Je pense que le monde est moins absurde qu'il en a l'air". Cette phrase, balancée fièrement au milieu du film pour décrire la pièce de Shakespeare que les personnages montent, pièce qui servira à discuter du projet de cinéma de Rivette, résume un peu l'impression que me laisse le film : celle d'une capacité, comme tous ses contemporains, à faire état du caractère chaotique du monde et de ses images ; mais également une capacité réjouissante à ne pas s'y laisser sombrer s'en s'être un peu battu.

Je trouve en fait ici ce que j'attends depuis longtemps de pas mal de films liés de près ou de loin à la Nouvelle Vague, notamment à leurs envies de liberté : que leur capacité à tout détruire (à la limite du nihilisme, parfois) ne constitue pas une fin en soi. La conscience qu'un spectacle du chaos seul maître à bord ne saurait apporter satisfaction, en somme... Rivette fragmente à mort pourtant, mais ce n'est pas une démarche frustrante et déceptive comme dans certains premiers Godard (vision épileptique, dont on stoppe l'immersion ci et là, spectateur qu'on prend au piège...), ni une ivresse qui tourne en boucle fermée comme chez Fellini quand il est mauvais.

Le film, prenant et passionnant (je pensais regarder juste le début pour voir à quoi ca ressemblait, je suis resté accroché jusqu'au bout), lançant un ping pong de dialogues et de plans au tac au tac dont le rythme ne s'arrêtera jamais, est tout connement un thriller : on peut parler de l'influence du film noir (autrement mieux digérée ici que chez d'autres), mais son vrai exploit est d'être un thriller existentiel, un vrai film de fin du monde, sous l'ombre d'une menace qui ne dit pas son nom. Le scénario est hyper-achevé de ce point de vue-là, parvenant toujours à rester à la lisière où l'idée d'un grand complot mondial est tout autant une réalité angoissante qu'un délire paranoïaque ; peut-être sur la fin le film se casse à moitié la gueule , mais globalement il sait très bien conserver cet équilibre.

J'apprécie tout particulièrement que le saoûlage inhérent au milieu décrit (pièce montée évidemment foireuse et jamais achevée, personnages qui déblatèrent et philosophent dans le vide, délires multiples) ne nous soient pas imposés sans armes : on peut se battre, Rivette ne nous laisse pas nous noyer dans ce fatras. Une scène comme celle au grand théâtre, qui frise le cauchemar Kafkaïen, n'est pas délaissée à un tournage en rond oppressant : Rivette est là avec nous, il construit sa scène, il y fait survivre du sens (les échanges de regard, le mot fermement déchiré), il ne laisse pas le bordel être sa propre finalité. J'aime comme le film sait toujours nous laisser une échappatoire, s'autorise à prendre l'air : son surréalisme, d'ailleurs souvent drôle (l'apparition gratos de Godard...), a un caractère lumineux et vif qui m'a beaucoup plu.

Voilà, impression d'un film presque prophétique, qui en parlant d'un monde en déconstruction nous annonce, sans doute malgré lui, la façon dont le cinéma va se fragmenter en milles morceaux dans la décennie à venir, mais qui nous prend par la main pour nous montrer une voie à travers cette forêt opaque : il restera toujours le terrestre, cet enregistrement de musique tant recherché, pour trouver du sens à travers le chaos.

Ca dure combien de temps ?

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Anthony Sitruk - Bien sûr, nous eûmes des orages
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2h15...

Mais, à part quelques longueurs sur la toute fin, ça file à toute vitesse

Oui ca va 2h15... La durée ne me dérange pas toujours (j'adore La Belle noiseuse) mais j'étais curieux de connaitre celle de ce film ci.

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