Marc-Antoine Mathieu - SensMa première incursion dans l'univers absurde et conceptuel de l'auteur, c'est plutôt beau, à la fois minimaliste dans le graphisme et riche dans ce que ça peut offrir comme champs d'interprétation. Je le relirai à coup sûr pour y découvrir de nouvelles choses, de nouveaux "sens" peut-être et ça me donne bien envie de découvrir ses précédentes oeuvres.
Du9 a écrit:
Finalement, tout viendrait du sens commun faisant de la flèche le symbole d’une direction. Un sens qui fait sens quel que soit le langage, quel que soit le verbe, fut-il au commencement.
Point de départ et arrivée pointée, la flèche est confondue à une trajectoire dans sa forme même, impliquant un temps de parcours et un espace d’évolution, l’anticipation d’un objectif où son appréciation a posteriori. S’ajoute sa rapidité aérienne, la faisant paraître sans vie quant elle atteint sa cible, d’autant plus si, létale, elle fait à celle-ci rejoindre définitivement la poussière. Elle peut donc résumer une vie et d’un trait passé faire sens.
De cet aiguillon polysémique, Marc-Antoane Mathaeu[1] explore en tout sens cette notion de direction et la question de sa conduite implicite, par l’éloquence mutique des images. Ce qui aurait pu être un parcours balisé chez d’autres, devient le savoir d’une vie à deux-tiers de chemin[2]. Une inquiétude peut-être aussi, surtout un savoir-faire, la maturité d’un langage d’images où l’on part du noir matriciel pour ce blanc final paradoxalement ascensionnel[3], avant tout fait d’oubli et d’éloignement (perte de vue).
La phrase «Camusienne» sur l’absurde, en quatrième de couverture du livre que referme le personnage, montre cette lucidité acquise où le sens est un non-sens, un entremêlement de traits à l’allure d’un rocher «sisyphien» que l’on pourrait accepter sans pour autant se résigner.
La clé c’est le regard, celui qui ouvre la porte à la serrure en forme de flèche. Un regard présent-absent dont on ne voit jamais les pupilles de celui qui le lance, incarnant cette forme neutre de l’homme et d’une humanité essentielle qui se découvre littéralement quand il perd son chapeau. Sans s’en apercevoir la flèche noire n’est plus une indication de lieu, d’une perspective, elle est devenue celle du temps et de son office sur tout ce qui s’y inscrit.
Marc-Antoine Mathieu insiste sur l’illusion de ce sentiment de conduite (de chemin à parcourir) par une tromperie des sens, ici la vue puisque nous sommes dans un monde d’images. Trompe-l’œil, anamorphose, miroir, toutes sortes d’illusions d’optique dans leur principe, viennent faire le jeu du dessinateur, d’une sorte d’inconduite vis à vis d’un personnage ne se sachant pas déboussolé, ni le regard fuyant. Peut-être paye-t-il une forme d’idiotie en regardant la flèche comme cet autre qui regardait le doigt pointant la Lune ?
Dans la belle et ultime séquence les flèches se multiplient comme des pierres tombales. Pointent l’origine devenue lointaine du parcours, et grandissent en même temps que leurs ombres brunantes devenant menaçantes. Formant une grille d’absolu infranchissable, elles renvoient le personnage vers ce qui ne serait que l’ombre de lui-même, signe ou image autonome n’indiquant qu’un monde souterrain et dédalique, principalement intérieur.
Beau texte du site Du9 sur la bd en question