Je faisais déjà partie des défenseurs du film à sa sortie et je crois que je l'aime un peu plus à chaque fois que je le vois.
Faut dire que c'est devenu un genre que j'affectionne particulièrement, surtout qu'on a eu la chance de le voir plusieurs fois explorés ces dernières années et, sorti au début du siècle,
Mission to Mars préfigure par certaines séquences
Gravity ou
Interstellar. Après, tous ces films ont pour ancêtre
2001 et
Mission to Mars n'est pas sans rappeler d'autres fleurons de la SF des années 70/80 mais, à l'heure où ce type de films semblait avoir disparu, il a devancé la vague à venir.
D'ailleurs, a posteriori, c'est quand même dingue de se dire que Brian De Palma s'est vu confier la réalisation de ce film (après le départ de...Gore Verbinski). À l'époque, vu qu'il venait de faire
Mission : Impossible, ce n'était pas forcément étonnant, mais après avoir passé des jours à regarder tous ses films, presque exclusivement des thrillers, voir De Palma s'atteler à de la hard SF à 60 ans, c'est quand même dingue. Ce fut son plus gros budget d'ailleurs, avec 100M$...ce qui explique sans doute pourquoi c'était la dernière fois qu'on lui faisait une telle confiance, vu le bide.
Et c'est pour moi son dernier bon film (pas encore revu
Le Dahlia noir ni vu
Domino mais bon...).
La première heure est impeccable.
À l'exception de quelques dialogues didactiques
as fuck (globalement dès qu'il s'agit d'exposer le trauma du personnage de Gary Sinise : Cheadle au début...face à Sinise lui-même, Robbins face à Mueller-Stahl, etc.), c'est un remarquable film de SF à la fois accessible et adulte. On n'a pas la rigueur vérace d'un
Apollo 13 mais en termes de premier degré et de tension, c'est au niveau, c'est même supérieur.
À l'instar du piratage de la CIA dans son précédent blockbuster, De Palma se défait de toute musique pour la première séquence sur Mars et la découverte de la montagne, laissant les sons drones faire gonfler la tension lentement comme se forme cette tornade consciente, comme une version gigantesque et meurtrière de l'aquatentacule d'
Abyss. Quand t'as ce plan de profil et que la colonne prend la forme d'un ver géant...
let's just say Villeneuve a intérêt à assurer. S'ensuit alors un rappel qu'à l'époque où le label Touchstone de Disney existait encore, on pouvait voir une tornade faire tournoyer un homme si vite qu'il finissait DÉMEMBRÉ EN GROS PLAN.
Ouais à partir d'ici, on va passer en mode spoilers.
À plusieurs reprises, De Palma n'a pas peur de laisser le sang et la mort prendre le pas sur la mission, comme dans l'incroyable séquence de l'impact de micrométéorite, qui commence
by drawing blood, lançant les orgues funèbres de Morricone. Le sang est là, il flotte, on le regarde passer lentement. Ce n'est plus une effusion de sang que l'on oublie aussi vite qu'elle a jailli. L'apesanteur, les décors blancs, les mouvements lents alors que le temps est compté...on est encore dans le piratage de la CIA.
Et comme si ça suffisait pas, juste après, la tentative de relier le REM puis de relier Tim Robbins puis...la mort, encore, inévitable, froide (c'est le cas de le dire).
Une marche funeste que De Palma opère donc en direction d'une renaissance...
Maintenant, il y a clairement un déséquilibre dans le film.
Pendant un peu plus d'une heure, à l'exception donc de cette séquence de la tornade dans le premier acte, l'action du film a quelque chose de "fonctionnel". Je ne dis pas ça péjorativement mais les obstacles présentés sont purement pratiques mais ne sont pas foncièrement lié au concept du film, à son mystère et donc à son propos.
Une fois l'équipage arrivés sur Mars et Luke retrouvé, l'énigme qu'il évoque est assez vite résolue et nos héros entrent dans le Visage. J'aime beaucoup les idées en œuvre dans cette résolution, le côté post-
Chariots of the Gods proto-
Prometheus en positif et le départ de McConnell qui y trouve sa destinée...mais l'ensemble paraît un peu
undercooked. Ce n'est pas tant que la mise en image de la séquence planetarium est simplette (par contre, c'est le retour du didactisme, avec ces répliques explicatives en off qui puent le rajout en post-prod pour les plus teubés dans le public), c'est que la mise en œuvre de cette conclusion ne paraît pas assez bien amenée en amont.
Comme dit plus haut, tout ce qui touche au deuil de McConnell ne passe que par des échanges basiques + une petite vidéo maison. Le "manque" que ressentirait le personnage et qu'il comblerait avec son départ n'est jamais ressenti par le spectateur. Quand Roy Neary choisit de partir à la fin de
Rencontres du 3e type - principale inspiration de cette fin, avec notamment cet alien longiligne et muet qui tend ses longs bras et doigts - on a vu son obsession tout le long. Elle lui a même coûté sa famille et presque sa santé mentale. Ici, la catharsis est beaucoup moins forte, beaucoup moins émouvante. Je devrais chialer à la fin et je chiale pas. Même si la toute dernière image du montage (un peu moche) d'images que voit McConnell avant de décoller m'a eu. Normal, c'est quasi un plagiat de la séquence similaire à la fin d'
Armageddon...mais c'est surtout la seule image spécifiquement tournée pour ce montage alors que le reste, composé d'images quasi-
random du reste du film, comme si le mec n'avait pas eu de vie avant (ou plutôt comme si cette idée de montage était également une idée de post-prod et non quelque chose de prévu).
Alors on se raccroche à ce qu'on peut, à la ressemblance dans le design brancusiesque de l'alien et de la femme de McConnell, dans le geste reproduit de la main tendue, McConnell trouvant sa libération dans un double depalmaien de sa femme qui est aussi son créateur et l'invite à retourner dans un liquide amniotique (
Abyss encore) pour retourner
"à la maison". Je ne sais pas s'il y a "quête de la femme" mais il la trouve en finissant le voyage et en concrétisant sa prédiction.
S'il était arrivé plus tôt sur le projet, s'il n'avait pas été sous le microscope d'execs Disney, peut-être le film aurait-il été plus abouti, plus fort sur la fin et je serais à fond...en l'état, ça pèche un peu mais je trouve ça quand même très bien.
And it's all downhill from here...