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MessagePosté: 10 Juil 2024, 09:54 
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aka 七人の侍 (Sept samouraïs) aka The Magnificent Seven (titre US initial, bien avant le remake!)

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La tranquillité d’un petit village japonais est troublée par les attaques répétées d’une bande de pillards. Sept samouraïs sans maître acceptent de défendre les paysans impuissants.

Je sais même pas par où commencer.

Commençons par le début, alors.
Tu sais que tu vas voir un film de 3h27 donc tu te dis que le film ne fera l'impasse sur rien et pourtant Kurosawa s'économise de montrer une première attaque des bandits sur le village. Il aurait pu en profiter pour montrer la violence des méchants ainsi que le martyr des gentils, de façon à vraiment invoquer l'empathie du spectateur mais il préfère commencer par la simple annonce des bandits, entendue par un villageois et qui lance le débat et enfin l'intrigue, sans perdre de temps. Et je trouve ça fascinant.

Parce que ça annonce d'entrée que le film va exploiter cette durée épique pour autre chose, qu'il va la mettre à meilleur escient. Après les longueurs de Vivre, j'ai été surpris de ne pas trouver une seule minute superflue ici alors que ça dure une heure de plus!

Je lis sur Wikipédia qu'il s'agirait du premier film avec une séquence qui présente le protagoniste en le montrant accomplir une tâche qui n'est pas liée à l'intrigue principale (ce qui me paraît difficile à croire) ainsi que du premier film à consacrer une partie de son temps au rassemblement d'une équipe membre par membre (éventuellement plus crédible). L'introduction de Kanbei est effectivement le moment qui m'a accroché pour ne plus me lâcher et le recrutement des autres samouraïs... C'est fou de se dire que malgré tous les films qui se sont inspiré de ce modèle, avec même d'excellents exemples ayant réduit l'exercice à des vignettes iconiques - je pense notamment à Armageddon, ce pionnier parvient tout de même à justifier le temps qu'il lui octroie. Un espace de film étiré qui témoigne à lui seul déjà de l'approche de Kurosawa sur cette histoire maintes fois copiée sans jamais que la minutie d'une tâche laborieuse ne soit montrée de la sorte.

Parce que si ce postulat a tant été repris, dans des remakes plus ou moins directs, des Sept mercenaires à Rebel Moon en passant par 1001 pattes, c'est qu'il possède quelque chose d'élémentaire et d'immédiat, mais le plus intéressant, c'est ce que l'auteur en fait. A l'instar de Chien enragé et de son flingue perdu, cette notion de villageois embauchant des samouraïs sans maître près à se battre en échange de riz est avant tout un prétexte à explorer les rapports de classe en établissant un portrait humain et anti-manichéen d'une réalité socio-économique. Le film n'est pas contemporain mais le genre permet l'analogie, sans aller jusqu'à la métaphore spécifique, et les vérités thématiques traversent les âges. Ce que je trouve incroyable, c'est que le stéréotype du samouraï, l'image que l'on s'en fait encore aujourd'hui, était déjà déconstruite par Kurosawa il y a SOIXANTE-DIX ANS. Il y a bien parmi les sept un individu mutique et droit et noble mais la variété des profils offre plus de nuances et la caractérisation leur fait perdre régulièrement de leur superbe (cf. la sous-intrigue concernant Katsushiro, le jeune gosse de riche, qui s'éprend de Shino, fille de villageois, et son attitude honteuse lorsque son père la grille). C'est un peu La Légende du grand judo à plus large échelle. En un sens, Kurosawa nous dit "le véritable honneur, ce n'est pas se battre pour un clan ou un suzerain, c'est aider son prochain/les plus démunis". Alors même que ce prochain peut être un peu bête ou rustre ou parano, alors même qu'il peut manquer d'honneur (cf. la mise à mort par vindicte populaire du premier bandit capturé contre les préceptes des samouraïs). Kurosawa ne fait pas d'eux de simples victimes innocentes, il en fait des êtres humains entiers, jusque dans ce qu'ils peuvent avoir de plus noir.

Et au milieu, tu as Toshiro Mifune et un des plus beaux personnages jamais écrits.

Dès sa première apparition, il le joue comme un grand gamin aux émotions à fleur de peau et on le verra tour à tour enthousiaste, boudeur, explosif, vindicatif, libidineux, accablé. J'adore l'idée du wannabe samouraï qui s'invente une identité mais qui ne peut tromper personne tout en étant tout à fait honorable. La scène des armures retrouvées et le sermon fait aux autres samouraïs qui révèle ses véritables origines est splendide et quand il se retrouve avec le bébé orphelin dans les bras, je me suis surpris à chialer (avant même qu'il ait besoin d'expliciter la signification du moment par deux répliques didactiques). Le protagoniste est d'une richesse folle, en soi, dans sa caractérisation, dans sa trajectoire (jamais surfaite et absolument pas couronnée d'une fin téléphonée), dans la performance de l'acteur, mais également dans le symbole qu'il revêt au sein de ce récit, incarnation humaine du rapport au cœur de l'histoire, passerelle entre les villageois de classe inférieure et les samouraïs de classe supérieure. Il résume tout le film (et c'est fou quand t'apprends que le personnage n'était initialement pas prévu, que le film s'appelait Les Six samouraïs et que Mifune devait jouer le mec mutique susmentionné).

Takashi Shimura en leader sage n'est pas en reste non plus, traversant le film avec un sourire en coin et l'air de ne pas y toucher, blasé de la vie et du combat et de son rôle, comme lui confirme une fin qui n'est pas sans rappeler celle du précédent : les héros sont morts, oubliés, et la routine reprend. Au moins ici, ce n'est pas la routine de la démocratie mais celle de la moisson, vécue non pas comme un dur labeur (comme ce pouvait être le cas dans Je ne regrette rien de ma jeunesse) mais comme un retour à la vie, illustrant une fois de plus le rapport à la nature épanouissant cher à l'auteur (tout le mouvement du film est d'amener les personnages de la ville à la ruralité, les montrant souvent perdu dans l'immensité de la nature).

Je vois le film qualifié ça et là de film d'action et bon, faut pas pousser. Y en a pas tant que ça. Mais quand y en a, c'est fort. Le dernier tiers se consacre aux attaques des bandits et je kiffe comme là aussi, c'est quelque chose qui dure, qui s'étale sur plusieurs jours, qui est laborieux. Le film ne donne pas dans la chorégraphie à la Rashomon mais tend à la fresque épique (c'est le premier Kurosawa où je me dis qu'un format plus large aurait été peut-être plus adéquat). Le dernier assaut sous la pluie est incroyable (et je comprends donc seulement maintenant que celui du Treizième guerrier - déjà vaguement un remake en soi - en est une reprise directe). Malgré la pluie, la forêt, le N&B, c'est d'une clarté et lisibilité dans l'action, la géographie. Kurosawa garde cette même approche "terre-à-terre" en se permettant quelques effusions de stylisation (les rares ralentis pour certaines morts soudainement impactantes).

Mais de toute façon, le film n'est tellement pas là. Il est davantage dans cette cohabitation improbable, dans les leçons de vie qu'elle provoque chez les samouraïs, humilité pour les uns, romance pour les autres, ascension sociale personnelle pour Kikuchiyo... Il est dans ces compositions de plans qui rassemblent les samouraïs ou les opposent, dans la paix qu'apporte la nature entourant les acteurs dans le cadre. Il est dans tout ce qui fait la vie et l'humanité et la réalité autour de la situation du postulat-mère et séminal.

Grand.

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MessagePosté: 11 Juil 2024, 18:23 
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Tu donnes envie de le revoir - pas fait depuis l'adolescence mais mon sentiment était le même.
J'avais bien aimé certains ralentis un peu uncanny. C'est, dans mon expérience, le film qui réintroduit le procédé dans le cinéma grand-public après... je sais pas, Zéro de conduite. Mais je me trompe sans doute.


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MessagePosté: 11 Juil 2024, 18:32 
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Sir Flashball
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Beau texte, dommage qu'il y ait cette tache de sperme à la fin.

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MessagePosté: 11 Juil 2024, 19:00 
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J'ai failli rajouter "(cadeau)". Mais ici on pratique la langue vivante et imagée.

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MessagePosté: 11 Juil 2024, 19:07 
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Sir Flashball
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Plutôt : ici, on calque sans imagination, oui.

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MessagePosté: 11 Juil 2024, 22:35 
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On démocratise pour faire chier les curmudgeons.

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