Allez, ça mérite bien un topic.
Dans une ville de montagne dominée par un gigantesque barrage, le même jour, plusieurs personnes d’âges et de milieux différents, tous désorientés, cherchent à rentrer chez eux. Ils ne savent pas encore qu’ils sont morts depuis plusieurs années, qu’ils n’ont pas vieilli et que personne ne les attend. L'extrêmisme de Zad a encore frappé... Bon après j'ai vu que le premier épisode, qui sait, le second est peut-être une catastrophe.
Alors allons droit au but : c'est pas parfait (les 15 premières minutes font peur, surtout). Y a encore des marques irritantes de ce qu'un certain cinéma français peut avoir d'intrinsèquement énervant. Mais, CLAIREMENT, on est pour la première fois devant un truc qui n'est pas "on comprend ce qu'ils ont voulu faire, c'était bien essayé", mais face à une vraie réussite... avec des ratés. Je crois qu'on y est enfin, là. Il aura fallu genre quoi ? 15 ans.
La première vraie bonne idée, c'est la localisation. Le cinéma français, et du coup aussi ses séries, s'est toujours berné à implanter ses fictions à Paris. Or on pourrait revenir loin comme ça, jusqu'au 19ème, mais Paris ça reste la centralisation du savoir, de la rationalité nationale, du gommage des croyances et des superstitions des provinces. Le fantastique français, la possibilité d'une fiction (et non d'un exposé) ne peut naître que dans la périphérie, décor d'ailleurs très parlant sur les préoccupations des scénaristes puisque c'est une forteresse, un village caché dans les montagnes, littéralement protégé du reste du pays par cette barrière naturelle. Si comme dans le premier film de Gobert, on sent une certaine influence US (ce décor lui permet de retrouver quelques signes de la banlieue américaine, voire des road movie pour la périphérie du village), il s'accroche aussi à des choses sinon nationales, du moins délivrées de tout exotisme ricain (comme le barrage).
Le deuxième bon point, c'est que la série met les chances de son côté. Le casting, glouton, regroupe jusqu'à chaque mini dernier rôle la crème des acteurs du cinéma français. Mieux, on sent que ce genre de séries pourrait enfin ouvrir à certains d'entre eux le sésame d'un rôle de composition, de quelque chose qui les sortes de l'auto-étiquettage qu'ils s'infligent pour la plupart en début de carrière ; en témoigne Céline Sallette, dans un contre-emploi réjouissant. La série n'est pas non plus posée sur son pitch de manière feignasse, puisque l'épilogue vient amener de nouvelles questions. Et puis il y a un souci de se trouver une identité, avec des maladresses certes, mais aussi de belles réussites : je pense à la plastique blanche, très laiteuse qui entoure le barrage en plein jour, qui trace la piste d'un fantastique un peu pur ; et de la musique mogwai, qui rate son thème mais réussit grosso-modo le boulot.
Les défauts maintenant.
Dès que ça dialogue, c'est un peu l'horreur. Tous les tics ressortent alors d'un coup, l'artificialité et le cliché des réactions, des prises de tête, des confrontations... On ressent revenir au galop la prétention psychologisante, cette manière de déjà être entrain de calculer le personnage. Espérons pour la série que ça parle le moins possible, mais pour l'instant on en est qu'au premier contact, et j'ai peur qu'une fois les morts intégrants leurs familles, ça se mette à déblatérer beaucoup. Ca va aussi de pair avec des personnages pas très subtils, déjà un peu dans des cases, malgré le talent des acteurs pour les en sortir.
La lenteur ensuite. On sent que les créateurs de la série marchent sur des œufs, qu'ils veulent à tout prix créer une ambiance et éviter les pièges, mais ça en passe donc par cette lenteur parfois un peu complaisante. C'est pas très dense en évènements. Après il faut voir : le but est pas non plus d'atteindre à tout prix la personnalité des séries US. On peut s'en trouver une qui nous soit propre. Mais cette langueur se fait parfois mollesse, et je trouve que jusqu'ici ça ne réussit pas tellement aux situations : pas sûr que le format 52mn était le mieux adapté, quand on voit que c'est aux jointures (notamment sur la fin), quand on relance les dés, que l'épisode est le meilleur - entre temps, on sent les scénaristes se permettre les coudées larges et risquer le remplissage. De manière générale, si la série ne se résume pas à ça, on sent tout de même encore les articulation, les intentions, comme un remous constant qui ronronne sous la surface. Ça reste en partie maladroit, pas totalement assuré malgré l'air que ça se donne.
Sinon dans le détail, pour l'instant la plus belle intrigue est celle du petit garçon. On va voir comment ça va fleurir, mais les autres personnages ayant l'air de répéter chacun le même schéma dans ce premier épisode (des scènes de premier contact à la pelle), celui-ci se démarque immanquablement du lot.
Voilà, j'attends vos avis. C'est pas révolutionnaire, ni transcendant, en l'état je trouverais que c'est une série "normale", un peu boiteuse. Mais voilà, vu du pays d'où ça sort, on est pas loin du petit évènement qu'on nous avait promis.