Papers, Please (PC, 2013)Grosse attente pour ce jeu puisqu'on promettait un peu partout des choix éthiques déchirants et un univers proto-soviétique intéressant. J'ai l'impression que la presse jeu vidéo n'a pas vraiment compris le fond du jeu, en tout cas l'idée que je m'en étais faite en la lisant était tout à fait fausse. Rien à voir avec l'implication émotionnelle d'un Walking Dead, le projet que le jeu développe par son gameplay et son univers c'est au contraire de montrer comment un système de règles contraignant que sont d'une part le totalitarisme et d'autre part le jeu vidéo réduit à néant le libre arbitre jusque dans sa manière de penser.
On joue donc un douanier d'un simili mur de Berlin qui a des règles claires de vérifications qui se complexifient selon l'avancée du jeu et qui doit faire du chiffre pour nourrir sa famille. Il y a quelques clients récalcitrants, des propositions de pots de vin, des groupuscules résistants qui vous contactent, mais très vite, on se rend compte que nos choix ne sont guidés que par une gestion froide et calculée de chiffres. C'est simple, si tu laisses passer tout le monde, la partie se termine en 5 minutes. Le jeu se vit donc comme une véritable expérience d'aliénation et fait éprouver par son gameplay le processus de déshumanisation des systèmes administratifs (la tâche est répétitive et laborieuse, les erreurs sont punitives, la vitesse d'exécution demandée est assez grande) . Les personnages, à la modélisation très sommaire ne deviennent plus qu'un ensemble d'informations, de chiffres (numéro d'identité, taille, poids, âge) à comparer, de plus en plus nombreux (alors que l'espace de votre table de travail est très réduit -paramètre de plus qui éloigne de toute émotion annexe). Le seul plaisir que le jeu valorise est celui du travail bien fait, on devient satisfait à chaque fois que l'on détecte une anomalie et angoissé à chaque fois qu'on laisse passer quelqu'un (chaque erreur est punie d'un rappel à l'ordre qui devient vite pénalisant). On devient vite une machine incapable de penser la nuance (bon, pas bon: des 0 et des 1). Et si j'ai participé à la résistance, c'est simplement parce qu'ils m'ont donné des directives claires.
Bref, l'expérience du jeu et la réflexion qui en découle en font un titre assez important. Je conseille de le prendre en solde et d'y jouer quelques heures (qui suffisent pour en mesurer le propos).
The Stanley Parable (PC, 2013)Petite déception pour celui-ci. On est plus ou moins dans le même propos que
Papers, Please (réflexion sur le libre arbitre mis en perspective avec le jeu), mais traité de manière bien plus légère. Je regrette un peu que le jeu n'aille pas plus loin que la blague, certes très drôle, et qu'une réflexion adolescente vaguement kafkaïenne et K. dickienne. Finalement l'intérêt du jeu réside uniquement dans l'exploration de tous les embranchements prévus pour épuiser toutes les blagues qu'on nous a concocté, un désir d'exhaustivité loin de celui de désobéissance qu'il affiche.
Le jeu a tout de même beaucoup de qualités, la voix-off, omniprésente, est très bien écrite, certaines idées sont vraiment géniales (le musée), l'ensemble est drôle et rafraîchissant, mais je suis resté singulièrement sur ma faim. Dans le genre First Person Walker, on est très loin de l'impact d'un
Gone Home.
Tomb Raider (PC/360/PS3, 2013)Gros pied pour celui-ci. Du Blockbuster comme j'aime, spectaculaire, d'un plaisir quasi-immédiat, qui arrive à minimiser les défauts récurrents du genre (les QTE pas trop mal intégrés, le scénario de série B assez prenant). Le gros point fort du jeu c'est Lara, loin des stéréotypes des jeux précédents et surtout superbement modélisée. C'est la première fois peut-être que j'ai véritablement eu l'impression de diriger un corps vivant, marqué par le monde extérieur, souvent en souffrance (elle en prend vraiment plein la gueule), un corps qui respire, un corps qui a froid, un corps qui résiste. L'héroïsation de ce corps sacrificiel marche du coup à plein régime et le pied qu'on prend à la voir monter en puissance au fur et à mesure du jeu vaut bien un grand survival.
Bon évidemment c'est très scripté même si l'exploration est assez valorisée, le challenge n'est pas très relevé et les énigmes et la plate-forme mises au second plan derrière l'action, mais ça reste un excellent divertissement, qui prend bien aux tripes et c'est l'essentiel.
Rayman Origins (PC, PS3/360/Wii, 2011)Du travail d'orfèvre. L'excellence comme norme. L'Ubi Art Framework, moteur développé pour le jeu, pousse la 2D très loin. C'est simple, c'est la plus belle que j'ai vu.
C'est un véritable dessin animé, incroyablement vivant et détaillé, qui sert un chara design déjanté de haute volée. Ajoutez à cela une bande originale aux petits oignons et on obtient ce plaisir immédiat qui fera qu'on aura la banane même dans les passages les plus difficiles. Parce que, même si on est loin de Super Meat Boy, un vrai challenge est offert à celui qui voudrait tout débloquer. Le jeu quitte ponctuellement son statut de balade enchanteresse pour devenir sur certaines portions de niveaux où récupérer tous les lums (l'équivalent des pièces de Mario) et les pièces de la mort (placées aux endroits les plus dangereux) demande pas mal de skill, un die and retry assez prenant. Les niveaux à scrolling automatique et le dernier monde amène même cette difficulté assez loin et pousse à une recherche de la perfection d'exécution et une symbiose rythmique avec l'univers du jeu assez grisante.
Certes le gameplay n'est pas aussi précis qu'un
Super Meat Boy, l'enrobage graphique l'en empêche et il y a une ou deux bizarreries dans la physique des personnages (notamment ce coup de poing qui interromps la trajectoire des sauts) mais le niveau d'exigence du level design n'est pas le même (hitbox assez permissives, on est rarement au pixel près).
Les phases de jeu se renouvellent plutôt bien, même si ça ne bouillonne pas d'originalité à ce niveau, les phases de shoot'em up aèrent un peu sans transcender. Le level design est assez ouvert tout en incitant le joueur à speeder en prenant des trajectoires parfaites.
En gros un jeu à deux vitesses qui permet de prendre un plaisir immédiat mais récompense l'acharnement.
Globalement j'ai rarement quitté mon sourire béat de satisfaction tant l'univers est drôle et prenant. Une belle baffe.