Fini Bioshock Infinite aussi.
"Bioshock" est peut-être ma plus grande déception de cette génération. J'avais mis énormément d'espoirs dedans, très excité par toutes ces critiques laudatives, pour finalement chialer de désespoir devant tant de linéarité et de répétivité. Je me souviens avoir arrêté le jeu à partir du moment où il faut repasser par tous les niveaux. C'est quelque chose dont j'ai horreur, parce que je ne vois alors que le clignotant : "Durée de vie gonflée ! Durée de vie gonflée ! Durée de vie gonflée !". Je n'ai donc pas fait le deux.
Puis j'ai vu les vidéos du trois. Qui ne m'ont pas scotché. Puis j'ai vu ses notes. Et là je me suis dit que j'allais faire un effort.
Et, "curieusement", j'ai adoré, malgré les fortes ressemblances avec le premier. On retrouve la linéarité du premier mais elle me semble ici beaucoup plus assumée. Pas de retours arrière intempestifs, de faux chemins ouverts. Finies aussi les distractions pénibles (il y avait de mémoire des puzzles dans le premier, j'ai horreur de ces mini-jeux). Le jeu est cash, hyper directif. On est face à un pur jeu d'action qui s'assume, pas face à un jeu d'action qui se voudrait différent, hybride. On perd bien sûr en contre-partie beaucoup d'heures de jeu, mais ça n'est pas un problème pour moi.
L'autre gros point fort du jeu tient à son univers. Autant je trouvais dans le premier opus Rapture superbe et brillamment conçue, autant j'étais frustré de la voir à l'abandon, quasi morte. "Bioshock infinite" propose lui de se déplacer dans une ville vivante, en pleine gloire (du moins selon les apparences !), ce qui ajoute un petit aspect touristique au jeu. Figurant parmi les personnes qui considèrent que Disneyland incarne le plus haut degré de la civilisation, il va de soi que je me suis régalé. On sent d'ailleurs Columbia largement inspirée par les parcs d'attractions, alors que Rapture était peut-être plus inspirée par les expositions universelles.
J'ai donc franchement pris mon pied dans le début du jeu, et même plus que ça lorsque j'ai vu un barbershop quartet reprendre "God only knows" des Beach Boys. Hélas, je me suis rapidement rendu compte que Columbia n'était pas cette utopie libérale où je rêvais de finir mes jours et que j'allais devoir la combattre et brûler ses idées racistes et obscurantistes ! J'ai ressenti la douleur de l'intellectuel maoïste des années 60 découvrant la vérité noire, brutale et sanguinaire autour de son idole.
Mon second chagrin d'amour se produisit quelques heures plus tard.
Le fond idéologique du jeu est extrêmement simpliste. Les deux camps sont très typés, sans la moindre nuance. J'ai lu que c'était un choix volontaire de la part de Ken Levine, qui a souhaité proposer au joueur deux idéologies extrémistes pour qu'il puisse faire son choix (entre la peste et le choléra ?). Sur le papier cette approche me rebutait mais je la trouve judicieuse avec du recul. Je déteste la mauvaise nuance. Ici, ce bourrinisme voulu dans la présentation des deux camps permet de s'en détacher et de ne pas se sentir toujours jugé par les concepteurs du jeu. Le joueur est on ne peut plus libre de penser ou plutôt de ne pas penser, et son propre personnage est d'ailleurs quelqu'un d'assez détaché.
Comme pour Rapture, Levine semble assez critique à l'égard de Columbia. Mais ce que j'apprécie, c'est qu'il ne cherche pas comme bien souvent à enlaidir artificiellement sa ville. Non, Columbia est belle, tout comme Rapture l'était. Il reconnait sa grandeur technologique et architecturale, il choisit délibérément de la rendre belle (pour peu qu'on apprécie cette beauté "disneylandienne", bien sûr). En agissant ainsi, il laisse vraiment au joueur le choix de faire son opinion. Le petit vertige que procure ce jeu vient de l'opposition entre la beauté noble de la ville et les mauvais penchants de ceux qui la font tourner.
Cette approche objective de Columbia permet à Ken Levine de se lâcher dans le pompiérisme, bien protégé par l'alibi de celui qui agit ainsi parce qu'il a décidé de tout montrer. En gros, si telle salle est baignée dans une lumière violette et une architecture baroque, sur fond de Requiem de Mozart, c'est parce que le dirigeant de Columbia l'a pensée ainsi. Il est difficile de coup de vraiment savoir ce que pense Ken Levine de tout ça, mais c'est justement ce qui fait le génie du jeu. Il n'y a pas de morale, pas de jugement. Certains intégristes ont attaqué le jeu aux USA parce qu'il donnait une mauvaise image des chrétiens tradis, ou du baptême, mais c'est une erreur pour moi. Ken Levine se contente d'illustrer les relations de cause à effet. Les chrétiens tradis pourraient par exemple plutôt se sentir fiers de voir la grandeur civilisationnelle qui a fini par découler de leur foi, après des siècles et des siècles d'inventions architecturales et technologiques au sein du monde chrétien. On peut même se dire que si Columbia est si belle, c'est parce qu'elle est aux mains de blancs chrétiens et que les noirs sont relégués sur le bas-côté. On peut penser ça. C'est quelque chose qui se tient. A l'opposé, des militants black power ou d'extrême-gauche pourraient trouver offensants la présentation des révolutionnaires, tellement violents qu'ils en sont caricaturaux. Mais là encore, on peut aussi considérer que c'est quelque chose de normal vu la situation qui leur a été imposée par les blancs.
On peut en gros penser tout ce qu'on veut dans Bioshock Infinite. Et ça très peu, mais vraiment très peu de jeux le proposent.
Pour le reste, c'est un bon FPS, très péchu je trouve (j'ai une expérience très faible en FPS ceci dit). Un peu trop d'action peut-être, pour chipoter. Les scènes "catastrophe" sont réussies. La présence d'Elisabeth est utile et n'est jamais un fardeau, c'est même plutôt agréable.
Et la fin du jeu, très alambiquée, enterre de loin toutes les fins alambiquées récemment vus au cinéma ou à la tv, de Prometheus à Lost. Grande maîtrise alors que ce n'était pas facile du tout.
Excellent jeu donc, je vais peut-être retenter le premier du coup, mais cette fois-ci sur PC. 6/6