Lohmann a écrit:
(je ne sais pas si c'est pure fantasmagorie de ma part, mais j'ai l'impression que le symbolisme d'Hitchcock est renforcé par son montage, tandis que celui de Lang l'est par ses mouvements de caméras, ce que je trouve finalement moins cinématographique et moins fort - tout du moins l'ai-je vu dans deux ou trois scènes marquantes de ce film).
Je ne vois pas trop l'opposition, Lang est un très bon monteur, la scène du meurtre est hors-champs et muette, et néanmoins extrêmement marquante (difficilement soutenable, même pour un spectateur moderne, digne d'un slasher, on sent aussi une obsession de Lang sur les jambes qui se retrouve dans la 5ème victime). Après il y a en effet des mouvements de caméra remarquables (le travelling sur Louis Hayward rampant).
J'ai trouvé les 2 premiers tiers très bons (le film a un côté proto Twin Peaks assez troublant, et est d'une sensualité étonnante compte tenu de l'environnement gothique de l'intrigue, formellement puritain, Jane Wyatt est très bien), malheureusement la fin est en effet baclée pour faire tenir le dénouement le plus moralement réaliste (l'auto-punition suicidaire du coupable) en 1h30 (voire en 5 minutes). On sent néanmoins une amorce de la situation plus dévelopée de l'Invraisembable Vérité (la contradiction de faire intentionnellement résider le sens moral d'une situation, qui pourrait mener à un salut hors des apparences dans un secret). Pour paraphraser Daney l'intrigue visible repésente la dissolution cynique de la culpabilité (les meurtriers reprennent leur vie d'avant, mais alourdis par un poids qui par exemple en fait des écrivains moins superficiels qu'avant, ils deviennent les critiques du réel), mais l'intrigue réelle représente plutôt le transfert sans perte de cette culpabilité (
). Belle métaphore de la Seconde Guerre Mondiale (la séduction mystérieuse qu'exerce le mauvais frères sur ses proches n'est pas expliquée, mais on sent un système compliqué de promesses et de complaisances réciproques et de chantage qui le soutient, elle précède l'intrigue, malgré leur rationnalisation de l'horreur on ne sait pas s'il prennent conscience d'une horreur morale ou juste d'une déception, désirant l'innocence pour eux seuls tout en comprenant -par mimétisme social dans une commuanuté qui joue le jeu de la "modernité"- de l'absurdité avouée de ce désir, ils sont toujours en deça de ce qu'exige la situation). Le film fait un peu penser à une version bis de "the Stranger" de Welles. Beaux seconds rôles (Jody Gilbert en bonne obèse est une étonnante actrice, avec un jeu qui fait déjà penser à l'humour de John Waters).
J'ai en fait trouvé Louis Hayward pas très bon, même si c'est vrai qu'il est fait pour le film noir, il a une tronche qui ferait passer Richard Widmark pour un notaire en vacances en Bretagne.