Vu passer la pub sur youtube tout à l'heure, je suis pas antiisraëlien de principe mais le pays a l'air d'un grand repère d'escrocs , comme beaucoup d'autres, à commencer par le nôtre, mais comme certains escrocs bénéficient de la loi du retour et de la non-extradition, forcément ça en fait plus, mais c'est un autre sujet, surtout que le sujet des associations caritatives, je n'ai aucun doute sur les pratiques pas vertueuses partout, mais la pub est sacrément putassière :
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Derrière les publicités montrant des enfants atteints d’un cancer, les dérives du tourisme médical en Israël
Une campagne publicitaire israélienne, montrant des enfants gravement atteints de cancers, a été diffusée en France et dans d’autres pays à la fin de 2021.
Par Damien Leloup
En novembre 2021, lorsque les premiers e-mails ont commencé à arriver dans la boîte de réception de l’association Les Chemins du cœur, les bénévoles n’ont pas tout de suite compris ce qui se passait. L’association, basée à Bondy (Seine-Saint-Denis), finance des distributions alimentaires et des programmes de santé ou d’accès à l’eau en France et dans plusieurs pays. Mais fin 2021, les questions affluent sur un tout autre sujet : des internautes contactent l’association pour en savoir plus sur la situation d’enfants malades, souffrant pour la plupart d’un cancer.
« Au début, c’étaient quelques personnes, et puis, ça a pris crescendo, raconte Kamel Kajout, le trésorier de l’association. Des messages souhaitant un bon rétablissement, et aussi énormément de personnes qui nous posaient la même question : est-ce que c’est vrai ? » Stupéfaits, les bénévoles des Chemins du cœur découvrent la page Web d’une association homonyme : rédigée en mauvais français, celle-ci appelle les internautes à réunir plusieurs centaines de milliers d’euros pour financer le traitement d’enfants malades.
Y sont publiées des vidéos très dures : Mary, Kira, Shotiko, Sabo, en larmes, y supplient le spectateur de donner de l’argent pour les soigner, dans des mises en scène déchirantes qui font aussi intervenir leurs parents. Mary n’a plus que deux mois à vivre, si elle ne rassemble pas 820 000 euros ; la tumeur de Kira « appuie sur son cerveau » et elle a urgemment besoin de 600 000 dollars pour une opération.
Les campagnes de financement sont mises en ligne par une association, Path to the Heart
Qui sont ces enfants ? Qui collecte l’argent ? Les campagnes de financement sont mises en ligne par une association, Path to the Heart (Les Chemins du cœur), dont le site en anglais mentionne une adresse en Ukraine. Une association à ce nom a bien été enregistrée récemment dans le pays, au nom d’un mécanicien spécialisé dans les tracteurs, et une association portant le même nom a aussi été créée en Israël à la même période.
Mais de très nombreux éléments jettent le doute sur l’objectif réel de ces collectes : les noms des enfants ne sont jamais précisés, pas plus que le pays d’où ils viennent, ni l’endroit où ils sont soignés. Les sommes demandées sont énormes — jusqu’à 1,5 million d’euros. Et pourtant, ces collectes hébergées sur un site participatif israélien fonctionnent — chacune affichait, à l’heure de la publication de cet article, des montants de plusieurs centaines de milliers d’euros.
Gigantesque campagne de publicité
Une raison explique probablement leur succès : la publicité, dont elles ont fait l’objet. De la mi-novembre à la mi-décembre 2021, des montants massifs ont été investis en publicité ciblée pour promouvoir ces pages de donation. Selon les estimations du Monde, basées sur les chiffres de visionnages des vidéos et l’outil de transparence publicitaire de Facebook, plusieurs centaines de milliers d’euros ont été dépensés pour les promouvoir, aussi bien sur Facebook que sur Google Ads ou sur le moteur de recherche russe Yandex, et, surtout, sur YouTube. Des versions sous-titrées ou doublées en anglais, en français, en hébreu, en russe ou en portugais existent ; en France, selon nos estimations, elles ont été montrées à plusieurs millions de personnes en fin d’année 2021.
Mary, Kira, Shotiko et Sabo sont loin d’être les seuls enfants ainsi mis en scène
Ces histoires sont-elles vraies ? Tenter de répondre à cette question, c’est plonger dans un gigantesque terrier de lapin, dans lequel le vrai et le faux s’entremêlent et où les questions sont plus nombreuses que les réponses. Mary, Kira, Shotiko et Sabo sont loin d’être les seuls enfants ainsi mis en scène dans des vidéos douteuses. Le Monde a pu en identifier plusieurs dizaines, sur une période d’au moins deux ans. Pour chaque enfant, des pages Facebook et des comptes YouTube, utilisant des graphismes similaires et traduites dans plusieurs langues, sont mis en ligne.
Les textes qui y sont publiés sont écrits à la première personne et toujours rédigés de la même manière ; les informations précises sur les enfants, leur famille, le lieu de leur traitement ou leurs pathologies sont rares, parfois contradictoires, et les moyens de les contacter directement inexistants. Tout juste les pages précisent-elles que les collectes de fonds sont gérées par une association, basée le plus souvent en Israël — une dizaine de noms reviennent régulièrement, dont celui de Path to the Heart.
Le Monde a pu vérifier, dans plusieurs cas, que ces enfants sont bien malades et avaient besoin de soins complexes, sans pouvoir confirmer de nombreux détails ou parler directement aux parents. Mais les éléments recueillis montrent que ces familles sont les instruments d’un complexe système de financement du tourisme médical en Israël.
Prise en charge des soins contre utilisation de l’image
L’écrasante majorité des enfants qui apparaissent dans ces publicités viennent, en effet, d’Ukraine, de Géorgie ou de Russie et sont soignés dans des hôpitaux israéliens. En 2021, Marius Dippenhorst, un professeur de musique aux Pays-Bas, apprend qu’une jeune fille participant à une chorale en Ukraine qu’il connaît bien s’est vu diagnostiquer un cancer. Les parents ont besoin d’argent : il organise une collecte et réunit 50 000 euros pour aider à envoyer la jeune fille suivre un traitement en Israël. Quelque temps plus tard, il découvrira qu’une collecte en ligne est organisée, pour un montant très important, au bénéfice de la même jeune fille, par une association israélienne.
« Ce que j’ignorais, à l’époque, c’est que le tourisme médical rapporte beaucoup d’argent, détaille-t-il au Monde. Toutes sortes d’organisations en Russie ou en Ukraine ont leurs “agents” en Israël. Ils font de grandes promesses, et les parents d’enfants gravement malades, qui sont désespérés, se tournent vers elles. Elles prennent en charge non seulement les soins mais aussi un hôtel proche de la clinique. Tout ça coûte beaucoup d’argent, et les familles ne peuvent pas payer. »
Séduits par les promesses d’agents de voyage spécialisés, alors que les options de soins dans leurs pays sont très limitées, les parents se voient fréquemment présenter, après les premiers examens, des devis de plusieurs centaines de milliers d’euros. Incapables de trouver de telles sommes et confrontés à un choix déchirant alors qu’on leur promet une prise en charge par les meilleurs spécialistes, ils se voient alors proposer une solution par leur « agent » : signer un contrat avec une association locale, qui s’occupera de mener une campagne de dons en leur nom et paiera l’hôpital.
Les montants demandés lors des collectes sont souvent très supérieurs au coût des soins
De nombreuses familles acceptent de se prêter au jeu des photos et des vidéos, s’engagent à respecter des clauses de confidentialité et à cesser leur propre collecte de fonds. Un système « gagnant-gagnant », mais marqué par une absence de transparence majeure — les montants demandés lors des collectes sont souvent très supérieurs au coût des soins. Une mention précise généralement que tout excédent sera affecté au soin d’autres enfants.
Ces collectes contribuent à alimenter un système de tourisme médical, à la fois légal et contestable, qui fait l’objet de multiples enquêtes par la presse en Israël. En cause : le système de santé israélien qui permet aux hôpitaux d’opérer des activités privées de clinique aux côtés de leur action de service public de santé. Faire venir des touristes médicaux, qui rapportent beaucoup plus d’argent que les patients israéliens, est capital pour certains de ces établissements.
Ce tourisme médical a fait l’objet de plusieurs scandales en Israël ces dernières années : des malades renvoyés chez eux pour donner la priorité à des patients étrangers ; un scandale de pots-de-vin réclamés à des malades étrangers ; des opérations inutiles pratiquées sur des patients étrangers. Et surtout, en 2017, une complexe affaire de mauvaise gestion au grand centre hospitalier privé de Jérusalem, Hadassah, fortement déficitaire, et dont la direction avait, à l’époque, privilégié le traitement d’enfants cancéreux étrangers.
A l’époque, la majorité des patients soignés dans l’unité d’oncologie pédiatrique de l’hôpital provenaient de Russie, d’Ukraine ou de l’Autorité palestinienne. L’hôpital a, depuis, changé de directeur et une loi a été votée en 2018 pour encadrer au minimum certaines pratiques, en imposant notamment aux « agents de voyage » qui font venir des patients étrangers dans le pays de s’enregistrer auprès de l’administration.
Communauté ultra-orthodoxe et campagnes high-tech
Les campagnes publicitaires font aussi appel au reciblage publicitaire (« retargeting ») : après avoir cliqué sur l’une d’entre elles, l’internaute se voit proposer des dizaines de publicités similaires, parfois sur la même page Web.
Les campagnes publicitaires font aussi appel au reciblage publicitaire (« retargeting ») : après avoir cliqué sur l’une d’entre elles, l’internaute se voit proposer des dizaines de publicités similaires, parfois sur la même page Web. CAPTURE D'ECRAN
Dans ce système, les associations caritatives israéliennes spécialisées dans l’aide aux enfants malades sont un rouage essentiel. Elles forment aussi une nébuleuse complexe, quasi exclusivement basée dans la communauté ultra-orthodoxe. En son sein se côtoient aussi bien des associations créées récemment, qui semblent uniquement procéder à des collectes de dons et dont l’activité réelle pose question, que des associations ayant pignon sur rue.
L’une de ces dernières, Rachashei Lev, a accepté de répondre aux questions du Monde. Créée il y a trente-deux ans, elle gère une « maison des enfants », « un centre d’accueil et d’activités gratuit pour les enfants souffrant du cancer et leurs parents à l’hôpital Tel Hashomer », et explique fournir « un soutien quotidien, depuis le diagnostic jusqu’à la guérison, une aide affective et psychologique, une aide médicale et financière, du soutien scolaire et de nombreuses activités comme des voyages, des camps de vacances ou des fêtes d’anniversaire » pour les enfants malades.
« Nous ne cherchons pas activement des enfants qui ont besoin d’aide ; ce sont les équipes médicales qui nous contactent lorsqu’elles voient qu’une famille est en difficulté, précise Orna Shalomoff, vice-présidente de l’association. Nous considérons que c’est notre mission d’aider des familles dans le besoin, quelle que soit leur origine ou leur religion — parmi les enfants que nous aidons, il y a des Palestiniens musulmans, des Européens chrétiens, des Israéliens juifs. » Selon l’association, les collectes de dons pour enfants ne représentent qu’une toute petite partie de ses activités.
L’une de ces agences se présente sur son site Internet comme « l’agence numéro un dans le segment ultra-orthodoxe »
Les collectes et les campagnes publicitaires menées par les associations telles que Rachashei Lev sont, en pratique, gérées par des entreprises de marketing en ligne, pour certaines liées à la communauté ultra-orthodoxe. L’une de ces agences, qui a publié et diffusé de nombreuses vidéos d’enfants souffrant du cancer, se présente sur son site Internet comme « l’agence numéro un dans le segment ultra-orthodoxe », et revendique des campagnes pour le parti religieux Shass.
Une autre société, spécialisée dans les centres d’appel et les campagnes marketing pour les associations ultra-orthodoxes, revendique avoir « levé en un mois 1,4 million d’euros pour sauver une vie ». Ces entreprises animent aussi des comptes Facebook, qui publient des messages déchirants… jusqu’au moment où la campagne se termine, laissant des internautes émus sans nouvelles d’enfants qu’on leur a présentés comme mourants.
Ces campagnes publicitaires sont-elles légales ? Pour Philippe Touitou, avocat au cabinet Legipass à Paris et spécialiste du droit de la publicité, la question est surtout de savoir comment sont utilisés les fonds collectés par ces campagnes. « Si une levée de fonds est organisée non seulement pour soigner un enfant, mais aussi pour s’enrichir, au-delà des frais de fonctionnement, alors on est sur une pratique qui est une escroquerie au sens du code pénal. » Path to the Heart, qui organise des collectes particulièrement peu transparentes, n’a pas donné suite aux messages du Monde.
Ethique publicitaire
Le Monde a également sollicité Facebook et YouTube au sujet de ces publicités. Facebook (groupe Meta), qui interdit dans ses règles d’utilisation les publicités « trompeuses », assure avoir investi dans la modération et avoir supprimé 1,8 milliard de faux comptes pour le seul dernier trimestre de 2021, mais note également que certaines pratiques douteuses ou illégales sont complexes à détecter et peuvent nécessiter du temps avant d’être identifiées. Des pages se présentant comme animées par les parents d’enfants, mais visiblement gérées par des entreprises spécialisées, ont été supprimées des deux réseaux sociaux, peu après les demandes du Monde.
« On ne fait pas n’importe quoi pour gagner de l’argent ou recruter des bénévoles, il y a des limites d’ordre moral », précise Christophe Leroux, de la Ligue contre le cancer
En tout état de cause, ces campagnes vont à l’encontre des règles éthiques que se fixent les grandes associations qui agissent pour les enfants malades. « A la Ligue contre le cancer, comme chez les autres ONG françaises, nous avons deux principes que nous respectons pour nos campagnes. D’abord, nous savons que toute communication est susceptible d’être vue, lue, entendue par une personne en situation de détresse face au cancer. On ne rajoute pas de la détresse à la détresse. Et nous considérons aussi que la fin ne justifie pas les moyens, détaille Christophe Leroux, délégué à la communication de la Ligue contre le cancer. On ne fait pas n’importe quoi pour gagner de l’argent ou recruter des bénévoles, il y a des limites d’ordre moral. »
Plus largement, les grandes associations incitent à la prudence face aux collectes de fonds pour des enfants malades. « Nos bénévoles nous remontent souvent des histoires de ce type, qui concernent toujours des enfants à l’étranger », note M. Leroux. L’écrasante majorité d’entre elles s’avèrent, après examen, être fausses ; pour celles qui sont vraies, la Ligue transmet le dossier à une commission scientifique indépendante. « Dans la quasi-totalité des cas, ce n’est pas d’argent, mais d’un appui consulaire [pour permettre à des enfants de voyager pour leurs soins] dont la famille a besoin, et nous faisons tout ce qui est possible pour débloquer la situation. En dix ans, il y a peut-être eu un cas dans lequel il y a eu besoin d’un soutien financier, parce que le traitement n’était possible qu’aux Etats-Unis. C’est extrêmement rare. »
Mise à jour du 25 janvier : L’article indiquait initialement que Facebook a supprimé 1,8 milliard de publicités trompeuses au dernier trimestre de 2021. Le chiffre se rapportait en réalité au nombre de faux comptes supprimés sur la même période ; l’article a été mis à jour.
Damien Leloup