Synopsis : La banlieue c’est pas rose, la banlieue c’est morose. Ils se sont pris en main et braqué un prince saoudien, ils vont se manger leur destin.
Ouverture brillante où on pose la situation par le biais d’un personnage annexe qui va prendre peu à peu de l’importance. On assiste successivement à deux horizons en termes de lieu et de temps. le premier est celui de la banlieue et au-delà celui de la ville où se côtoie le sacré (l’église) et les jeux (la grande roue). Le second est celui de la mort, avec l’enlèvement du cadavre de la mère de ce « monsieur Pons » qu’on n’a pas appris à connaître mais dont on sait déjà tout du bouillonnement intérieur. Les deux horizons se croisent comme des droites horizontales et verticales qui vont former la croix qu’on retrouve au terme de la cérémonie en hommage à cette mère disparue, et sur quoi se conclut le chant d’Annkrist qui l’illustre. La présence envoutante de la fumée sortie de l’encensoir va trouver un écho dans celle des clopes consommées au gré des scènes - entre hommes ou seul –.
Entre ces deux moments, Ameur-Zaïmeche investit le film de braquage avec une économie de moyens et une épure dans la caractérisation et le détail des événements qui fonctionnent d’autant mieux que le genre se marie bien avec ce côté fauché. Les motivations du gang n’en ressortent par ailleurs que plus fortement. L’un de ses membres, Mouss travaille dans un garage, et lorsqu’il observe les voitures de luxe qu’il vend l’on entend le bruit d’un avion : avec trois fois rien, on ressent le besoin d’évasion et la nécessité de mener à bien le plan pour se tirer. Tout le début se déroule sur ce mode rigoureux : les rassemblements, la préparation, les liens familiaux et amitié… sont présentés cash et immédiatement reconnaissables. Et ces scènes annoncent directement la couleur : au PMU, c’est l’arrivée du groupe et la cohésion devant le téléviseur qui semblent permettre au cheval sur lequel a parié Pons de remporter la course. Le braquage se fera sur le même ton que cette mise en place : direct et sans fioritures, et sans violence ou éclats de voix inutiles.
Bien sûr, le cinéma de la dèche a parfois ses limites : le manque de charisme de cette bande de pieds nickelés se fait ressentir aux entournures et les intermèdes familiaux de « Bébé », passages obligés, ne sont pas des plus convaincants. Mais même durant ce léger ventre mou, le réalisateur parvient à brosser des personnages intrigants comme cet enquêteur qui observe des toits le groupe en passant sous un panneau « danger » car il est chargé par le prince saoudien floué de les faire tomber. Il parvient aussi à montrer en un plan des oiseaux de mauvaise augure se tenir sur les branches surplombant les braqueurs qui discutent de la manière de dépenser le butin sans se faire remarquer. Ou à utiliser le noir et le blanc pour accentuer la violence d’un meurtre.
Puis, vient le tournant du film
et le recentrage sur « Bébé » et Pons. une scène où l’on observe en un plan tout ce que la prison peut avoir de commun (les motifs de barrières) et de distinct (la solitude) avec l’environnement que les protagonistes cherchaient à fuir. Si l’union faisait la force dans le troquet, l’isolement entraîne la mort au pénitencier.
C’est ici que quelques lignes de dialogue entendues sur le passé de Pons vont être mises à profit. Et Ameur-Zaïmeche colle désormais aux basques d’un vengeur solitaire qui tente de réinstaurer un semblant de justice dans ce monde. Alors qu’il observe le « bad guy » du film, qui ne prononce que quelques mots et que chaque geste et chaque situation dépeignent comme un jouisseur sans scrupules, réapparaît la fumée de l’encensoir qui désormais enveloppe le corps du prince saoudien en train de danser. L’idée même de la pureté de la justice surgit alors et persiste jusqu’au règlement de comptes final. Là, Pons se tient sur un toit, surplombant la ville et l’horizon jugé au début inatteignable, tandis que le prince regarde un tableau de New York qu’il tient à acquérir malgré le fait (ou surtout parce) qu’il n’est pas à vendre. Le rêve d’ailleurs de ses victimes est engoncé dans cette peinture, mais lui peut le posséder.
Or, si ce que le Prince voit est à lui, il en de même, à cet instant, pour Pons, ange exterminateur qui le tient, sans qu’il le sache, dans son viseur. Ameur-Zaïmeche filme et fixe alors le visage et la concentration, la solitude même, du tireur isolé et l’instant décisif qui va redresser pour une fois la balance. Après ce geste, monsieur Pons revient à la case départ et son balcon des Bois du temple. Toujours vigilant, il scrute à nouveau ce quartier qui lui tient tant à cœur et qu’il aide à nettoyer. La famille qu’il voit se balader le fait enfin sourire.
Dans l’émission En attendant Godard qui en parlait, a été cité S. Craig Zahler (ce qui n’est pas faux pour le côté "revanche des oubliés"), mais je me demande si en cherchant à toucher la grâce par la vendetta, Ameur-Zaïmeche n’a pas réussi un meilleur Schrader que celui sorti cette année.
Complètement décevant, Super-Bourrés, et pourtant j'aurais aimé le défendre contre vents et marées, mais ils arrivent pas à tenir la distance et ils merdent même une séquence de montage sur Push it to the limits.
Inscription: 13 Juil 2005, 09:00 Messages: 37845 Localisation: Paris
J'aime bien Ameur-Zaïmeche mais j'avais lu le scénario et c'était tellement particulier sur le papier que c'était dur à défendre... A la limite je serai curieux de voir le résultat.
J'aime bien Ameur-Zaïmeche mais j'avais lu le scénario et c'était tellement particulier sur le papier que c'était dur à défendre... A la limite je serai curieux de voir le résultat.
Je l'ai trouvé bien plus aimable que ses plus récents. Tout ce qui touche à cette bande, un copier-coller de celle de Mandrin, est vraiment très bien, et je ne trouve par ailleurs pas qu'ils manquent de charisme (voix magnifique du manchot). Par contre dès que ça touche au prince saoudien c'est beaucoup beaucoup moins bien (la scène dans la boîte de nuit ). C'est dommage, j'ai l'impression qu'il cherche à associer deux facettes d'un cinéma, brute et naturaliste d'un côté, un aspect beaucoup plus (trop) fictionnel de l'autre, qui ne sont pas fait pour fonctionner ensemble (en tout cas chez lui, et/ou avec ce niveau de fausseté dans la fiction).
J'aime bien Ameur-Zaïmeche mais j'avais lu le scénario et c'était tellement particulier sur le papier que c'était dur à défendre... A la limite je serai curieux de voir le résultat.
Y a des séquences qui fonctionnent à mon avis plus sur écran que sur papier (quand t'as cinq minutes sur le Prince qui s'enfile des pâtisseries pendant que son aide de camp s'excuse platement, par exemple)
Lohmann a écrit:
(la scène dans la boîte de nuit ).
Elle est un peu longuette mais ça pose aussi une autre facette du Prince qu'on n'avait pas vue tout en étant cohérent avec le reste (il se fait plaisir mais tout seul)
Le polar est le genre par excellence qui se prête à l’exercice de style et RBZ excelle dans le genre. Mais en même temps qu’il réussît assez bien son film, en instillant une petite musique qui lui est propre, il sème comme le germe d’un doute dans notre esprit : ne serait-ce que ça un polar? Et l’on se creuse alors la tête en tâchant de retrouver ce qui peut distinguer les fleurons du genre. Car hormis cette petite musique, un faux réalisme fort plaisant qui recèle d’une féerie discrète, que je rapproche du dernier Guillaume Massart, le film est quand même bien dénué de substance. On sait gré à RBZ de ne pas verser trop dans le carnavalesque et de ne pas s’encombrer de vraisemblance : la scène du prince arabe qui va danser au Molotov à Marseille n’est pas gênante en son principe (elle rappelle les histoires de Léo Perutz où l’empereur se grime en pauvre hère à Prague pour s’enquérir de ses sujets), elle est juste trop gratuite et clichée. Il sacrifie à la scène de danse à la française. Le dernier acte, dont on sait le déroulement a l’avance, appuie sur l’autre défaut du film : le classicisme de la mise en scène mériterait tout de même un montage plus vif. Sublime scène de chanson (paroles et interprétation) à l’église au début, qui ancre le film dans une forme de franchouillardise à l’ancienne digne et émouvante, qui aurait mérité d’être davantage explorée. Marrant de voir débarquer Marie Loustalot de son onzième (au hasard) aux quartiers nords de Marseille avec son pull muji et sa parka aigle (au hasard aussi).
Ah ouais j'ai bien reconnu Rodolphe Burger au Molotov en me demandant ce qu'il foutait là (collaborateur en fait de Sofiane Saïdi, qu'on entend, sur un album sorti cette année).
Je suis curieux de voir les documentaires de Philippe Petit, qui joue le rôle de bébé (assez bien d'ailleurs) et dont la ressemblance avec Damien Bonnard est frappante. Je voulais dire Guillaume Brac pas Massart.
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