Dans la peu reluisante lignée du polar crapoteux à la
Seven français, c'est quand même très loin d'être un nanar, au contraire de, si je me fie à leur réputation car je ne les ai pas vus,
Six-Pack d'Alain Berberian ou
Mr-73 d'Olivier Marchal (dont
Carbone récemment et dans un autre genre était d'une honnête facture, QGJ avait raison de le souligner).
Dans le genre "films que je n'ai pas vus et dont on pourrait le rapprocher",
Fleuve noir fait plus penser au polar psychologique d'Ozon,
Dans la maison, qui mettait en scène la relation de fascination entre un prof de français et un élève - si je ne me trompe pas.
Fleuve noir nous fait redouter au tout début qu'on aura droit à une photo verdâtre tout du long, mais on voit rapidement que le film est, pour employer une expression bien commode, d'une excellente tenue. Le scénario est distrayant, et parvient à rester paradoxal dans ses lourdeurs et ses maladresses (j'y reviendrai), et surtout, les dialogues sont très bien écrits, ce qui permet d'atténuer le cabotinage au reste assez plaisant de Vincent Cassel tandis que Romain Duris, acteur que j'aime de plus en plus à mesure qu'il apprend à jouer de son côté félin, s'y sent comme un poisson dans l'eau.
Alors certes, de manière un peu évidente le film nous embarque
mais cela s'explique, comme le fait remarquer Jeronimo plus haut, par l'alcoolisme et autres problèmes de Vincent Cassel dont le film adopte pour l'essentiel le point de vue unique - même s'il ne le fait pas avec rigueur. Ainsi, ce qui pourrait paraître une faiblesse d'un point de vue narratif - celle qui consiste à une description de l'enquête pure - disparaît devant ce qui se révèle être un autre film
Abyssin a écrit:
On s'en fout un peu de la résolution de l'intrigue
Jerónimo a écrit:
Le problème c'est que l'avance donnée au spectateur sur les enquêteurs est très mal gérée
Pas vraiment une avance dans la mesure où, comme tu le dis,
Abyssin a écrit:
qui est à l'image du film très noir et très trash,
Jerónimo a écrit:
Bof.
ça reste un peu trash (cf la remarque sur l'humour, que tu n'as pas su voir, d'Abyssin, la tienne sur cet épisode un peu dérangeant de viol).
Abyssin a écrit:
c'est plus les parts d'ombre et l'évolution de ses personnages cabossés qui compte.
Jerónimo a écrit:
Ils évoluent pas beaucoup les personnages, c'est l'un des problèmes du film.
Un petit peu quand même, non ?
Ce qui est plus caricatural, c'est la façon dont sont mis en miroir les rapports de Cassel avec son fils et ceux de la famille de Kiberlain avec le leur, ce qui n'est pas inintéressant toutefois.
Abyssin a écrit:
qui ressemble à un Columbo version clodo.
Jerónimo a écrit:
S'il a bien un seul truc de Columbo, c'est le côté clodo à imper qui squatte chez les gens, parce que son manque d'intuition n'a d'égal que son alcoolisme (les deux étant évidemment liés).
Comme tu dis.
Abyssin a écrit:
Cela pourrait être vite tourner au cabotinage facile et vain (ses débuts à l'écran font peur) mais l'écriture et le jeu félin et cash de l'acteur prennent le dessus pour livrer une partition réjouissante.
Jerónimo a écrit:
Il y a le cabotinage mais oui, il arrive à trouver le ton qui fonctionne sur la longueur. On reste dans un certaine caricature du rôle où le physique prend le pas, la déchéance du personnage s'incarnant par ses épaules voûtées, mais ça fonctionne plutôt bien (c'est peut-être le seul à sauver).
Duris est mauvais ?
Abyssin a écrit:
Le film est d'ailleurs fort drôle avec ce ton assez rare dans le polar français avec ce côté trashitude à fond et un côté cash qui fait assez rigoler.
Jerónimo a écrit:
Je n'y ai pas du tout vu de tentative d'humour ou de second degré / recul par rapport au genre. En l'état, on nous montre la déchéance d'un alcoolique.
Le film est assez marrant avec le cabotinage de Cassel (qui peut faire penser à Nicholas Cage dans son outrance et à
Bad Lieutenant, même si Cassel tire plus du côté de Columbo en effet), le cliché de flic qu'il incarne et dont il arrive en partie à s'extraire. La relation avec son fils, pour triste qu'elle soit censé être, donne lieu à des passages plutôt marrants dans le genre outré quand il lui met des taquets. Pareils avec les collègues qu'il traite de manière cavalière et nonchalante, ou Duris, qui l'énerve. Le film est plus drôle d'ailleurs dans sa description de personnage borderline que le récent et trop volontariste
En Liberté.
Abyssin a écrit:
Il faut voir le rythme auquel Cassel encaisse les whiskys secs pendant les interrogatoires et la magnifique scène ou bourré il tente maladroitement d'emballer la mère du gamin disparu.
Jerónimo a écrit:
Puis la fois d'après il la viole.
Je suis plutôt d'accord pour dire de prime abord que c'est un viol SAUF QUE
Abyssin a écrit:
A l'opposé de Cassel, Duris est lui royal.
Jerónimo a écrit:
Je l'ai trouvé quelconque mais il faut dire que le rôle est très mal écrit.
Ah bah tiens, voici ma réponse à ma question plus haut. Rôle bien écrit pour moi dans la mesure où il retranscrit bien le côté raté du type, dont les ambitions ne sont pas à la hauteur des capacités. Ainsi ses dialogues pseudo-profonds plus banals que véritablement ampoulés, où l'on reconnaît quand même une vraie tension intérieure.
Abyssin a écrit:
Totalement à contre-emploi, il a rarement été aussi bon. Il faut voir ce personnage de prof de français pervers et coinçé que lui concocte Zonka. La scène du bois avec la teub est un must.
Jerónimo a écrit:
Mec. C'est la pire scène du film.
Sincèrement, explique-moi en quoi c'est un must de voir Duris subir une irrumation dans un coin à pédés la nuit ? A quoi sert cette scène ?
Pourquoi une scène devrait-elle nécessairement servir à quelque chose ou devrait-elle nécessairement faire avancer positivement l'enquête ? Mais comme le dit Abyssin, scène assez marrante, dans son aspect gratuit d'ailleurs, sauf qu'elle ne l'est pas.
Abyssin a écrit:
Le film a clairement dix minutes en trop par contre et on peut trouver too much le rebondissement de la fin (moi il m'apparait cohérent).
Jerónimo a écrit:
La fin fait définitivement passer le film sous la moyenne pour moi.
Je trouve la fin pas très réussie mais le personnage
tout ça contribue à renforcer la noirceur dont parle Abyssin (souvent assez artificielle dans ce genre de films).
Le premier avis de Nanarland est un cas d'école de critique qui reconnaît tous les éléments intéressants du film mais ne sait pas quoi en faire, et se retrouve entravée dans son étroitesse interprétative. On dirait que le type s'attendait à du Derrick ou du Julie Lescaut, et au lieu de ça, il a un polar qui se prend moins au sérieux qu'il ne le pense.