Il m’a fallu un certain temps pour organiser mes idées et sortir une critique un poil cohérente du premier épisode en deux parties de cette saison 9. Ce qui ne veut pas dire qu’elle sera excellente, je n’ai pas le talent de certains d’entre vous pour ça. La seule chose que je peux apporter d’intéressant, c’est mon savoir de la série classique.
Tout d’abord, ce que j’en ai pensé un peu en vrac. Malgré certaines incohérences, dont je vais donner quelques détails un peu plus bas, et des trucs que j’ai moins aimé, je dois dire que je suis séduite par ce début de saison. J’ai réellement retrouvé le plaisir de regarder du Doctor Who récent, plaisir qui n’était pas vraiment au rendez-vous dernièrement. Même la saison 8 qui m’avait réconciliée avec la série (la saison 7 m’avait laissé un goût très amer) ne m’avait pas donné cette satisfaction.
Cela tient peut-être au personnage de Missy qui apporte un chatoiement particulier à cette histoire. Il faut bien dire que le personnage étincelle, surtout si superbement joué par Michelle Gomez. Je ne suis pas convaincue entièrement avec sa caractérisation (un petit point là-dessus à la fin), mais il faut reconnaître qu’elle brille comme un phare et que tout paraît fade à côté.
Avec ces doubles épisodes (il y en a apparemment une majorité dans cette saison), la série renoue avec la mode des cliffhangers qui étaient sa signature, particulièrement dans la série classique. Et celui de la fin de
The Magician's Apprentice est très bon, même si on se doute que le Docteur ne va pas tuer l’enfant Davros.
Parmi ce que j’appelle des incohérences, celles qui m’ont le plus gênée :
– le coup du rond sur la vitre pour voir si l’avion se déplace. À la taille où on le voit, il n’est pas très loin, donc on doit le voir se déplacer sans ça. De plus, on ne nous montre par la suite que des avions volant à basse altitude au dessus de villes, ce qui est tout de même assez rare, j’imagine. En règle générale, les aéroports sont plutôt construits assez loin des villes et les avions passent rarement au dessus d’elles aussi bas. Mais c’est pour l’effet dramatique, je suppose.
– le couple de vieux qui baladent leur toutou sur la place où se trouve Missy. UNIT semble avoir bouclé le lieu (il est désert en pleine journée), où se trouve quand même un des êtres les plus dangereux de l’univers, et ils laissent passer deux innocents promeneurs à sa portée ?
– Et enfin, que Missy ait besoin de Clara pour retrouver le Docteur (tout comme Colony Sarn qui n’a pas l’air d’être la moitié d’un imbécile), laquelle le déniche avec une grande facilité. Hum…
Passons à l’inspiration de l’histoire.
Ce double épisode de début de saison n’est pas seulement bourré de références à la série classique, il est carrément bâti sur au moins deux d’entre eux :
Genesis of the Daleks (saison 12, épisode 078) et le tout premier qui introduit les Daleks dans la série
The Daleks (saison 01 épisode 002).
Davros montre d’ailleurs la scène qui a inspirée cet épisode, celle où le Docteur (sous sa Quatrième incarnation) se pose la question du génocide des Daleks et parle du dilemme : « si vous rencontriez un enfant encore innocent et que vous sachiez qu’il va devenir le plus impitoyable des dictateurs, tueriez-vous cet enfant ? ».
Dès les premières images, lorsqu’on voit les armes de technologie très différentes (arc et flèches, vieil avion, mais qui tire ce qui semble être des lasers), j’ai tout de suite pensé qu’on était sur Skaro et à
Genesis of the Daleks. C’est ce que le Docteur dit juste après : « une très vieille guerre, d’après les technologies différentes » parce que c’est également ce que dit le Quatrième Docteur dans cet épisode.
Ensuite, lorsqu’on se retrouve sur Skaro, on aperçoit cette cité dont le design (modernisé, bien entendu, pour l’extérieur du moins) est exactement le même que la ville des Daleks dans
The Daleks. Jusqu’à la forme des portes et leur façon de s’ouvrir (voir à 34.37 mn dans
The Magician’s Apprentice).
Le premier Dalek qui apparaît lorsque Missy et Clara découvre Skaro est dessiné comme ces anciens Daleks, ceux de ce premier épisode, avec les exactes couleurs (qu’on ne voyait pas, puisque c’était en noir et blanc, mais ils étaient ainsi : gris et bleu pâle).
Il y a également le son quand on se trouve en présence de Davros, dans la pièce où il est confiné. C’est un son qu’on entend dans
The Daleks. On va d’ailleurs retrouver ce son tout le long de l’épisode souvent de façon assez discrète. Il faut avoir l’oreille et bien connaître la série classique pour le repérer.
On a aussi les Daleks qui disent : « Seek, locate, destroy ! » On a tellement l’habitude de les entendre dire seulement « exterminate » qu’on oublie qu’ils avaient autrefois un vocabulaire plus développé (on les entend aussi dire, notamment dans
Power of the Daleks : « Exterminate! Annihilate! Destroy! Daleks conquer and destroy! »).
Certains s’étonnent qu’il y ait assez de place dans un Dalek pour y faire entrer Clara. C’est vrai que ce n’est à priori pas très logique, puisqu’un Dalek tient bien moins de place qu’un être humain. Cependant, là aussi la série classique a inauguré ça, dès le premier épisode des Daleks, car Ian (le premier compagnon masculin du Docteur) fait la même chose. Sauf qu’à l’époque, il ne conduit pas la machine avec son esprit, mais avec ses mains (comme les Daleks devaient la conduire avec leurs tentacules).
Voilà pour la base des références particulières aux Daleks et à ces deux épisodes classiques en particulier. Cependant, ça ne s’arrête pas là. On en trouve d’autres que je vais vous lister.
Le concept des mains-bombes est repris de l’épisode
Trial of a Time Lord (lequel s’étend sur une saison entière, la 23), dans son avant dernière partie
The Ultimate Foe.
Quand Colony Sarf dit : « The Doctor is required ». On l’entend dans
The War Machines (saison 03 épisode 027). C’est l’ordinateur WOTAN qui dit : « Doctor Who is required ». À cette époque, dire « Doctor Who » au lieu de « the Doctor » n’était pas considéré comme une faute grave auprès des Whovians. C’est ainsi que le personnage était crédité dans le générique de fin jusqu’au Cinquième Docteur.
Quand les gens d’UNIT cherchent le Docteur, il y a une référence à un moment aux trois possibles versions de l’Atlantide. C’est dans
The Underwater Menace (saison 04 épisode 032),
The Daemons (saison 08 épisode 059) et
The Time Monster (saison 09 épisode 064).
Il est surprenant que Missy fasse un speech aux Daleks sur le TARDIS leur expliquant qu’il va leur donner la puissance du voyage dans le temps, étant donné qu’ils le maîtrisent déjà. Comment peut-on expliquer ça ? 1- elle gagne du temps et s’attend de toute façon à être « exterminée » et elle a son plan B (mais dans ce cas, à part cabotiner, je n’en vois pas l’utilité). 2- elle ne le sait pas, mais ça m’étonnerait car le Maître a déjà eu affaire aux Daleks (et s’est même allié avec eux dans
Frontier in Space , saison 10 épisode 067). On voit cette machine temporelle la première fois dans
The Chase (saison 02 épisode 016). D’ailleurs, les premiers compagnons du Docteur, Ian et Barbara l’utilisent pour enfin rentrer chez eux, vu que le Docteur à cette époque ne savait pas conduire son TARDIS et était incapable de les ramener. 3- ces Daleks-là datent d’avant leur découverte du voyage dans le temps, mais je ne pense pas, puisque ce sont des Daleks qui ont reconstruit Skaro ce qui arrive de façon relativement récente, en tout cas après qu’ils aient découvert le voyage dans le temps.
Enfin, Moffat fait une auto référence, dans ce double épisode, à son histoire parodique (pour Children in Need en 1999)
Doctor Who and the Curse of the Fatal Death (que je vous recommande, c’est très drôle). Dans cette parodie à un moment, le Docteur et sa compagne se retrouvent attachés à des chaises. Elle demande comment ça se fait que les Daleks aient des chaises, puisqu’ils ne peuvent pas s’asseoir. La réponse du Docteur est elle-même une référence à la série classique : « I’ll explain later ». Enfin, le Maître tombe (à trois reprises) dans les égouts de Tersurus et leur description correspond tout à fait aux égouts qu’on voit dans l’épisode.
Et maintenant, Missy.
Ce personnage me laisse dubitative. J’aime beaucoup certaines choses, mais d’autres me dérangent pas mal, en particulier les manières « minaudantes », très « femme », mais plutôt une caricature de femme. Bien sûr, on peut se dire que, comme le Maître n’avait jamais été une femme, il exagère les traits dit « féminins ». Il en fait trop dans le personnage. Mais ça me dérange quand même. J’ai particulièrement détesté le clin d’œil très appuyé dans la deuxième partie (
The Witch’s familiar) à 2 mn. Bon sang, on n’avait pas besoin de ça pour comprendre. C’est lourdingue.
Autre chose : son côté sadique. Depuis la réapparition du personnage dans la nouvelle série, c’est un trait qu’on lui a rajouté. Celui joué par John Simm l’avait déjà (quand il s’amuse à tuer Jack encore et encore à la fin de la saison 3, par exemple) et on le retrouve ici dans plusieurs scènes (notamment quand elle tue deux hommes juste pour montrer à Clara qu’elle n’est pas devenue bonne ou qu’elle lui demande des nouvelles de son petit ami « toujours extrêmement mort, j’imagine »). Hors dans la série classique le personnage n’avait pas du tout ce trait-là. Il ne tuait pas pour le plaisir, mais par nécessité (bon d’accord, cette « nécessité » était parfois assez mince. Envoyer le message au Docteur : « je suis là », par exemple, quand il laissait sur son passage des morts réduits à la taille d’une poupée). En tout cas, je ne ressentais pas ce côté sadique. Certes, comme tout Seigneur du Temps, son caractère change selon les incarnations, mais je trouve que rajouter ce trait le banalise. Un méchant sadique, il y en a plein les romans, films et séries. Le fait qu’il ne l’était pas le singularisait. Du coup, il devient moins original.
Quand Missy reprend Clara en lui disant que sa relation avec le Docteur n’est que de l’amitié. Heu… c’est pas elle qui l’appelle son « boy friend » et qui lui roule un palot dès qu’elle l’aperçoit dans
Dark Water ?
Sinon, le fait qu’elle clame son appartenance au sexe féminin comme une amélioration « some of us can afford the upgrade », m’apparaît plus comme une bravade. Au début du personnage (celui incarné par Roger Delgado), le Maître avait des côtés un peu macho (voir dans
The Time Monster). Ici, il prétend qu’être une femme c’est mieux qu’être un homme. Je vois ça soit simplement le fait que de toute façon il se considère lui, le Maître, comme supérieur, du coup son genre devient le genre supérieur, logiquement. Soit comme une réaction à la « ils sont trop verts et bons pour des goujats », c'est-à-dire qu’on valorise une situation contre laquelle on ne peut rien.
Le côté « chat » du personnage est une des choses que j’apprécie particulièrement. Quand elle fait tomber Clara dans les égouts, le geste évoque tellement celui des chats quand ils font tomber quelque chose. Même dans ses gestes, sa façon de se déplacer, il y a du félin. À la fois indolent et vif. Imprévisible, aussi. Le Maître a toujours été un peu félin, de toute façon (
Survival, saison 26 épiosde 155 ).
La relation Clara/Missy :
J’ai vraiment beaucoup apprécié cette partie-là. Le Maître a toujours eu des relations particulières avec les compagnons du Docteur. Personnellement, ça me donne l’impression qu’il est à la fois attiré par cette relation, peut-être parce qu’il aimerait en avoir une semblable (avoir lui aussi des compagnons, ce qui lui est brièvement arrivé dans la série avec Lee dans le film de 1996 et dans au moins un livre,
The Dark Path avec Ailla) et qu’il méprise le Docteur pour se laisser prendre dans ces relations éphémères. Dans cet épisode, la relation Clara/Missy m’a fait penser à celle entre Jo et le Maître!Delgado avec ce mélange de mépris (comparaison avec le toutou) et de respect (elle apprécie l’intelligence de cette compagne). Le fait de l’utiliser contre le Docteur aussi. Cependant, dans le cas du Maître!Delgado, la partie respect me paraît plus prononcée et je ne ressens pas le mépris (il est même assez admiratif, et on le sent vraiment attiré, ce qui ne l’empêche pas de se servir d’elle également, sa cible principale restant le Docteur).
J’adore toute la partie quand Clara est dans le Dalek, par exemple, avec Missy qui s’amuse de sa confusion.
Clara justement. Alors qu’elle se montre réservée et très méfiante au début, elle semble ensuite se laisser complètement subjuguer par Missy (à partir du moment où elles sortent sur la planète). Le côté hypnotique et fascinant du personnage la laisse totalement sans défense. Elle fait tout ce que lui dit Missy, sans presque se poser de question et résister, alors qu’elle sait très bien que le Maître n’est pas fiable et ne fait rien sans une – mauvaise – raison. J’ai beaucoup aimé.
Bref, un début de saison très prometteur (et le double épisode suivant le confirme). J’espère que le soufflé ne va pas retomber.