http://www.francemusique.fr/emission/la-matinale/2013-2014/vincent-delerm-invite-de-la-matinale-11-27-2013-00-00
Reconnaissons qu'il ne s'agit pas du film le plus attendu de la semaine -meilleur candidat serait sans doute THE IMMIGRANT de James Gray, avec la plaie Cotillard, cinquième film qui confirme le lent déclin du réalisateur de THE YARDS.
DRACULA donc, revu et corrigé (à peine) et mise en 3D par Dario Argento, 73 ans, l'un des rares génies que le cinéma transalpin compte encore. Mais cela fait déjà quelques années et une poignée de films décevants ( GIALLO, LA TERZA MADRE) que les admirateurs du réalisateur de SUSPIRIA et PHENOMENA déchantent mais croient encore au grand réveil du maître - et le formidable épisode qu'il avait réalisé pour la série MASTERS OF HORROR en 2OO5, JENIFER, prouvait que sa flamme brûlait encore, presque intacte.
Tous les deux ans, à chaque nouvelle engeance, ils se demandent donc qui saura sortir Argento de son bois dormant.
Disons que ce ne sera pas pour cette fois. Envers et contre tout, Dario Argento continue pourtant de tourner, obstinément, et toujours à l'intérieur du genre et d'un cinéma italien qui peine à sortir du coma profond dans lequel Berlusconi l'a plongé au milieu des années 8O. Argento est devenu une marque (un auteur célébré partout), une caution surtout, pour bon nombre de producteurs marlous qui le savent aux abois et toujours en quête d'un projet qui retardera le coup de sifflet final. Giovanni Paolucci, le producteur cynique des dernières séries Z fauchées de Bruno Mattéi, a flairé le bon coup et la matière d'un montage financier aisé: Argento ( DRACULA fut présenté en séance spéciale au dernier festival de Cannes), un texte classique et connu auquel bon nombre de cinéastes (Browning, Fischer, Coppola) se sont attaqués et une technique à la mode, la 3D, censée donner au film un vernis moderniste.
On l'aura compris: ce DRACULA-là a pris le large en mer agitée et, s'il a fini par arriver à bon port, c'est largement cabossé. A première vue, peu de surprises ou d'occasions de s'étonner devant cette adaptation plutôt fidèle et modeste du roman de Bram Stoker:
des décors hammeriens et cheap, des effets numériques atroces - hormis une séquence de mante religieuse, aussi insolite que réussie -, des acteurs en pilote automatique (Rutger Hauer, Thomas Kretschmann et Asia Argento) ou en mode Jess Franco ( dénudement express de la belle Miriam Giovanelli et, plus tardif, d'Asia), un compositeur, Claudio Simonetti, qui recycle, et un faux rythme proche de ces dramatiques télé produites par la BBC dans les années 1970.
Cela dit, et tous autres défauts mis à part, on sent qu'Argento, passé une belle séquence d'ouverture directement reprise de PHENOMENA, a cherché de nouvelles marques, une manière de s'adapter à son micro-budget, qu'il s'agisse de la photographie en tons ocres et vert de Luciano Tovoli, de l'aspect volontiers désuet de la ville de Passburg avec ses chaumières cosy et inquiètes, ou encore d'une mise en scène très classique, à millie lieux des éclats baroques d'INFERNO ou de TENEBRES.
DRACULA possède un charme indéniable, une modestie sereine (voire ces séquences nocturnes dans les bois, presque calmes) qui tient à cette conscience qu'a visiblement acquis Argento de ne plus pouvoir, à la fois artistiquement et financièrement, rejouer les grandes ritournelles de son âge d'or.
Au milueu des décombres, des séquences ratées et des railleries des spectateurs, l'homme continue d'avancer. Et c'est en soi admirable.