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MessagePosté: 22 Jan 2014, 13:34 
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Oui je pense que je le mets sans problème dans mon top 100.


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MessagePosté: 19 Oct 2014, 12:58 
Bien aimé, surtout la première partie où on met un bon trois quart d'heure à comprendre ce que le film raconte.
En fait le film possède la structure d'un film d'horreur ou de "Straw Dogs". Cela m'a rappelé aussi un peu "l'Homme Tranquille" de Ford. Le film est à la fois cynique et humaniste: la violence est neutralisée parce que la guerre la rend superflue (cela servirait à rien de dénoncer Colpeper pour cela, en 1943), les personnages parviennent à nouer un lien profond mais ne possèdent finalement rien d'autre que ce lien qui pour cela ne durera pas (même Alisson retrouve son mari au moment précis où elle parvenait d'en faire le deuil, sa réaction assez violente est d'ailleurs déroutante). Il démonte le ressort de l'étrange sérénité de films comme "le Troisième Homme" ou "Berlin Express": aucun pathos n'est éternel, mais on aimerait qu'il le soit, on le désire plus que la reconstruction.
Les dialogues sont superbes, ils ne servent pas à faire des mots d'auteurs mais font partie de la mise en scène, ils jouent souvent le rôle de flash-back complètement développés (lorsqu'Alisson explique que son beau-père, la fermière son origine citadine et son mariage raté ou Johnson son travail de menuisier).
Ce n'est pas un feel-good movie: on n'a jamais aussi bien parlé de la rupture que dans ce film. Si j'ai bien suivi Powell venait à la fois de se marier et de se faire plaquer par Deborah Kerr quand il a fait le film: il était un peu dans la même position d'Alisson (si on suppose qu'elle est amoureuse de Johnson).
Il y a quelque chose de curieux: la mise en scène est superbe, mais tourne autour d'une sorte d'impuissance de l'image: le blackout règne et le cinéma ne parvient pas à l'éclairer totalement. Lors des scènes du train et de l'attaque de Glueman on ne voit pratiquement rien, lors de la conférence qui est pourtant le centre de la vie de Glueman même le projecteur lâche, lorqu'il est réparé, la scène s'interrompt, on sait déjà ce que l'on va voir, et de toute manière Alisson possède les vestiges archéologiques réels dont Glueman ne peut que parler), rien n'est montré de la vie militare, mais elle est très bien décrite par les dialogues. A l'inverse le départ des soldats, la messe et l'introduction avec les personnages du conte sont aveuglants. Le film chosit de montrer la lumière en cachant ce qu'elle éclaire.


Dernière édition par Gontrand le 19 Oct 2014, 13:20, édité 1 fois.

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MessagePosté: 19 Oct 2014, 13:20 
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Gontrand a écrit:
Le film est à la fois cynique et humaniste: la violence est neutralisée parce que la guerre la rend superflue (cela servirait à rien de dénoncer Colpeper pour cela, en 1943)

Ah bien vu, tu as tout à fait raison. Je me demandais d'où venait l'espèce de pacification générale du film dans les rapports humains, tu as mis le doigt dessus je crois.

Citation:
Ce n'est pas un feel-good movie: on n'a jamais aussi bien parlé de la rupture que dans ce film.

Je sais pas si c'est un feel-good movie (ou si le faire appartenir ou pas à ce "genre" a une grande importance), mais la rupture ne serait pas un argument contre : beaucoup des feel-good movie anglais des années 90-2000 se construisent justement autour d'un évènement grave, dans le but de redonner toute sa valeur au bonheur du quotidien (4 mariages et un enterrement, dès son titre, en est l'exemple le plus parfait).


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MessagePosté: 19 Oct 2014, 13:29 
J'ai loué le DVD de l'Institut Lumière récemment et il y a des textes intéressants de Powell et John Sweet (l'acteur amateur qui joue Johnson). En filigrane on comprend que Powell a été dur (genre Pialat) sur le tournage envers lui et Sheila Sim (dont c'était aussi le premier film, et qui remplaçait Kerr qui était sa maîtresse et partie à Hollywood...elle a dû vivre un enfer).
Sweet raconte que la seule scène où Powell l'a complimenté pour son jeu, c'est celle des lettres perdues, Sweet explique que cela été ambigu car il vivait à l'époque la même situation que son personnage.


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MessagePosté: 19 Oct 2014, 17:11 
Tom a écrit:

Dans cette optique, le film a la bonne idée de ne jamais clairement, définitivement, concrètement relier le malfaiteur à Colpeper. Bien sûr, c'est lui, je ne cherche même pas à dire qu'il y a une lecture cachée ou quoique ce soit. Mais si vous faîtes gaffe, dans les dialogues, jusque dans la conversation du train qui ne parle que de ça, il n'y a jamais un fatidique "c'est bien moi", ou un plan qui nous le montre sous le costume, ou une arrestation : jamais quelque chose qui fait de cette enquête le point climax, pas de focalisation qui garde notre regard sur le qui-a-fait-quoi. Ça reste un flirt, qui se concentre plutôt sur le face à face entre cet homme issu du passé à la jeune génération à venir. A la fin les jeunes emportent leur secret avec eux, l'anglais ne porte probablement pas plainte : les conséquence de cette enquête (la cathédrale, les croisements, les retrouvailles) ont pris le pas sur sa source, c'est comme si la chose ne s'était pas passée.



Je crois que le "c'est bien moi" est dit justement dans la scène mais sans qu'on insiste dessus (il y a un passage impressionant dans cette scène, quand le train entre dans un tunnel et que le visage de Colpeper bascule tout à coup dans l'ombre, me Lang ne faisait pas des choses comme cela). Les personnages du trio n'ont pas la même histoire et la même implication dans l'histoire, et l'ambiguïté de Colpeper permet justement de l'exposer. C'est le "lâcher-prise" et l'abandon des personnages qui exprime ce qu'ils sont finalement, plus que ce qui les a réunit dan l'intrigue.
Seul le soldat anglais a une bonne raison de dénoncer Colpeper: à ce stade du film, c'est un raté total, Colpeper l'a humilié en privé au sujet de son métier d'organste de cinéma, il va sûrement ête tué au combat, il n'a apparemment pas de vie privée qui le retienne, et il ne s'est pas encore racheté en jouant dans la cathédrale. Mais avait-il dénoncé Glueman, le miracle n'aurait pas eu lieu pour lui.
Alisson de son côté avait résolu l'énigme au bout de cinq minutes mais éprouve de la sympathie pour Colpeper, qu'elle est la seule à regarder réellement, ils ont la même sensibilité, la même lecture du paysage et il a trouvé les mots juge pour lui parler de la mort de son fiancé.
Johnson lui s'en moque (et c'est de son point de vue que le film est tourné), il pense plutôt à sa fiancée et un peu à Alisson, se trouve plutôt bien dépaysé dans le village, et en même temps ce détachement lui permet de trouver l'image qui donne la juste morale de l'histoire: un marteau pour écraser une mouche sur le front d'un bébé, qui survit quand-même.

J'ai été étonné en lsiant le livret,que Powell trouvait lui-même que Colpeper a un côté déplaisant, comme si son propre film ne l'avait pas racheté à ses propres yeux. Mais c'est vrai que finalement il est très proche de Michel Simon dans le Corbeau, qui date de la même année. Ils ont la même position: des notables et intellectuels locaux qui font circuler un baton merdeux et justifient leur penchant pour l'humiliation d'autrui par un prétexte pédagogique et édifiant (alors que la moitié de leur cible connaît déjà d'avance le contenu prétexte). Ce qu'il fait n'est pas si innocent, il désigne comme salopes la quasi totalité des femmes du village pour le seul fait qu'elles ont une sexualité. Il est d'ailleurs assez sain que ce ne soit pas Alisson elle-même qui analyse ce qui relie Glueman à une forme de frustration sexuelle, mais un des seconds rôles féminins qui parle pour toutes les filles du village. C'est à la fois didactique et subtil. Ce n'est pas un film politique, mais il exprime aussi l'idée que la seule façon de lacher prise honnêtement face à un problème "politique", c'est de l'exposer complètement et tenter de le résoudre, et cette résolution est liée au consensus social, pas aux personnages principaux (c'est à la fois une situation d'abandon et ce qui rattache le film au discours patriotique sur l'effort de guerre).

Au passage réplique osée pour l'époque sur la supériorité du joint sur le thé.


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MessagePosté: 19 Mai 2015, 16:09 
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Sir Flashball
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Bon, j'ai trouvé ça magnifique. Baptiste et Tom ont presque tout dit, alors je ne me foule pas trop.
Je reviens simplement vite fait sur un aspect du film dont peu d'entre vous ont parlé, c'est tout le travail sur la mutation de la société anglaise, et ce petit village rural du Kent, qui vit encore dans l'ancien temps (superbe travail sur l'artisanat), et la ville de Canterbury, déjà moderne ou en cours de modernisation (c'est aussi ça, le pèlerinage au centre de l'intrigue) ; une grande partie du charme du film repose dans le fait que les réalisateurs parviennent à la fois à regretter les pertes que ce changement implique (les questionnements sont d'ailleurs toujours d'actualité), mais aussi à se projeter résolument dans l'avenir, sans amertume.

Enfin voilà, c'est un film merveilleux de justesse, et comme Baptiste, je ne suis pas loin de crier au chef-d'oeuvre (mais je laisse vieillir).

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MessagePosté: 19 Mai 2015, 23:29 
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Aaaah tu vois je t'avais dit que t'aimerais Powell & Pressburger !

Bon, c'est de loin le moins froid de tous leurs films, après (de ce que j'en ai vu en tout cas)...


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MessagePosté: 19 Mai 2015, 23:31 
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Sir Flashball
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Ja, c'est pas froid du tout, pour tout dire, j'avais pas l'impression de voir un film britannique.
Tu me conseilles quoi pour la suite ?

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MessagePosté: 19 Mai 2015, 23:35 
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Je suppose que Le Narcisse noir est le meilleur. Ce serait cependant intéressant d'enchaîner avec Je sais où je vais, qui est à mon sens un jumeau raté de A Canterbury Tale, mais certains le préfèrent (Griffin de souvenir, tiens) : du coup je me demande si ça tient pas à l'ordre où on les découvre, l'un semblant être la mauvaise copie de l'autre.


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MessagePosté: 19 Mai 2015, 23:42 
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Sir Flashball
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Et tu as vu leur comédie musicale ?

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MessagePosté: 19 Mai 2015, 23:44 
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Les Contes d'Hoffmann ? Non, il devait passer à un moment au boulot donc je l'attendais, mais je l'ai raté.


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MessagePosté: 20 Mai 2015, 00:30 
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Castorp a écrit:
Ja, c'est pas froid du tout, pour tout dire, j'avais pas l'impression de voir un film britannique.
Tu me conseilles quoi pour la suite ?


Le voyeur, pur chef d'oeuvre qui a eu pas mal d'influence sur une génération de cinéastes.


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MessagePosté: 20 Mai 2015, 09:09 
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Celui-là m'avait bizarrement laissé complètement froid (c'est sans Pressburger, d'ailleurs, je ne sais pas si ça a un lien). Mais vu y a 12 ans donc bon...


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