Allez tba, régale-toi.
diffusé le 12 septembre sur Arte / sortie en salles le 17 septembre
Junie (Léa Seudoux) débarque dans un nouveau lycée en cours d'année. Elle est vite intégrée à la bande dont fait partie son cousin. Très courtisée, elle accepte de devenir la meuf d'un garçon sage (Grégoire Leprince-Ringuet). Mais le prof d'Italien (Louis Garrel) tombe fou amoureux d'elle.
Je ne crois jamais aux histoires d'amour dans les films d'Honoré. C'est mon problème, vous allez dire, mais il faut quand même que j'essaie de le résoudre… Emma de Caunes avec Louis Garrel (
Ma mère), Romain Duris avec Joana Preiss, toutes les conquêtes urbaines de la journée de Louis Garrel (
Dans Paris), Louis Garrel avec Ludivine Sagnier puis Clotilde Hesme (
Les chansons d'amour), Louis Garrel avec Léa Seydoux (
La belle personne), tout ça me semble théorique, abstrait, fabriqué… J'ai moins de souci cependant avec les histoires d'amour homosexuelles: Isabelle Huppert avec Joana Preiss (
Ma mère), Grégoire Leprince-Ringuet avec Louis Garrel (
Les chansons d'amour).
Voilà ma théorie: le souci (ou le sujet) des films de Christophe Honoré, ce n'est pas l'amour, c'est l'adoption. Disons qu'être aimé, pour Honoré, c'est être adopté.
Le corollaire de cette conception de l'amour, c'est que pour être "aimable", il faut d'abord être orphelin. Ne sont dignes d'amour que ceux qui ont vécu ou vivent un deuil (c'est le cas de Béatrice Dalle dans
17 fois Cécile Cassard ou de Louis Garrel dans
Les chansons d'amour) ou un drame (l'inceste pour Louis Garrel dans
Ma mère, la dépression pour Romain Duris dans
Dans Paris).
Bon, et cette Junie (Léa Seydoux) dans
La belle personne, pourquoi est-ce qu'elle fait tourner toutes les têtes ? Franchement, contrairement à ce que prétend le titre, elle n'est pas si belle que ça. Ce n'est qu'une morveuse (au sens propre) plutôt mimi, oui, mais on a beau la filmer comme si c'était Anna Karina, y'a pas de quoi bouleverser la vie du prof ultra-séducteur que joue Louis Garrel… En fait, elle est belle parce qu'elle est orpheline (elle vient de perdre sa mère), elle est belle parce qu'elle pleure en classe, elle est belle parce qu'elle est isolée géographiquement et socialement (elle vient de changer de lycée). Elle est parfaite pour être aimée dans un film de Christophe Honoré, et c'est parfaitement dégueulasse.
Plus vous êtes isolé, plus vous êtes beau et aimable. Moi, je n'aime pas ça. Je n'aime pas qu'on fasse comme si ces lycéens n'étaient pas des lycéens mais des figures éternelles de la jeunesse fougueuse, belle, intelligente. Comme s'ils n'avaient pas de parents et pas de bulletin trimestriel. Comme si ce n'était pas intéressant de savoir s'ils sont bons en classe. Christophe Honoré n'aime pas la sociologie, OK. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de sociologie dans l'art ? Ou parce qu'il n'y a que le Paris chic qui l'intéresse, et que ça la fout mal ? Là, on est dans un lycée du XVIème arrondissement, bon, y'a pas de honte à la base, c'est intéressant, y'a pas qu'
Entre les murs dans la vie… mais occulter la réalité sociale, ne jamais entrer chez les parents mais s'arrêter toujours au seuil, filmer un lycée bourgeois en choisissant des murs joliment décrépits, ce n'est pas exclure la sociologie, c'est la traficoter… Voilà, je suis gêné parce que je trouve ça un tout petit peu malhonnête.
Mais Christophe Honoré a beau foutre la sociologie à la porte de son scénario, elle revient par la fenêtre du casting. Evidemment, c'est facile de se moquer, mais le synopsis de
La belle personne rapporté à ses choix de casting, c'est un peu: Si l'héritier des Leprince-Ringuet se mettait en ménage avec l'héritière des Seydoux, est-ce que le fils Garrel pourrait s'interposer ?
C'est étrange, quand même, cette fascination pour les héritiers… On a l'impression qu'il n'y a que ça dans la jolie bande de
La belle personne: en plus des trois suscités, on y voit une Bonitzer (Agathe, très bonne actrice, fille de Pascal), une Audiard (Jeanne, que je ne connais pas, elle n'est peut-être pas de la famille), une Garrel (Esther, petite fille de Philippe), un Honoré (Julien, frère de Christophe), on croise même une Lang (Valérie, fille de Jack) et évidemment la fille Deneuve (Chiara Mastroianni) pour une scène de "passation de pouvoir" avec la petite Seydoux assez gratuite. Quand c'est poussé à ce point, ça fait sens, non ?
Bon, on pourrait être plus méchant si on s'attardait un peu sur le personnage de la cafetière (pas l'appareil à faire le café, non: la limonadière, la tenancière), si sympathique, si grosse, si pittoresque. Parce qu'il faut bien que le peuple façon Groseille vienne lui aussi adopter le personnage principal pour valider sa bonté foncière.
Voilà pourquoi je n'aime pas tellement l'amour dans les films d'Honoré. Parce que je trouve que l'amour, qui se présente comme une adoption, est finalement une élection sociale. Parce qu'on ne tombe pas amoureux d'une personne (contrairement à ce que dit le titre, bis) mais d'un visage, de préférence en pleurs (voir la scène en classe, quand Louis Garrel est bouleversé par Léa Seydoux), parce qu'on ne tombe pas amoureux d'un caractère mais d'une figure nue et orpheline.
Je trouve qu'il y a chez Christophe Honoré, depuis les premiers films et particulièrement dans
La belle personne, une entreprise de séduction que je trouve franchement déplaisante, un appel à l'adoption ("Adoptez-moi comme cinéaste moi qui suis écrivain") dans les castings et dans les effets mimétiques de cinéma (la fameuse touche Nouvelle Vague) que j'ai du mal à supporter.
Sinon,
Agathe Bonitzer (l'ado surdouée et agressive du
Grand Alibi) et
Anaïs Demoustier (je crois me souvenir que Bliss l'aime beaucoup, c'était l'héroïne de
L'année suivante) sont deux très bonnes actrices, ça se confirme. Il y a aussi un garçon très bien, mais je ne connais pas son nom, c'est le type à droite sur la photo :
Il me semble que Louis Garrel est trop jeune pour le rôle, c'est une des petites lâchetés du film.