Forum de FilmDeCulte

Premier film vu en arrivant à Cannes. J'aime beaucoup Sean Baker mais je dois dire avoir été assez décontenancé par le film. Clairement j'ai le sentiment que Sean Baker tente volontairement un film bien plus conventionnel que ses trois précédents films (j'ai d'ailleurs découvert avec une grande surprise que Sean Baker avait déjà réalisé en fait 4 longs métrages avant Tangerine). Anora est très clairement un film plot driven ce qui ne me semblait pas être le cas de ses réussites précédentes ou du moins pas à ce point là. Là c'est vraiment pas du tout dans le mood flottant, chill de The Florida Project et Red Rocket mais au contraire, c'est un film qui avance sur sa crête de récit à fond à l'heure et chaque scène fonce vers des péripéties sans cesse renouvelées. Ce n'est finalement que dans la seconde partie quand le film se fera plus répétitif que l'on retrouvera un peu ce côté flottant de son cinéma (mais pas forcément pour le meilleur).

Pour résumer sans vraiment spoiler le film commence comme Pretty Woman et se poursuit dans une ambiance nocturne interlope Cassavettes (ou Uncut Gems) après une cassure scénaristique plutôt bien vue (d'un point de vue du récit et plus profondément sur ce que le film veut dire). Le tout dans un ton assez léger de comédie sexy réaliste mais en même temps se basant sur pas mal d'archétype de cinéma assez mal dégrossi. Notamment ce personnage principal de femme badass qui tabasse les hommes de main (la blague répétée dix fois bon...). C'est un peu tout le paradoxe du film, un côté très conventionnel dans son récit flirtant même avec certains clichés mais avec toujours ce côté un peu brut de Sean Baker notamment sa fascination pour les milieux du sexe (ici les boites à strip tease). Donc c'est un film divertissant, amusant, plutôt euphorisant mais qui dans un premier temps met un peu mal à l'aise face à une certaine complaisance dans l'étalage d'une vacuité très contemporaine. C'est d'ailleurs ce qui est très intéressant dans le film (et que je ne vois pas tellement abordé dans les critiques), le personnage principal n'est en rien amoureuse du personnage de l'adolescent russe millionnaire. Il n'est que son ticket pour une vie totalement oisive d'épouse fortunée qui lui éviterait de devoir se déshabiller devant des inconnus chaque soir. Le film problématise d'une certaine façon un certain rapport à l'argent plutôt fascinant. D'un côté un jeune homme pourri gâté qui a grandi dans l'opulence et qui n'a aucune conscience de la valeur des choses et de l'autre une jeune femme précaire pour qui l'argent est synonyme d'émancipation et de liberté. Et le film ne tranche jamais, c'est à la fois sa qualité et son défaut. En refusant de nous montrer autre chose que cette transaction financière entre les deux (même si on peut voir de la tendresse et une forme de complicité) le film tient quelque chose d'un peu scandaleux (Pretty Woman sans l'amour en gros) mais en même temps ne dit en fait pas grand chose sur un système qu'il prétend dénoncer.

De riches adolescents qui dépensent des sommes démentielles en pure divertissement vain on en voit des centaines si on s'amuse à fouiller sur Instagram. Et des femmes attirées par l'argent parce que ça leur permet une vie facile on en voit aussi des centaines sur Instagram. Sean Baker fait un constat mais ne juge finalement personne. Le jeune ado russe est plutôt sympathique, il sera castré par sa mère comme un bébé et deviendra un peu méchant mais on a du mal à lui en vouloir. Le personnage du père qui n'a quasiment aucun dialogue est aussi symptomatique, un milliardaire russe qui n'est là que pour ricaner des frasques de son fils et de l'hystérie de sa femme. Là encore c'est étrange ce regard bienveillant. Vraiment l'impression que Baker n'a vraiment quasiment rien à dire de son sujet qu'il regarde de loin avec amusement mais sans véritablement mettre les mains dans le cambouis.

Il faut attendre la fin du film pour retrouver quelque chose d'un peu plus sincère et touchant (très belle scène finale). L'actrice principale est super, les hommes de main arméniens sont amusants et attachants mais le trajet est un peu trop laborieux, un peu trop répétitif pour m'emporter totalement. Et contrairement à ce que je lis partout c'est loin d'être hilarant. Tu souris de temps en temps mais bon faut pas abuser. Je lis aussi beaucoup que c'est le meilleur film de Baker mais pour moi Red Rocket est bien meilleur, bien plus trouble, plus libre, plus foncièrement original. Là c'est un petit film sympathique et touchant qui aurait mérité de durer bien 30 minutes de moins. Pas certain que la palme lui rende service (comme pour Titane), tant c'est quand même loin d'être un grand film mais en même temps c'est une palme jeune, pleine de vitalité qui célèbre un cinéma ultra contemporain. Curieux de voir quelle sera sa carrière en salles et s'il ira jusqu'aux Oscars (j'en doute).

4/6

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CroqAnimement votre

Tu mets 3/6 à Tangerine et Florida et 4/6 à Red Rocket, comme à celui-ci.

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Oui mais ce sont des films que j'ai appris à aimer, aujourd'hui je noterai sans doute différemment. J'ai jamais été à fond en fait mais on va dire que j'aime son univers, son approche.

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CroqAnimement votre

Je taquinais.

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Art Core a tout dit... mais si je suis plus enthousiaste que lui. Déjà j'ai ri aux éclats toute la seconde partie, d'un charme assez irrésistible. Ensuite, je trouve que le film dit des choses assez profondes sur le rêve américain, d'où la Palme sans doute

et le film sera aux Oscars, il y a toujours un indé qui passe le cut.

5/6

Pour la petite histoire, les films pré-Tangerine ont été achetés par The Jokers qui devrait donc les sortir.

Ah c'est très cool ça. J'avais Take out dans ma liste des BR à acheter (il est sorti chez Criterion en Zone B), on va donc attendre un peu plus.

encore un enorme smash en perspective pour les jokers

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

lol trop facile

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