Forum de FilmDeCulte

aka 醉いどれ天使 (littéralement "Ange laid") aka Drunken Angel



Appelé en pleine nuit à soigner un jeune gangster pour une blessure à la main, un médecin alcoolique décèle une affection plus grave, la tuberculose. Il tente de soigner le jeune homme qui ne veut rien entendre, et malgré les disputes et les menaces, il se prend d'amitié pour lui.

Leave it to Kurosawa de faire un film de yakuza qui déjoue complètement les attentes du genre pour tendre vers le drame pur. Le cinéaste ne s'embarrasse même pas d'une exposition inutile et longuette (où l'on aurait découvert Matsunaga à son peak de gangster fringant avant qu'il ne tombe malade), il attaque franco de porc avec ce décor que l'on pourrait qualifier de symbolique s'il n'était tristement réel. Travaillant une fois de plus sous contrainte (celle de la censure durant l'occupation américaine), Kurosawa ne pouvait se montrer ouvertement critique et dissimule une radiographie de l'époque, pas si éloignée de son précédent film, sous les apparats d'un film de gangster mais un gangster qui perd de sa superbe au fur et à mesure du récit, passant du beau gosse agile au mourant affublé d'un maquillage délibérément théâtral (performance physique impeccable de Toshiro Mifune).

Mais Kurosawa ne s'arrête pas au simple portrait du Japon occupé, la tuberculose qui gangrène le corps du yakuza semble être autant une métaphore de l'état du pays qu'une critique des codes d'honneur qui régissent encore ce monde et conduisent les gens à leur perte. Le héros de La Légende du grand judo devait apprendre à se défaire de son ego et celui de L'Ange ivre lui doit sa perte. Et Kurosawa de prendre bien soin de casser l'image du yakuza puissant. Ce qui commence comme un film noir étouffant (les bonnes vieilles ombres projetées de stores) et rigide (très peu de mouvement) vrille à la fin en drame et limite en horreur expressionniste (les plans débullés). Le metteur en scène affine d'ailleurs ses compositions de cadre en deep focus, disposant ses comédiens de façon à créer une sorte de triangulation où les rapports de forces sont immédiatement apparents.

Je mentirais si je disais que cela m'avait passionné tout le long mais le projet demeure fort.

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