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MessagePosté: 05 Nov 2013, 01:00 
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Pas de titre français, semble-t-il.
Les titres anglais circulent pas mal par contre : Out On The Great Ranch ou Out on the Big Ranch.

Image

Le propriétaire d'un vaste ranch et son ami d'enfance, le contremaître des lieux, tombent amoureux de la même jeune femme.


Je me répète, mais c'est quand même dingue la douceur et le calme du ciné mexicain classique. Au point que je me dis que ça vient en fait peut-être plus d'un trait culturel (que le cinéma n'aurait fait que "capturer") que d'une réelle identité de cette cinématographie - quand on voit la violence extrême qui résonne chez Reygadas ou Iñárritu, on hallucine du grand écart.

Encore une fois tout passe, entre deux morceaux de guitare qui font avaler la pilule de tout et n'importe quoi, et on se laisse porter. Pour retranscrire le suivi du film, ça donnerait un truc du style : "le fils du patron et le gamin des paysans vont devenir amiiiss, lalala" *petit morceau de guitare, sourires* "tient cette fille est merveilleuse, chantons la sérénade" *guitare* "aujourd'hui préparons une course de chevaux, je vais sans doute la gagner" *guitare* "tu peux violer ma fille adoptive si du me donnes du fric, lalala" --> ??!?

Bah le "??!?" on se le ressent à peine, en fait, tant tout conflit tend immédiatement à être désamorcé, tout dommage à être réparé ou apaisé, tout drame l'occasion de réaffirmer les amitiés... Dans quel autre cinéma la maladie de la jeune fille, et ses symptômes macabres qui résonnent comme autant de signes fatalistes, n'auraient aucune finalité tragique, et même aucune finalité dramatique tout court ? Tout baigne dans cette sorte de stase - non sans mélancolie douce-amère, non sans résignation (celle des amants potentiels, en premier lieu).

C'est pas aussi cristallisé que chez Fernández (où cette douceur face aux malheurs prendra une tournure presque acide, intenable), mais ça reste un des traits forts du films, dimension malsaine comprise. D'une, parce que cette acceptation du monde-tel-qu'il-est s'avère être le moyen de continuellement célébrer la pureté de la relation entre le bon patron (presque un saint) et son serf (reconnaissant, heureux de sa soumission) - et pas dans le sens que cela peut avoir dans la description des relations nobles-majordomes dans certaines peintures de la noblesse : c'est une vision politique (on fustige d'ailleurs le "communiste"), on chante la stabilité harmonieuse des traditions, un idéal de monde arrêté, figé dans son équilibre parfait. Et de deux, on sent que toute cette agressivité esquivée, réprimée, niée, doit à un moment où à un autre trouver échappatoire en élisant une figure magiquement fautive de tous les maux :

La mère adoptive qui finit par se prendre le coup dans la gueule que chacun a réprimé tout le film, accepté et acceptable parce qu'il remet le monde dans le bon ordre : l'homme peut taper sa femme (on le lui dit d'ailleurs : "rentre chez toi, frappe-la bien"), reprendre sa position, la remettre à sa place - et le monde est réparé.

Je kiffe ce spoiler que personne peut lire à part moi...


De plus, s'il prend incontestablement du coffre sur la longueur (après un début difficile, très "vide", qui sent encore le début tâtonnant du parlant), le film est miné par l'utilisation des chansons. Pourtant j'adore vraiment ça, dans les cinémas classiques que je redécouvre peu à peu (indiens, egyptiens...), cette évidence superbe d'avoir pensé que l'arrivé du parlant signifiait l'arrivée du chantant. Car au-delà de la présence de morceaux, on sent une tendance en ce sens : si ce cinéma est "chantant", c'est aussi et surtout au sens figuré (un cinéma qui peut s'arrêter pour contempler un visage ou écouter une musique, qui est volontiers rêveur, qui laisse s'épandre les sentiments, qui veut le bien de ses personnages et qui s'émerveille de leur entente, qui idéalise le monde ou qui essaie d'en apprécier les contours).

Sauf qu'ici, il y a quelque chose de plus roublard, de moins aimable : les chansons sont d'abord des "clips" importés dans le film, demandant soudain au spectateur de s'asseoir comme au cabaret et de les regarde s'enchaîner. Sans avoir pu vérifier, je suis quasiment sûr (par la façon dont ils sont filmés dans ces passages musicaux) que les acteurs principaux sont des stars de la musique exploitant leur image au cinéma, et que soudain dans ces passages le film se met à leur service. C'est assez désagréable (surtout quand le film se met en tête d'en enchaîner deux ou trois, insérant cela très artificiellement dans le drame), même si le morceau final (une sorte de battle où chacun doit inventer les paroles) renvoie de manière surprenante et intelligente ce petit show à la ligne narrative du film, pour en constituer l'évènement déclencheur de tout le dénouement.

Du très beau, du moins bon : ça vaut le coup de le voir, mais ça donne plutôt envie de voir ce que Fuentes a pu réaliser plus tard. Un extrait demain si j'ai le courage...



A propos de la copie : Il y a plusieurs DVD en circulation j'ai l'impression, notamment un aux USA sous-titré anglais. Il semble difficile de s'en procurer un (que ce soit légalement ou illégalement), et a priori il faut donc se rapatrier sur la copie DVDrip, par ailleurs difficilement trouvable. Sous-titres français inexistants, sous-titres anglais introuvables seuls - si vous en avez besoin demandez-moi.


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MessagePosté: 05 Nov 2013, 09:14 
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Schtroumpf sodomite
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Tom a écrit:
je me dis que ça vient en fait peut-être plus d'un trait culturel (que le cinéma n'aurait fait que "capturer") que d'une réelle identité de cette cinématographie


Je m'arrête parce que je trouve cette réflexion étrange : une identité cinématographique n'est-elle pas directement liée, pour ne pas dire la continuité, d'une culture ? En fait j'aurais bien du mal à les dissocier.

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MessagePosté: 05 Nov 2013, 09:37 
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Oui, mais j'ai quand-même toujours l'impression que cela passe par une redigestion, par l'émergence de codes, par des chemins moins littéraux (et moins facilement dénouables) qu'une simple reproduction. Pour prendre un exemple qu'on connaît tous mieux, le réalisme poétique (que je porte pourtant pas dans mon cœur...), à la même époque, se définit certes par ce qu'elle capture de son temps (la gouaille des dialogues, le sentiment de solidarité au sein de la classe ouvrière, l'esprit de déception des années front populaire...), mais surtout par la façon dont elle en traduit l'esprit (l'atmosphère poisseuse, un monde majoritairement nocturne, la fatalité délétère des scénarios, la claustrophobie de décors en studios...).

Ayant une idée moins précise de ce que peut être le Mexique en 1936, il m'est plus difficile d'opérer cette découpe. Ici j'ai un acteur au jeu apaisé, des conflits sociaux résolus calmement, des chansons d'époque (justement très "importées") : est-ce que ce cinéma n'est pas que le contenant, la photographie de l'époque, ou du moins de ses aspirations ? Est-ce que cette impression résulte vraiment d'une "forme" (d'une articulation entre signifiant et signifié) ?

Je pense que oui mais j'ai quelques doutes, il faudrait regarder les films de plus près (et en voir plus...)


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MessagePosté: 05 Nov 2013, 14:31 
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Hop, une scène où le contremaître vient chanter la sérénade pour son patron :



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MessagePosté: 05 Mar 2015, 18:00 
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