Julie Gresh a écrit:
Putain, sortez-moi de ce collège pourri où je vis depuis 10 ans et où je suis accueillie à 8h ce matin par des "Moi j'suis pour ceux qui l'ont tué", tenter l'éducation par la langue "Alors, raconte-moi, c'est qui ton "l'" ? parce que dans mes souvenirs récents, il faudrait un COD pluriel.." "Wesh ben l'autre là, Charlie". Tenter la discussion. Baisser les armes. Foutre dehors la plus virulente. Rester avec les autres. Projeter le documentaire d'Arte sur le difficile métier de caricaturiste avec des interviews venues d'Iran, des USA, d'Allemagne, de Palestine..Me faire limite insulter par un barbu prépubère qui me dit : "Ouais, Madame ça se fait pas ce que vous avez dit là" "Ah bon, quoi ?" "Ben qu'y a une meuf qui surfait avec Mahomet sur la vague, sur l'Coran ça s'fait pas" lorsque j'avais utilisé l'expression "surfer sur la vague" pour évoquer l'attitude des médias parfois. Entendre d'une gamine que j'adore, grande gueule et intelligente "Ben ouais, non, franchement, tuer ça se fait pas. Encore y aurait que ceux qui ont fait les dessins, j'dirais rien, mais là, y a les autres". "Ah bon ? Tu ne dirais rien ?" "Ben ouais, ils ont un peu poussé, quand même". "Mais Mariam, t'arrête pas de forcer (c'est leur nouvelle expression) toi, d'ouvrir ta grande bouche, faudrait que je vienne avec ma kalach ?" Sourire. Et l'autre, le prépubère qui revient à la charge : "On les prévient une fois, on met le feu, ils continuent, on les prévient encore ils continuent, après c'est leur choix. Tu veux pas comprendre, tu veux pas comprendre". D'autres d'acquiescer. Je n'abandonne pas, m'adresse aux filles les plus vives, et reprends l'argumentaire : Donc si je viens pour te demander de ne plus mettre un pied dans la rue et que tu y retournes ; que je reviens te menacer et que je te coupe les cheveux pour que tu comprennes et que tu y retournes. J'ai le droit de revenir te tuer ? Céder à la peur, subir le terrorisme. Mais le plus douloureux dans toute cette journée, c'est de me dire que mes élèves dont le potentiel irrévérencieux et humoristique n'est plus à prouver (ça ce sont les faits) dénient à l'humour, à l'irrévérence t au second degré le droit à l'existence (ça ce sont leurs dogmes). Même sensation lors de la confrontation de mes classes avec des nanas du centre Simone de Beauvoir venues parler égalité des sexes, documentaires à l'appui, femmes grévistes du Lip, ou interviews de jeunes filles enceintes enfermées dans des foyers et interdites d'avortement. Réaction féminine unanime : "Ouais Madame elles l'ont fait elles assument wesh, elles avaient qu'à pas". De rire en revoyant "L'homme orchestre" quand mes filles se mettent à chanter à tue tête avec Louis de Funes "Quand tu fais la la la la la, pense aux conséquences". Tenter deux chiffres en apprenti sociologue : âge du premier rapport sexuel en France : 16 ans ; âge de la première grossesse : 28. Alors les filles, on fait quoi pendant cette longue décennie ? Penser que ma grand-mère, au souvenir de sa vie mouvementée et libre, doit se retourner là où elle est devant tant de restriction de vie, d'interdits, de fermeture. Et demander ma mutation!
vu comment cette personne s'exprime, je n'aurais pas aimé l'avoir comme professeure.