Forum de FilmDeCulte

Londres, première guerre mondiale. Au cours d'un raid aérien, une prostituée rencontre un jeune soldat issu d'une famille riche. Celui-ci tombe éperdument amoureux, sans avoir compris la source des maigres revenus de son aimée...


Bon, ayant déjà vu la version 1940 de Leroy (version que j'aime beaucoup), c'est un peu impossible de regarder ce film sans constamment être entrain de faire la comparaison. Je suis étonné de le voir autant conspué face à son successeur : déjà parce que c'est absolument pas le même style, ni le même ton. Et aussi parce que ça tient tout à fait la route. C'est même beaucoup plus réveillé que la machine de guerre sur-huilée baignant dans le glamour MGM.

Whale prend en effet le parti de ne pas esquiver les cascades de textes de la pièce adaptée, et ne se sent pas gêné quand, en filmant longuement en plan large deux de ses acteurs discuter dix minutes, il risque de faire planer l'ombre du théâtre - surtout que le film n'a ni le lyrisme rêveur de la fin du muet, ni la carrure du glamour des années post-code, ni le relief de l'influence expressionniste qui marque le ciné de l'époque... il est très "cru" dans la forme, et par l'absence totale de gêne, il arrive paradoxalement à se défaire de toute résonance théâtrale.

La vivacité, Whale la retrouve en focalisant tout sur le jeu hyper-énergique de deux comédiens jeunes, un peu maladroits mais motivés, pas formatés. Et puis aussi par une mise en scène discrète mais assez saillante, toujours active et sur le vif (je pense à la scène où elle le rattrape dans l'escalier, le passage face au miroir...) apposant à cette histoire une approche assez acide, très "mature" (et pas que parce que c'est du pré-code), sans pour autant être cynique. Les personnages sont lucides et conscients, responsables ; même le jeune soldat naïf n'est jamais filmé comme un benêt éconduit, il fait avec ce qu'il a. Peut-être que je présente comme un style propre à Whale la tendance de toute une époque, mais j'ai presque l'impression que ça l'emmerde de faire tenir les ressorts d'un mélo sur la faiblesse d'un personnage pathétique et candide : tout le monde ici est aussi adulte et intelligent que possible. Malgré ses faiblesses, ça rend le film clair et limpide, et d'une certaine façon peu mélodramatique, au bout du compte.

Parce que oui, le film a des faiblesses, c'est pas la folie non plus quoi... On sent notamment que c'est assez cheap, tourné vite, que ce n'est pas la grande série A : ça a un côté "anecdote signifiante", quelque chose comme une mini-parabole. Le côté très ramassé et court (sur trois jours, le film file à toute vitesse) aide à faire passer la pilule d'une ambition pas monumentale, muant en "fable" une histoire qui pourrait très bien, via sa fin cash, suinter une morale limite. Bon complément à Frankenstein en tout cas.