Hop, pour les deux versions :
PLEIN ECRAN
Le sous-texte sur l’immigration (j’hallucine ou c’est à fond là-dessus ?) marche bien, avec ce fauconnier CRS et ces étourneaux maghrébins. Hum… j'exagère sans doute, mais le plan sur le flingue et l'insistance sur le camion du mec, y a un côté comme ça. Désolé si c'est pas l'intention.
C'est pas vraiment ma tasse de thé, y a un côté trop théorique et intellectuel, mais y a a plein d'idées qui me plaisent. Y a un côté très Streamside Day dans le film, cette nature faussement vierge, faussement idyllique (j'aime bien le pano très cliché sur la forêt avec une belle lumière…), où déjà quelque chose ne tourne pas rond. Le conflit homme / nature, urbain / rural, ça fonctionne très bien.
Je regrette que tu n'aies pas relié par le montage les deux espaces (nature/ville) avant qu'ils ne soient reliés dans une même image (y a une tentative comme ça au début mais qui ne marche pas, selon moi).
Y a un problème de durée, ou plutôt de montage : certains plans sont trop longs, d'autres courts, les ruptures que tu veux créer entre les plans sont parfois trop théoriques, trop intellectuelles, pas assez instinctives (j'aime l'envie, et c'est souvent réussi d'ailleurs, mais parfois ça fait trop "tiens je vais niquer les règles du cinéma", c'est un peu gratuit). Dans tous les cas, c'est parfois un peu trop gratuit et abscons, le mystère dans lequel baigne le film aurait mérité d'être mieux maîtrisé. Vu que c'est un peu un film fantastique (ou un film d'horreur / ou plutôt un film d'épouvante), il fallait mieux doser les effets, je pense...
Bon, je vais un peu dire point par point ce qui me plaît ou non :
Le second plan est vraiment mal cadré, trois fois trop long, même si j’apprécie l’idée de relier deux espaces par le smear.
Entre le 1er et le 4ème plan, il fallait vraiment qu’il se passe quelque chose (je parle pas d’une action ou quoique ce soit), que visuellement y ait quelque chose d’intéressant, une évolution, peut-être infime, mais tout de même… Là, les deux plans sur MK2 sont tous les deux mal cadrés, ne veulent rien dire, on ressent rien devant, et du coup au 4ème plan, celui du début, on à l’impression d’avoir loupé quelque chose. Si c’était l’arbre du 3ème plan, fallait mieux composer le cadre pour qu’on le remarque plus. Par exemple, pourquoi n’avoir pas mis le 5ème plan avant le quatrième ?
Ensuite, ce 4ème plan, ça me botte du feu de dieu, cette traînée d’avion qui suit le mouvement des voitures, qui vient relier les trois tours… Je sais plus qui a dit qu’on pourrait filmer un mur pendant 20 minutes, du moment qu’il y a une mouche dessus, on s’emmerdera pas, on la regardera (bon, je suis pas totalement d’accord, mais y a un peu de ça)… Y a de cette fascination dans ce plan. Ensuite, je me dis que pour ce cadre(qui revient plusieurs fois dans le film), peut-être que la voie de droite aurait suffit, ça aurait rendu ça plus étrange, comme si toutes les voitures allaient dans la même direction, sans fin. Je sais pas.
J’adooore le 5ème plan (c’est à la prise de vue ou sur After Effects que t’as fait ça ?), ce truc expressionniste à la Faust, l’ombre qui s’abat, ces arbres qui deviennent une masse noire informe… J’aime bon. Et ce type qui du coup se détache sur l’immeuble blanc, silhouette noire semblant peiner pour avancer.
J’aime bien la succession de plans sur les arbres, avec ce zoom étrange qui nous fait croire qu’il y a quelque chose de spécial à voir, alors que non, mais du coup on concentre notre attention, et on observe bien des détails, genre ces deux lignes obliques, humaines, qui sont en amorce d’un plan sur un arbre avec ses branches tordues. Ou l’apparition de deux constructions humaines à un arrière plan. Après, c'est beaucoup trop long et redondant.
J’aime bon la rupture au noir. J’aime pas bon l’apparition des oiseaux entrecoupés de plans noirs, je sais absolument pas ce que ça apporte. La disparition du son, hum, un peu facile. Par contre, le filmage est intéressant, jouant à fond la carte « caméra amateur », comme si un type avait filmé une catastrophe, type tsunami, et foutait ça sur youtube. Du coup, les oiseaux, outre la référence obligée à Hitchcock, deviennent presque un fléau naturel incontrôlable, qu’on ne sait pas comment filmer, comme si on vivait ça comme un attentat… jusqu’à ce que la caméra se calme, et que ça devienne beau, ces points qui parcourent l’écran comme des spermatozoïdes. Y a ensuite trente secondes sur les oiseaux vraiment magnifiques.
Je trouve la partie sur le fauconnier extrêmement réussie, même si y a des petits défauts de cadre. Mais la distance, le montage, ce qui se passe, tout fonctionne du feu de dieu, avec un gros pic pour le raccord ternaire entre le plan large sur le camion, le plan sur la buse, et le retour au plan large sur le camion. D’un coup, le plan se charge d’une menace, d’une violence froide, et surtout d’ambiguïté.
Et le fait que le plan ensuite continue d’exister, qu’on suive le mec en pano, qu’il fasse péter sa fusée, que les oiseaux mettent 3 secondes avant d’arriver SILENCIEUSEMENT dans le cadre, c’est vraiment du tout bon. Ca devient un film fantastique, plein d’absurde (y a un côté Samani là-dedans, dans cette lutte entre l’homme et la nature, sur l’homme et l’espace… un petit mélange entre le béton absurde de Sur la piste et de la violence cinégénique La Peau trouée). On dirait que le type est le dernier homme sur terre, abandonné à une mission absurde, avec comme seul compagnon un animal étrange. Il devient un personnage mythique (et je trouve du coup dommage le gros plan sur le flingue, je sais pas trop ce qu’il veut dire ni faire ressentir).
Voili voila, le titre, c'est marrant... je sais pas... fun, kitsch, euh... Bref.
SPLIT SCREEN
J’aime bien le rythme du tout début : les apparitions avec les pulsations de noir, le jeu sur le son qui se stratifie, les couleurs (chaud à gauche et à droite, froid au centre et en haut), l'aspect clinique de la vidéo-surveillance (toutes les caméras s'allument une à une).
Ensuite, y a une bonne minute vraiment chiante, le dispositif est installé, l’aspect contemplatif et froid se perd, d’où ennui.
J’aime bien que la seconde partie soit amenée par un zoom arrière, qui redonne de la vie et de la place au cinéaste. L’aspect « captation – vidéo surveillance – neutralité », disparaît, voici maintenant le point de vue là-sur cet espace qu'on vous a présenté préalablement (beaucoup trop longuement, mais je vais pas revenir là-dessus).
L’apocalypse, l’orage arrive, la nature reprend ses droits, se rebelle contre cette rigidité froide (de l'architecture, des cadres).
Ensuite, l’apparition des oiseaux et du mec, ça fonctionne pas. On sait pas où c’est, ce que c’est, ce qu’il faut regarder, et puis ça n’instaure aucun mystère ou dérèglement, c’est un peu foireux. Par exemple, le plan sur le camion, qui marche très bien dans la version plein écran, est ici très anecdotique.
Y a un passage que j’aime beaucoup, vers 2min50, avec les oiseaux à gauche et à droite sur un ciel froid, et au centre l’image fixe des immeubles sous un soleil couchant. C’est étrange, au lieu de créer du contraste, de l’incompatibilité, ça s’interpénètre, c’est harmonieux. D'ailleurs, tu dépasses dans les deux films un côté dialectique un peu facile qui opposerait trop schématiquement ville/nature, homme/animal, etc.
L’aspect « du matin au soir », je vois pas trop ce que ça apporte (alors que dans la version plein écran, c'est réussi, ça fait tragédie grecques, unité de lieu et de temps, avec un côté cyclique...)
Vu le côté casse-gueule du dispositif, y a pas mal de trucs qui marchent plutôt bien mais qui semblent un peu gratuits.
Par exemple, je capte pas trop les plans en contre plongée verticale sur les immeubles avec les amorces d’arbre, je sais pas ce qu’ils viennent foutre là, c’est le point de vue de qui ? ils sont pas très sentis, qui plus est, c’est pas franchement très bien filmé (en fait, dès qu’il y a trop de mouvement, c’est souvent pas très maîtrisé : quand tu farfouilles dans les arbres ou quand tu fais ces contre plongées, je vois un peu le but, mais c’est un peu scolaire dans la réalisation, dans le maniement de la caméra… en même temps, c’est long avant de savoir faire du Mekas avec une mini-DV !)
L’enchaînement pfioouuuu de la fusée, puis les trois plans sur le flingue, c’est bon, ça fait « peur », y a un côté surpuissant, et une sorte de répulsion – fascination qui fonctionne bien.
Bon, ensuite y a pas de fin.
Après, c’est pas ma came, les films – dispositifs, les films pour les galeries, mais y a vraiment des choses intéressantes dedans, et notamment un bon rythme, ce qui n’est pas facile quand on filme des arbres et des immeubles.
Voilà, ça fait un peu "+ et -", mais voilà...
Après, moi j'aimais bien ta fiction. Là c'est clairement plus maîtrisé, mais y a moins de prise de risque, moins d'implication personnelle. C'est plus froid, moins effervescent. Mais objectivement, c'est meilleur!