Stuck in COVID-19 lockdown, US comedian and musician Bo Burnham attempts to stay sane and happy by writing, shooting and performing a one-man comedy special.Bo Burnham a commencé à faire des vidéos YouTube à l'âge de 16 ans, en 2006, quand la plateforme venait tout juste de naître, enchaînant les chansons satiriques sur des sujets variés et politiques, avant de sortir un album et de passer au
stand up, tournant plusieurs
specials, diffusés sur Comedy Central ou Netflix, pour finalement arrêter suite à des crises d'angoisse survenues lors des tournées. Mais il avait encore un
special en lui.
Son parcours le prédestinait à ce que le hasard allait lui apporter. En mars 2020, Burnham commence à filmer des segments chez lui, dans une seule et unique pièce, avec lui-même pour seule équipe, et le tournage finira par dépasser de loin la durée du confinement, continuant jusqu'à la sortie du film en mai 2021. Et c'est absolument incroyable.
Je dis "film" et je poste la critique dans cette section précisément parce que l’œuvre dépasse le cadre du
comedy special classique - généralement un montage d'une heure à partir d'une captation d'un spectacle d'un soir devant un public - et s'avère un mélange de retour aux sources de la vidéo YouTube et de
performance art tissant une véritable narration sur la durée (1h27 pour plus d'un an de temps réel) avec une mise en scène pensée et millimétrée au cordeau. La forme redouble d'inventivité à la fois dans ses aspects les plus superficiels (variations de format pour singer Instagram ou une discussion FaceTime) et dans ce qu'il saisit de façon plus profonde, dans l'utilisation du décor, à la fois élément du quotidien car partie du domicile mais également une scène apprêtée pour les besoins de chaque séquence et enfin coulisses, le film basculant par moments fugaces dans du
making of.
Le brouillage des pistes entre réalité et fiction est inhérente au
stand up, où l'artiste joue un personnage qui reste avant tout une variation de lui-même, une exagération, une exacerbation, une excuse pour laisser le champ libre à ses pensées les plus inavouables, et
Inside embrasse à 4600% cette notion, explorant directement le fait de se mettre en scène. Je connaissais finalement assez peu le travail de Burnham mais dans le sympathique et touchant long métrage de fiction qu'il a écrit et réalisé, le
teen movie Eighth Grade, il suivait déjà un personnage qui faisait des vidéos YouTube et je découvre qu'il a également créé une sitcom sous forme de fauxcumentaire,
Zach Stone Is Gonna Be Famous, dans laquelle il jouait un jeune homme abandonnant la fac pour devenir célèbre, se faisant filmer dans ses jours
pre-fame.
Le passif de totale indépendance de Burnham lui a permis non seulement d'assurer seul la fabrication d'une telle entreprise mais l'a mené visiblement à vouloir également commenter sur cette époque, sur cette génération de
digital natives H24 en ligne et dans la représentation sur les réseaux. Comment s'afficher sur Instagram, comment exister sur Twitter, comment sextoter par iMessage, autant de réalités d'aujourd'hui qui donnent lieu à des chansons drôles et à des vérités cinglant les utilisateurs, lui le premier, comme pour ses blagues jadis problématiques. Burnham le fait toutefois avec une certaine dose de cynisme, montrant sa conscience du problème tout en épinglant la
white guilt et les SJW blancs qui se mettent en avant et ne parlent que d'eux lorsqu'ils veulent parler du monde et des autres.
On est face à une œuvre déconstructiviste. Le plus parlant à cet égard est sans doute le passage sur les
reaction videos dont l'approche récursive résume tout le film : une plongée vertigineuse
inside Bo Burnham, dans la mise en scène et le commentaire sur soi constant, avec cette pièce comme représentation de son esprit, partagé, tour à tour arrogant et dans l'auto-dépréciation, aliéné, poussé dans ses retranchements, dépressif, en roue libre, au fait des limites de son travail sur le monde et simultanément désespérément raccroché à son art pour survivre, tout en sachant que tout ceci finira en "contenu".
Est-ce que la comédie peut sauver le monde? Probablement pas. Mais elle a sûrement sauvé l'auteur.
J'en connaissais la réputation - superbes retours critiques, trois Emmy, un Grammy! le Peabody Award! - et elle n'est pas usurpée. C'est une des œuvres les plus stimulantes que j'ai vu ces dernières années.