Mon Festival de Cannes 2018
Il est venu le temps de mon auto-Festival de Cannes 2018 pour préparer au mieux le vrai Festival…. Toujours le même principe : s’imposer vingt films en respectant l’algorithme cannois avec quelques « vieilleries » que j’ai envie de voir depuis longtemps et des longs de réalisateurs qui ont été ou qui vont être sur la Croisette….
Et donc les vingt films retenus sont...
France Fatima de Philippe Faucon César du meilleur film en 2016, film très consensuel, très doux, très court aussi (plutôt un bon point ça), avec le beau sourire de Zita Hanrot pour illuminer la pellicule . Après, cela a le défaut de ses qualités : cette douceur et cette simplicité rendent le film parfois très didactique sur les intentions et je trouve la mise en scène extrêmement effacée au point que je ne me souviens d'aucun plan (hormis le dernier, très beau). 4/6
Mektoub, my Love : Canto Uno d’Abdellatif Kechiche Un sacré morceau de cinéma que le nouveau Kechiche, qui filme les vacances ensoleillées à Sète d'une poignée de jeunes dans un esprit Sea Sex and Sun (et Supertramp) comme l'utopie d'une France sans barrière sociale ni culturelle. C'est le premier volet d'une trilogie donc je suppose que cela va se compliquer par la suite, mais j'ai trouvé le film d'une beauté et d'une fausse simplicité renversante, et sans doute un autoportrait du cinéaste en jeune homme trop timide. Il y a des scènes magistrales (les scènes dans les cafés, notamment), d'autres que je trouve redondante et sur-filmé (la boite de nuit, les brebis). Pas mon Kechiche préféré (Vénus noire et La Vie d'Adèle) mais c'est une vraie expérience sensorielle. Je prévois par contre une levée de bouclier sur la façon dont il filme les culs (magnifiques) de ses actrices... 5/6
Métamorphoses de Christophe Honoré J'ai beaucoup de lacunes en Christophe Honoré que je me dois de rattraper. Bien aimé ces Métamorphoses, imparfaites mais audacieuses, inégales mais réjouissantes dans un contexte français où le naturalisme est roi. Il y a des choses vraiment belles (les transformations, le côté sexué du film, la photographie). 4/6
Les Rencontres d'après minuit de Yann Gonzalez Une vraie expérience comme on dit. Au début, j'ai eu très peur - jeu inégal des acteurs, scène nanar avec Béatrice Dalle - et puis progressivement la poésie et l'audace du film m'ont conquis - il y a quand même de belles échappées comme ce flashback moyenâgeux. La zik est démente aussi... 4/6
Europe
Taurus d’Alexsander Sokourov Le film qu'il me manquait de la tétralogie de Sokourov sur les tyrans. C'est une expérience, avec un travail extraordinaire sur l'image et le son. Après je connais mal l'histoire autour de la mort de Lénine si bien que les références m'ont manqué, surtout dans la première partie. L'acteur est extraordinaire, c'est déjà lui qui tenait le rôle de Hitler dans Moloch. Après j'ai trouvé ça assez aride (cela reste un film sur un homme fou qui va mourir). 4/6
Le Disciple de Kirill Serebrennikov C'est quelque chose... Le cinéma russe est vraiment l'un des plus passionnants du moment, la preuve avec cette brillante adaptation d'une pièce de théâtre au texte ciselé et à la dramaturgie implacable. C'est un peu "froid", mais brillant, avec un vrai questionnement sur la façon dont l'intégrisme envahit la sphère publique. 5/6
Mon XXè siècle d’Ildikó Enyedi Oh un Ovni. Caméra d'or du Festival de Cannes 1989, «Mon XXème siècle» est un surprenant conte en noir et blanc, visuellement splendide, qui révélait alors l'univers teinté d'absurdité de la réalisatrice Ildikó Enyedi. L'actrice est très belle, la narration totalement éclatée mais le résultat est très poétique. 4/6
La Femme du Vè de Pawel Pawlikowski Difficile de soupçonner la présence du réalisateur d'Ida derrière la caméra devant ce thriller banal au possible avec son twist improbable - au moins, Kiyoshi Kurosawa, quand il met en scène un mauvais scénario, l'atmosphère est démente. Il y a une partie du film relativement intrigante (ce qui tourne autour de Monsieur Monde, la jeune fille polonaise) mais le film l'oublie vite pour se recentrer sur la fameuse femme du Vème. Grosse déception. 1/6
Miele de Valeria Golino Premier film de Valeria Golino. J'aime beaucoup le début, avec l'introduction directe du personnage (Jasmine Trinca, parfaite bien sûr), l'acceptation de son business, son statut ambigu. Mais le récit s'enlise, fait du surplace, semble hésiter entre plusieurs pistes et finalement n'en conclut réellement qu'une (sur le goût de la vie), laissant son beau personnage solitaire en observatrice de la mort qui passe. 3/6
Asie Les Enfants de Belle Ville d’Asghar Farhadi Le deuxième film d'Asghar Farhadi. On y retrouve déjà son goût pour les dilemmes moraux, son sens du suspense et son questionnement sur la culpabilité. Après la mise en scène est plus figée que dans ses films suivants et j'ai été moins convaincu par la mécanique narrative que devant La Fête du feu et A propos d'Elly, ses deux meilleurs films pour moi. 3/6
Blade of Immortal de Takashi Miike De la triperie nippone un brin répétitive mais le duo fillette-yojimbo fonctionne bien. Cela tranche dans le vif avec toujours cette attirance de Miike pour les bras qui volent sous les coups de sabre et le nihilisme le plus total sur la nature humaine. Il a fait mieux mais aussi beaucoup moins bien. 3/6
Xiao Wu, Pickpocket Premier film de Jia Zhang Ke que j'avais toujours voulu voir. C'est une petite merveille d'écriture, avec des personnages que l'on aime immédiatement, ce portrait en creux de la Chine du milieu - ville moyenne de province, propagande d'Etat - et cette ligne de dialogue géniale (et si vraie). Un trafic de cigarette ? C'est le libre échange. Exploiter des filles dans un club ? C'est du show-business. Un grand premier film. 5/6
The Third Murder de Hirokazu Kore-Eda Hirokazu Kore-Eda s'essaie au film noir avec une intrigue un peu étirée inutilement mais très stimulante intellectuellement sur les questions du droit et de la justice (cela m'a rapppelé mes cours sur la philosophie du droit). Formellement c'est classe, il a toujours sa qualité d'écriture pour le portrait de l'avocat. Je me suis moins convaincu par le meurtrier, même si j'aime bien l'idée de la fausse coquille vide... 4/6
Senses de Ryosuke Hamaguchi Film fleuve de 5h17 multi-récompensé dans les festivals, «Happy Hour» du réalisateur japonais Ryusuke Hamaguchi est exploité en France comme une série-cinéma, en trois épisodes et sous un autre titre - «Senses». Que le spectateur-cinéphile ne s’y trompe pas, en une ou trois parties, le film reste une authentique merveille de sensibilité et de narration, une exploration de la condition féminine japonaise dont la longueur se justifie par le soin minutieux et nuancé apporté aux portraits des quatre héroïnes – et des maris qui les accompagnent. En entretien, le cinéaste cite l'oeuvre du regretté Edward Yang comme principale influence. Si les sujets sont très différents, on retrouve l'élégance de «Yi Yi» du maître taïwanais dans «Senses», avec cette même manière de laisser le temps se dilater lors des discussions familiales pour mieux voir la surface des affects se fissurer.
Comme le dit l'un des personnages du film, ce souci des détails même les plus triviaux permet de mieux comprendre les femmes et des hommes qui tentent de résister à l’usure des sentiments et se confrontent à l’incapacité de communiquer leur propre expérience de la vie. Si la mise en scène paraît discrète de prime abord, Ryusuke Hamaguchi, qui sera en compétition à Cannes cette année avec «Asako I et II», signe des plans magnifiques – les larmes de la douce Sakurako, la rencontre de Jun avec l’homme dont elle veut divorcer, filmée comme une scène de fantômes, ou encore la longue et magnifique séquence de la lecture publique, scène-pivot du film. 5/6
The Vilainess de Byeong-gil Jeong Les scènes d'action les plus démentes de l'année sont sud-coréennes, après c'est dommage que le scénario détruit tout. La narration est extrêmement confuse, se noie dans les clichés façon Nikita du pauvre et on s'ennuie un peu entre deux scènes d'action. Mais quand ça part, ça déboite sévère... 3/6
Et maintenant on va où de Nadine Labaki Bon, la fable, ce n'est pas le genre que je préfère au cinéma. Pas de surprise : le film m'a laissé plutôt de marbre, même si j'aime bien la dernière chanson, la sécheresse du film (1h30 c'est bien) et le côté feel good movie qui tourne au drame. Après, la parabole est bien appuyée et c'est "gentil" tout plein, ce qui pour moi est un "défaut". J'aime l'aspérité. 3/6
Les Enfants loups, Ame et Yuki Je l'avais assez honteusement raté à sa sortie. Rattrapé avant Cannes (j'ai interviewé Mamoru Hosada)... et j'ai suradoré. Plus que la simple beauté de l'histoire, de la narration, de l'animation, ce sont les idées de mise en scène qui m'ont impressionné comme le jeu avec les rideaux de la fenêtre lors de la scène de la tempête, la découverte de la neige, l'apparition du maître. Magique. 6/6
Amérique du Nord
Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve C'était le film que j'attendais le plus en 2017... avant de le manquer au cinéma pour X raisons.... et bien je le regrette aujourd'hui. J'ai trouvé ça éblouissant, aussi bien visuellement que thématiquement, c'est un peu la suite rêvée, qui ouvre en plus la voie à une trilogie d'anticipation presque unique dans l'histoire de la SF au cinéma. J'ai juste un petit regret sur le personnage de Jared Leto et quelques raccourcis de scénario (le LAPD, par ex). Mais c'est beau, c'est fort, c'est intelligent, c'est toujours "lisible", ça rend hommage à l'original tout en étant une vraie variation. Magistral. 5/6
The Rider de Chloé Zhao Beau film, qui confirme la douceur du regard de Chloe Zhao porté sur ses personnages, sa manière quasi documentaire de filmer les déclassés de l'Amérique d'aujourd'hui sans jamais forcer le trait. Il y a des très belles scènes, surtout celles avec son pote. 4/6
Da Sweet Blood of Jesus de Spike Lee Spike Lee en petite forme... Le générique est très sympa, il y a une thématique très "Get Out" assez intéressante, avec ce black bourgeois féru d'art africain mais c'est très très cheap dans la mise en scène, bancal dans le rythme, les scènes de cul on dirait un téléfilm de RTL9... 1/6
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