Et donc c'est fini ce jour... Sélection un peu inégale mais avec de beaux chocs à l'arrivée... -----------
FRANCE (2) Tehilim de Raphaël Nadjari Que devient Raphaël Nadjari ? Je comprends bien sûr le projet du film, questionner comment le religieux se mêle à l'intime et tente de répondre (ou pas) à la question du deuil. J'aime bien la relation entre les deux frères, le personnage très digne de la mère et aussi comment le film évite aussi la sur-dramatisation. Mais c'est peut-être sa limite. A force de ne pas montrer les émotions, le film en manque et tout reste trop en suspension pour vraiment ébranler. 3/6
Guy d’Alex Lutz Beau (petit) film dont je comprends le succès critique et public. J’avais un peu peur de la caricature à la Podium, mais le film croque avec tendresse ce vieux crooner et s’avère finalement très touchant. Alex Lutz est génial dans le rôle principal et si le dispositif du faux-reportage cadenasse un peu la mise en scène, elle permet aussi d’accepter les confidences face caméra. 4/6
ETATS-UNIS (5) Elvis de Baz Luhrmann Je ne connais d’Elvis Presley que la mythologie, Graceland, quelques tubes, le destin brisé… Si bien que j’étais assez vierge avant de découvrir le film, ce qui paradoxalement est un avantage. Là où je ne vois qu’un exercice de mimétisme dans la performance de Rami Malek dans Bohemian Rapsody, je trouve qu’Austin Butler apporte un charisme dingue à son personnage de rocker, et l’Oscar serait amplement mérité. Pour le reste, je ne suis pas un grand fan de Baz Luhrmann, mais l’ouverture du film - les 40 premières minutes même - c’est quand même quelque chose, sur le plan du montage, des idées de mise en scène, de l’énergie. Cela retombe ensuite, jusqu’à Las Vegas en fait. L’actrice qui joue Priscilla Presley a beaucoup de mal à exister à l’écran (la pauvre) et Tom Hanks en fait des caisses (pas aidé par le maquillage atroce qui le transforme en monstre-ogre de foire, c’est l’idée sans doute). Le dernier tiers est plus réussi, même si classique (il faut dire que l’histoire de la musique reproduit ad nauséam le même récit, celui de la jeune star vampirisée jusqu’à la mort par son Frankenstein). Mais comme Austin Butler a quelque chose de mélancolique dans le regard, il faut peu de scène pour que le destin tragique d’Elvis Presley existe. Plutôt une bonne surprise. 4/6
After Yang de Kogonada Bon, j'aime bien la SF minimaliste, mais là c'est vraiment hyper minimaliste. Dans le genre, j'ai préféré Sayonara de Fukada, plus incarné et tout simplement plus cinématographique. Là je vois trop le pitch à l'écran (et le côté Black Mirror featuring Malick featuring bougies parfurmées), ça manque totalement d'énergie. Surtout il y a un looooong couloir au milieu, où le héros va d'un atelier de réparation à un musée de robots, sans que l’on comprenne bien pourquoi. C'est dommage car la fin est touchante, que l'acteur qui joue le robot a quelque chose de vraiment énigmatique dans la voix, que j'aime bien certaines idées. 2/6
Limbo de John Sayles Curieuse carrière que celle de John Sayles, cinéaste qui a eu son heure de gloire dans les années 90-2000 avant d'être oublié, si bien que ses films sont introuvables en VOD. Ce Limbo, sélectionné en compétition à Cannes en 1999, n'est pas son meilleur, même si j'ai beaucoup aimé la première partie, quand il raconte simplement la vie d'une communauté en Alaska. L'histoire d'amour entre deux êtres cabossés par la vie est un peu sur-écrite, mais le duo d'acteurs fonctionne bien. J'ai plus de mal avec le dernier tiers, survival en nature hostile qui peine à prendre de l'ampleur. Un peu déçu, donc. 3/6
Abattoir V de George Roy Hill J’avais lu le livre il y a très longtemps. Je me souvenais surtout du concept narratif. La lecture de l’excellent roman graphique m’a donné envie de découvrir le film. Sa réputation culte n’est pas usurpée. Non seulement George Roy Hill - un des cinéastes les plus sous-estimés de l’histoire - a respecté le ton original du roman volontiers ironique et détaché, mais il signe aussi quelques gros morceaux de mise en scène - l’arrivée dans Dresde, le bombardement, cet absurde double-accident -, alternant les genres et les strates temporelles grâce au montage. Je regrette juste la vision du futur, un peu trop cheap peut-être (mais avec Valerie Perrine seins nus). Cela pourrait donner une série prodigieuse mais je me demande si c’est nécessaire… 5/6
Showing Up de Kelly Reichardt J'aime beaucoup le cinéma anti-spectaculaire de Kelly Reichardt, cette manière qu'elle a de dessiner des anti-héros si familiers. Petit projet en apparence, que ce portrait d’une artiste solitaire, qui ne parvient pas à prendre son envol (la métaphore du pigeon est un peu appuyée), prisonnière de sa situation familiale compliquée. Le plus beau, c’est la manière dont elle dépeint en aquarelliste, par petite touche, sans appuyer le trait, cette femme entre deux âges, seule dans sa création, avec un chat et une voisine artiste comme seule véritable compagnie. Bien sûr le contexte m'intéressait moins que celui First Cow, l'un de mes films contemporains préférés, mais sa petite musique continue de couler en moi. 4/6
EUROPE (8) Pacifiction d’Albert Serra Sans surprise, j’ai beaucoup aimé. J’aime le slow-cinéma, les propositions formelles et narratives nouvelles et j’adore Benoit Magimel… Et en plus, j’aime bien le cinéma d’Albert Serra, pas tout bien sûr - parfois ça casse - mais j’apprécie son audace, son originalité et surtout son ambition. Bref, tout était réuni pour moi. Le début m’a pourtant désorienté, je trouvais le ton surprenant, plutôt proche de L’année des requins que du sérieux de ses autres films. Mais plus le film avance, plus l’ivresse nostalgique m’a séduit, un peu comme une version de Twin Peaks dans les tropiques. Et à partir de l’incroyable scène de la vague, Pacifiction prend une dimension formelle hypnotique renversante qui m’a rappelé le cinéma d’Apichatpong Weerasethakul. Totalement ma came, donc. 5/6
La Conspiration du Caire de Tarik Saleh J'avais raté ce film à Cannes car je n'avais pas été convaincu par les précédents films de Tarik Saleh. J'ai eu tort. Dès l'arrivée au Caire, j'ai été captivé par ce monde décrit, religieux et corrompu, qui rappelle à la fois Le Nom de la rose et les films asiatiques que j'adore sur les cours impériales. Bien sûr, il faut accepter quelques "astuces" du récit pour arriver à la belle idée finale, mais j'ai été happé par le destin des personnages, le sens métaphorique, les acteurs aussi - j'adore Farès Farès. Cela manque peut-être juste d'un peu de "mise en scène", d'une bonne séquence de filature ou de paranoïa urbaine, mais bon, ce n'est pas le propos du film. Pour le coup, le prix du scénario de Cannes lui convenait parfaitement. 4/6
Babi Yar, context de Serguei Loznitsa J'aime beaucoup les documentaires de Sergei Loznitsa. Le sujet de ce dernier me faisait un peu peur : tout simplement l'un des plus grands massacres de civils de l'histoire de l'Humanité, celui de Babi Yar où plus de 30 000 juifs furent tués par balles en deux jours, des représailles absurdes et symboliques après une série d'explosions dans la ville de Kiev alors occupée par les Nazis. La force du documentaire est de nous expliquer sans voix off, effets superflus, la suite des événements - occupation, libération, résistance, exécution, libération, occupation, procès, exécution - comme un cercle sans fin où les juifs sont toujours les boucs-émissaires. Les images d'archives sont incroyables et l'on comprend pourquoi l'Ukraine a tout intérêt de couler tout ça sous un épais ciment et pourquoi Poutine agite le chiffon du nazisme pour justifier son intervention. Car oui, Hitler le libérateur était affiché sur les murs de Kiev avant d'être enlevé à la hâte. Et quand on se presse par milliers pour voir la pendaison des bourreaux nazis faits prisonniers, c'est aussi une manière d'expurger sa faute : n'avoir rien fait pour sauver les juifs en 1941. Je conseille même si ça donne la rage et la nausée. 4/6
Le Sel de la terre de Wim Wenders Un immense photographe, un grand homme... mais un documentaire trop scolaire, qui manque d'un vrai "angle". J'aurais préféré que Wenders se concentre sur un seul projet de Sebastiao Salgado, quitte à l'interroger un peu plus sur son esthétique si particulière et le débat qu'elle suscite. De ce survol d'une carrière et d'une vie, on retient finalement plus le projet personnel - redonner vie à une forêt condamnée - que la dimension monumentale de son travail de photographe. Un peu déçu. 3/6
Le Sourire de ma mère de Marco Bellocchio Je poursuis mon exploration de la filmo de Marco Bellocchio et mon auto-Festival de Cannes avec ce très beau film, portrait d'un homme qui refuse de se convertir au catholicisme et à la folie de sa famille qui veut faire de sa mère une sainte. Plus que ce pitch assez improbable, c'est une nouvelle fois la mise en scène qui impressionne - sublimes scènes d'intérieur, montage "flottant" qui enchaîne les tons et les registres entre le drame familial et la comédie inquiète. Sergio Castellitto est génial et l'utilisation de John Tavener divine. 5/6
Lovely Rita de Jessica Hausner Premier film de Jessica Hausner, émule de Michael Haneke dont le dernier film - Club Zero - sera en compétition à Cannes. Le film n'a pas encore la rigueur des suivants mais c'est presque tant mieux. Si la fin n'évite pas le choc attendu (hors champ), Jessica Hausner prend le temps de nous faire aimer son héroïne boudeuse, adolescente qui ne sait pas comment tromper son morne quotidien. C'est très bien écrit. 4/6
Le sacrifice d’Andrei Tarkovski - Je l’avais vu une première fois en VHS sur un tout petit écran. Bon, ce n’est pas encore au cinéma, mais disons que les conditions étaient meilleures… Et j'ai trouvé ça à la fois fascinant et inégal. J’adore le personnage d’Alexandre, la mise en scène, le côté désespéré, l’utilisation de la musique, petit garçon. Après je trouve que le film se perd un peu avec les personnages secondaires (le médecin, Valérie Mairesse), ce qui dilue la force du film avec parfois des tunnels de dialogue qui m'intéressent moins. Mais ça reste sacrément imposant et la dernière demi-heure est assez dingue. 5/6
En avant, jeunesse ! de Pedro Costa S'attaquer à Pedro Costa me faisait peur : j'avais fait une première tentative avec Ossos, il y a fort longtemps... Bon, c'est du cinéma à découvrir sur grand écran, sans avoir la possibilité de fuir. Car c'est très lent, avec une structure qui joue plus sur des boucles et des répétitions que sur une progression narrative. Pas sûr d'avoir réellement compris ce que le cinéaste voulait me dire - sauf de redonner une dignité mythologique à ces hommes (et ces femmes) qui vivent dans une grande misère. Sur le plan esthétique, c'est magnifique (la scène du musée, l'échappée en barque, comment il magnifique l'architecture du quartier) mais le geste reste trop radical et désincarné pour me convaincre totalement. 4/6
ASIE (2)
L’Aiguillon de la mort de Kōhei Oguri D’Oguri, je n’avais vu que La Forêt sans nom, beau film doux et d’une certaine lenteur… Rien à voir avec cet Aiguillon de la mort, Grand prix du jury au Festival de Cannes en 1990 (l’année de Sailor et Lula), drame conjugal d’une puissance rare - et à la mise en scène impressionnante. L’histoire d’un couple qui se déchire jusqu’à la folie dans le Japon de l’après-guerre. Il l’a trompée, elle ne le croira plus jamais et sous le regard des enfants le couple s’accuse et se détruit. Un peu comme chez son contemporain Imamura, ce qui surprend ici, c’est le mélange des genres, la férocité des sentiments, les scènes purement graphiques. Et le plan final fait mal. 5/6
Max mon amour de Nagisa Oshima - collection personnelle D'Oshima, j'aime surtout Furyo et Tabou. Bon, il est évident que Max mon amour est son projet le plus léger, dont le ton flegmatique doit beaucoup à Carrière. Ici, passé l'étonnement de la situation, le film déploie son pitch sans déplaisir mais sans trop de variation. Déçu. 3/6
AMERIQUE DU SUD (1) Madame Sata de Karim Ainouz Premier film de Karim Aïnouz, en compétition à Cannes cette année, portrait d'un travesti, symbole de l'émancipation des noirs au Brésil. Après une entrée en matière très intrigante, le film peine à prendre son envol dramatique, avec ses amants de passage, ses fous-rires forcés... Le dernier tiers est meilleur, quand notre héros devient Madame Sata dans le Pigalle local. Bien sûr, c'est aussi la description d'un Brésil hypocrite, avec ses riches blancs nantis qui veulent s'encanailler. 3/6
AFRIQUE (2) En attendant le bonheur d’Abderahmme Sissako Beau film d'Abderrahmane Sissako, sur des personnages en attente (du bonheur mais surtout d'un monde meilleur). Il faut un certain temps pour s'habituer au rythme lent de la narration et à ce côté vignettes un peu trop prononcé, mais quand le récit se recentre sur le jeune qui veut partir, le film dégage une vraie saudade. Impatient de découvrir son prochain à Cannes. 4/6
La Belle et la meute de Kaouther Ben Hania Le meilleur film de Kaouther Ben Hania que j'ai vu, la nuit en enfer d'une jeune Tunisienne violée par des policiers et qui tente de faire valoir ses droits... auprès de la police. Le tout en neuf plan-séquences efficaces qui font bien monter la tension, même si le scénario abuse parfois de faux suspenses à l'intérieur d'une scène. L'actrice Mariam Al Ferjani est une vraie révélation. 4/6
|