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MessagePosté: 11 Avr 2014, 16:27 
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A Rome le 6 mai 1938. Alors que tous les habitants de l'immeuble assistent au défilé du Duce Mussolini et d'Hitler, une mère de famille nombreuse et un homosexuel se rencontrent.

Image

Scola recrée la société italienne fasciste des années 30 au sein du microcosme d'une cour d'immeuble qui nous est présentée d'emblée à travers un travelling assez prodigieux. En un tour de caméra, Scola nous montre des grandes tours, ornées rigoureusement de draps aux motifs nazi, tournées les unes face aux autres et trouées d'une multitude de fenetres à travers lesquelles leurs habitants s'épient, se jugent et se surveillent.

Scola pose ce symbolisme un peu écrasant dès son premier plan donc, et nous met à l'épreuve dans les premières minutes du film de son environnement quasi-carcéral avec un sens du détail fordmidable, à travers notamment une seconde séquence où Antonietta réveille un par un ses enfants puis son mari de façon extremement ritualisées, les habillants, les nettoyants etc. En à peine un quart d'heure, tout est déjà planté: le décor, le contexte du film, la peinture de la famille d'Antonietta, la situation de la femme en Italie dans les années 30...

Une fois que l'immeuble se soit vidé et que tous ses habitants s'en vont voir l'arrivée d'Hitler à Rome, Scola se permet enfin de faire respirer son film, de prendre un peu de distance vis à vis de tout ce symbolisme, de le retourner, de jouer avec, et c'est ainsi au travers de l'une de ces fenêtre qu'Antonietta trouvera le temps d'une journée sa source d'émancipation.

Ensuite, c'est 1h30 de films qui se suivent comme dans des chaussons, grace à des Sophia Loren et Marcello Mastroianni un peu à contre emploi mais pas moins impeccables, et la mise en scène toujours aussi virtuose et pointilleuse de Scola (il s'appuie tout le temps sur un tas de petits détails, les habits de Gabriele, sa façon de moudre le café pendant qu'Andrietta se recoiffe, une meche de cheveu, les albums de photo, les angles de vue qui passent par la fenêtre, le travelling avant à la fin du film qui rentre dans l'appartement d'Andrietta, etc...).

Et puis au delà de ces qualités il y'a surtout la subitilité de signifier en 1977 l'écrasement des minorités sociales sous le régime fasciste, et de questionner directement ses spectateurs sur les séquelles qui existent encore à ce jour.

Après la très belle découverte de Nous nous sommes tant aimés l'année dernière, Scola c'est du tout bon pour le moment.

5/6

Next step: La Terrazza !


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MessagePosté: 11 Avr 2014, 22:52 
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T'oublies le titre français : Une journée particulière

J'avais posé une bafouille dans "Vos dernières visions" :

Citation:
Sujet en or, atmosphère de quartier libre marquante (le décor de l'immeuble est super bien exploité), et ce malgré le poids et l'oppression continues du film. Je trouve Scola aussi discret qu'efficace, frôlant le pédagogique/psychologique sans réellement y tomber. Un poil déçu par l'issue de la relation des deux personnages, mais globalement j'ai trouve ça très fort (premier Scola, j'aime beaucoup la sobriété apparente du style pourtant gorgé d'idées).


Avec le recul, je garde le souvenir d'un film qui avait tout pour que je l'adore (ce grand décor vide offert, comme si on offrait soudain à deux enfants la cour de récré pour eux tous seuls) et dont Scola fait quelque chose de moins pur, notamment dans la relation plus intime (et de ce fait, plus convenue) qui se noue entre les deux personnages. Souvenir mitigé.


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MessagePosté: 12 Avr 2014, 09:03 
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Tom a écrit:
T'oublies le titre français : Une journée particulière


Ouais c'est vrai que ce titre français ouvre sur pas mal de nouvelles perspectives ! :)


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MessagePosté: 12 Avr 2014, 09:13 
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Pour les moteurs de recherches, jeune insolent !


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MessagePosté: 12 Avr 2014, 14:39 
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En hachant mes échalotes tout à l'heure, j'ai repensé au film, et ça m'a frappé à quel point il est proche de Sur la route de Madison que j'ai découvert il y'a peu de temps également.

Le décor est totalement différent, mais sur le fond les deux films partagent plusieurs similitudes
(importance du rôle de la mère dans la structure familiale, besoin d'émancipation de la femme, rencontre éphèmre avec un étranger, adultère, séparation brutale etc.)
, ce qui est assez étonnant si l'on considère qu'Eastwood et Scola sont quand même deux cinéastes éloignés.


Dernière édition par Mickey Willis le 12 Avr 2014, 14:57, édité 1 fois.

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MessagePosté: 21 Avr 2014, 12:07 
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Tom a écrit:
T'oublies le titre français : Une journée particulière


Avec le recul, je garde le souvenir d'un film qui avait tout pour que je l'adore (ce grand décor vide offert, comme si on offrait soudain à deux enfants la cour de récré pour eux tous seuls) et dont Scola fait quelque chose de moins pur, notamment dans la relation plus intime (et de ce fait, plus convenue) qui se noue entre les deux personnages. Souvenir mitigé.


Ouais sauf que tes attentes par rapport au film, voilà quoi... Il s'agit bien d'adultes. Moins pur? Plus convenu? Qui décrète ça?


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MessagePosté: 21 Avr 2014, 12:10 
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Bien sûr qu'il s'agit de mes attentes par rapport aux films - ou plus précisément, par rapport à ce que le film a commencé à construire (qui décrète ça ? bah moi, faut pas aller chercher midi à 14h), mais si je te suis bien, "adultes" = "ils baisent" ? Forcément ? (damn, In the mood for love, quel film de gamins)

Je sais, dans In the mood for love y a de fortes chances qu'ils aient baisé...


Je dis pas que c'est "mal", mais que ça change la trajectoire des personnages, que ça construit une autre relation, qui du coup fonctionne autrement avec le cadre historique, que ça raconte une autre histoire, etc.


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MessagePosté: 21 Avr 2014, 12:17 
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Je ne sais pas, on pourrait dire plusieurs choses à la fois, parler de pureté et d'enfant semble déjà engager un point de vue moralisateur qui m'embête.
La scène en question, néanmoins, est embarrassante parce que Mastroianni semble y participer à distance (il est homosexuel). Il y a quelque chose de compliqué plus qu'impur dans cette scène, qui est intéressant.
Sophia Loren est sublime dans le film.


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MessagePosté: 21 Avr 2014, 12:20 
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D'enfant ? Quel enfant ?
Quand je parle de pureté, je l'entend pas au sens "sexe = impur", mais dans le sens d'une relation teintée de revirements, d’ambiguïtés, de projections réciproques (en gros, une relation purement sexuelle aurait été toute aussi "pure" qu'une relation de pure camaraderie). Je trouve qu'en faisant de Mastroianni non pas le compagnon libérateur d'un jour, mais le substitut illusoire d'un mari de merde, le film fait quelque chose de moins beau et de moins parlant concernant cette relation entre deux proscrits au milieu de ce contexte si particulier, même si on peut sans doute juger ça plus fin et complexe psychologiquement.


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MessagePosté: 21 Avr 2014, 12:33 
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Tom a écrit:
(ce grand décor vide offert, comme si on offrait soudain à deux enfants la cour de récré pour eux tous seuls)


Pardon, "enfants", oui mais il ne s'agit pas d'Elvira Madigan ou de A Swedish Love Story (qui sont tous les deux des films que je n'ai pas vus donc peut-être complètement différents de ce que j'en imagine).
Jamais le film n'est angélique et le personnage de Loren est toujours présenté plus ou moins comme une conne. A la fin, on s'aperçoit que Mastroianni s'en fout un peu d'elle, si je me souviens bien. Il a ce côté autiste pendant tout le film d'ailleurs.

Citation:
Je trouve qu'en faisant de Mastroianni non pas le compagnon libérateur d'un jour, mais le substitut illusoire d'un mari de merde

Je ne suis pas d'accord avec ça. D'un côté comme de l'autre, ça me paraît trop tranché, comme définitions.


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MessagePosté: 22 Avr 2014, 22:24 
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Bah du coup pour moi le côté pur / impur du film, c'est plus au niveau du dispositif et de la mise en scène que je le ressens.. D'un côté on se rend de compte une fois encore qu'une cour d'immeuble, c'est quand même follement cinégénique (d'autant plus quand elle est presque vide), et tout tends les bras à de nombreuse reprise au fameux "boy meets girls" qui se laisse tourner tout seul en plein évidence , alors même que plane cette menace du lourdement démonstratif en pilote automatique : une ménagère esseulée et un homosexuel sous Bénito joués par deux stars mythique (oui je spoile, on se fiche visiblement depuis le début du topic que c'est une sorte de twist, hum...).

On est tout prêt à bouffer de ce boy meets girl qui peut tout à priori, avec cette illusion d'évidence que peut apporter le cinéma, sa capacité de croyance... mais plus que le poids du passé romantique d'un Madison, c'est la dimension grotesque, la comédie permanente du fascisme souriant et écrasant qui nous est rappelé tout le temps ici, avec cette photo délavée sans nuance (si ce n'est la scène des draps justement, plus chaude ou c'était la copie pourrie sur OCS?), sa parade en bande-son qui semble totalement artificielle... C'est à la fois très peu finaud, et en même temps, ça semble aussi cacher quelque chose effectivement
(la fin assez opaque retourne cette illusion d'"évidence" du mouvement cinématographique vers quelque chose qui sent "la bête", ammène à elle : une ombre qui envahit l'écran, la lumière éteinte dans laquelle se change une dernière fois Loren)

Bon sinon Mastroianni là dedans ressemble plus que jamais à Mitterrand, c'est perturbant


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MessagePosté: 23 Avr 2014, 10:23 
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Mais le film t'a plu? parce que l'avis me semble mitigé.


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MessagePosté: 23 Avr 2014, 12:01 
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Bah mitigé c'est le mot! Le film a une indéniable force même si j'ai été tour à tour à fond ou très extérieur à ce qu'il propose...


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MessagePosté: 12 Avr 2015, 17:10 
Au début le film m’a agacé par son côté rétro et ses afféteries de mises en scènes. J’ai eu l’impression que les documents d’archives sur la visite d’Hitler servaient juste à conférer une patine vériste au film, et à faire oublier le contraste avec des psychologies des personnages fortement typées, de manière artificielles et symboliques où
-le père et chacun des enfants ont un âge qui correspond à une attitude moral différentes face au fascisme, et toute la décoration de l’appartement de Sophia Loren est constituée d’accessoires représentatifs étudiés pour restituer une atmosphère, un peu comme une pièce de musée,
La mise en scène m’a semblé trop sophistiquée, donnant l’impression de vouloir donner au spectateur pour son argent (un plaisir voyeuriste de regarder Sophia Loren –il est vrai excellente- jouer à la ménagère lambda et paumée), en monopolisant tous les régimes visuels du cinéma d’auteur : on à la fois un film de Kubrick et de Pialat, ainsi on rentre d’abord dans l’appartement de Loren par un mouvement de caméra venu de la cour qui est la réplique en sens inverse du morceau de bravoure de « Profession Reporter », mais quand plus tard quand elle passera le balais , elle sera suivie caméra à l’épaule, ce qui apparaît alors comme la de fausse simplicité : quelle est alors la nécessite de ce « bougé », qu’essaye t’ il de capturer, vu que ce naturalisme a été conditionné par un mouvement de caméra hyper-sophistiqué et visible? J’étais aussi agacé par le traitement des couleurs : plus le rapport entre Loren et Mastroianni devient intime, plus l’image est sans contraste et sépia, comme s’il s’agissait projeter les personnages dans l’album photo de Loren où le visage de Mussolini remplace celui des membres de sa famille.

Mais j’ai apprécié la fin du film : alors qu’il aurait été facile de faire du malentendu amoureux une métaphore de l’impuissance et de l’isolement des consciences dans le fascisme, le rapport sexuel est finalement réel, consommé et problématique. Le personnage de Loren n’est pas idiote, le passage où elle lit les 3 Mousquetaires est très beau, elle comprend que Mastroianni est le seul à qui elle peut avouer qu’elle ne croit pas en grand-chose, ne jouit de rien (sauf du regard du Duce), et se sent rabaissée par l’ordre qui lui assigne sa place et ses opinions, et même ses désirs. Je ne crois pas que Mastroianni est indifférent à elle : la saluer au moment où il se fait arrêter la compromettrait gravement (réduire cette prudence à de la misanthropie annule le contexte politique du film). Il y aussi deux formes de mini-twist assez crédible, évidents et en même temps impossibles à déduire du récit (qui reposent sur le fait que Mastroianni ment et ne veut pas avouer qu’il s’est fait virer de la radio) :
- ce n’est pas parce qu’il n’assume pas sa sexualité et une rupture amoureuse comme on le pense d’abord que Mastroianni veut se suicider, mais parce qu’il sait qu’il est finalement condamné lui-même à être déporté (voire sans doute assassiné), et qu’il est finalement plus franchement anti-fasciste et politisé que ne le laisse supposer son attitude de dandy nonchalant.
-Loren est immédiatement tombée amoureuse de Mastroianni, ce n’est pas le décalage et la mise en scène de sa fausse légèreté qui l’ont séduit, mais quelque chose de plus immédiat et physique

Le moment où le film devient bon, c’est quand Loren l’interroge sur la voix omniprésente du speaker qui commente la visite d’Hitler : « et lui c’est votre collègue après tout » et qu’il répond « oh lui, c’est un brave homme, il ne lui viendrait jamais à l’esprit de douter ». C’est son mensonge qui lui permet justement d’être compris Le film a je crois une lecture psychanalytique du fascisme, avec ses forces et ses limites. Finalement -la visite d’Hitler et Mussolini est elle-même, secrètement le récit grotesque d’un accouplement ou d’une parade nuptiale « contre nature », mais dissimulé et virilisé sous forme de parade publique. Hitler et Mussolini se livrent dans le hors-champs à véritable parade amoureuse commentée en direct, et décevante. Le climax de la parade correspond exactement au moment où Loren et Mastroianni font l’amour (scène ratée, mais idée juste). Ce qui est bien vu c’est qu’après qu’ils aient couchés ensemble, la voix du speaker cesse, comme s’il leur fallait passer par le sexe pour la faire taire. Cette voix du speaker passant en revue les légions et les centuries, c’est aussi la voix de l’inconscient, qui énonce des désirs et des interdits sexuels (c’est à dire des positions, à la fois physiques, sexuelles et sociales), mais ne peut rien dire d’autre.
A la fin Sophia Loren reste surveillée par l’appartement vide de celui qui aurait pu être un amant, et ne peut lire que sous sa fenêtre (sa chambre ne lui appartient pas, c'est un lieu fonctionnel où son mari plannifie leur vie sexuelle): le fait d’être exposé à un regard continue malgré l’absence.
A la fin les personnages acquièrent une conscience politique mais leur vie privée est quand-même anéantie, parce que ce qui est de l’ordre du regard, de l’espace intime n’est pas modifié par le fascisme, fonctionne et continuera à fonctionner de la même manière en dehors et à l’extérieur de la discipline et de l’idéologie fasciste. Mais cette lecture psychanalytique ne laisse au personnage la possibilité de refuser le fascisme qu’en en développant le sens, peut-être parce qu’il est pensé comme une forme d’altérité psychologique, et pas comme un système politique.


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MessagePosté: 13 Avr 2015, 14:58 
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Je vais faire une infraction à la règle que je m'étais dictée, à savoir me tenir à l'écart de ce forum, dans la mesure où j'avais adoré ce film quand je l'ai vu il y a un ou deux ans;

Gontrand a écrit:
Au début le film m’a agacé par son côté rétro et ses afféteries de mises en scènes. J’ai eu l’impression que les documents d’archives sur la visite d’Hitler servaient juste à conférer une patine vériste au film.

Est-ce un motif d'agacement suffisant? Relax, comme on dit.

Gontrand a écrit:
Au début le film m’a agacé par son côté rétro et ses afféteries de mises en scènes. J’ai eu l’impression que les documents d’archives sur la visite d’Hitler servaient juste à conférer une patine vériste au film, et à faire oublier le contraste avec des psychologies des personnages fortement typées, de manière artificielles et symboliques où
-le père et chacun des enfants ont un âge qui correspond à une attitude moral différentes face au fascisme, et toute la décoration de l’appartement de Sophia Loren est constituée d’accessoires représentatifs étudiés pour restituer une atmosphère, un peu comme une pièce de musée,
La mise en scène m’a semblé trop sophistiquée, donnant l’impression de vouloir donner au spectateur pour son argent (un plaisir voyeuriste de regarder Sophia Loren –il est vrai excellente- jouer à la ménagère lambda et paumée), en monopolisant tous les régimes visuels du cinéma d’auteur : on à la fois un film de Kubrick et de Pialat, ainsi on rentre d’abord dans l’appartement de Loren par un mouvement de caméra venu de la cour qui est la réplique en sens inverse du morceau de bravoure de « Profession Reporter », mais quand plus tard quand elle passera le balais , elle sera suivie caméra à l’épaule, ce qui apparaît alors comme la de fausse simplicité : quelle est alors la nécessite de ce « bougé », qu’essaye t’ il de capturer, vu que ce naturalisme a été conditionné par un mouvement de caméra hyper-sophistiqué et visible? J’étais aussi agacé par le traitement des couleurs : plus le rapport entre Loren et Mastroianni devient intime, plus l’image est sans contraste et sépia, comme s’il s’agissait projeter les personnages dans l’album photo de Loren où le visage de Mussolini remplace celui des membres de sa famille.


Beaucoup de projections encore dans tout ça. Certes Sophia Loren (et Mastroianni) sont à contre-emploi, mais est-ce une raison pour s'en agacer encore une fois? C'est fou ce que la vision d'un film peut être polluée par des considérations extérieures, voire imaginaires et hors de propos.
Énormément de surinterpétation sinon, notamment dans cette manière de raisonner en "régimes visuels".


Gontrand a écrit:
Mais j’ai apprécié la fin du film : alors qu’il aurait été facile de faire du malentendu amoureux une métaphore de l’impuissance et de l’isolement des consciences dans le fascisme


Le film est loin de ça en effet.

Gontrand a écrit:
Le personnage de Loren n’est pas idiote


Je ne me souviens plus assez du film mais pour moi, il est évident que Mastroianni la considère, avec une sorte de condescendance amusée, un peu comme une idiote. Cela n'empêche pas forcément la sympathie, pas plus que ça ne veut dire qu'elle est idiote.
Kael critique la condescendance du film d'ailleurs, alors que pour moi, le film a le mérite de la présenter.

Gontrand a écrit:
Je ne crois pas que Mastroianni est indifférent à elle.


Indifférent à elle, certainement pas, mais disons que l'intérêt qu'il y prend est circonstanciel et contingent (même s'il y entre un peu de la fatalité de son emprisonnement prochain). En d'autres circonstances, il n'aurait pas pris son numéro.

Gontrand a écrit:
- ce n’est pas parce qu’il n’assume pas sa sexualité et une rupture amoureuse comme on le pense d’abord que Mastroianni veut se suicider, mais parce qu’il sait qu’il est finalement condamné lui-même à être déporté (voire sans doute assassiné), et qu’il est finalement plus franchement anti-fasciste et politisé que ne le laisse supposer son attitude de dandy nonchalant.


Pas sûr, après c'est une grande qualité du film de rester finalement assez suggestif, et ce malgré les reproches de lourdeur et de symbolisme qu'on a pu lui faire (Kael n'avait pas beaucoup aimé le film si je me souviens bien mais bon l'avis qu'elle en donne, après relecture, est vraiment con).

Gontrand a écrit:
-Loren est immédiatement tombée amoureuse de Mastroianni, ce n’est pas le décalage et la mise en scène de sa fausse légèreté qui l’ont séduit, mais quelque chose de plus immédiat et physique.


Là encore, je ne serais pas aussi affirmatif. Quand elle couche avec Mastroianni, on voit bien qu'il y entre un peu d'orgueil de la femme qui a su faire bander un homosexuel. Il faut sinon voir comment la scène est filmée (de manière un peu perturbante), entre l'espèce de libération de Loren et la passivité de Mastroianni.

Gontrand a écrit:
A la fin les personnages acquièrent une conscience politique mais leur vie privée est quand-même anéantie, parce que ce qui est de l’ordre du regard, de l’espace intime n’est pas modifié par le fascisme, fonctionne et continuera à fonctionner de la même manière en dehors et à l’extérieur de la discipline et de l’idéologie fasciste. Mais cette lecture psychanalytique ne laisse au personnage la possibilité de refuser le fascisme qu’en en développant le sens, peut-être parce qu’il est pensé comme une forme d’altérité psychologique, et pas comme un système politique.


Bien! Tu finis par expliquer de manière très compliquée des idées très simples :wink:


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