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MessagePosté: 23 Sep 2012, 11:12 
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Vale Abraão en VO.

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Sur les bords du Douro, dans la propriété du Romesal, Ema, une adolescente de 14 ans, est élevée par son père. Bien que claudicante en raison d'une maladie infantile, elle découvre auprès des ouvriers que le regard des hommes sur elle n'est pas innocent...


J'ai passé la première heure super enthousiaste, avec l'impression très nette d'avoir devant moi un grand film, une fresque immense sur le romantisme et son entrée dans le XXème siècle. Si le film a des proportions mastodontes (trois heures, tout de même), et la largeur de vue qui va avec (la vaste unité de lieu du val dont on ne sort pas, la transformation continuelle de son héroïne et de l'époque, les ellipses maousses), Oliveira n'en adopte pas les habits (ceux d'un film conscient de sa disproportion, boursoufflé) : il reste très sobre, très simple, très doux. La meilleure incarnation de cette douceur est la façon dont est agencée la voix-off du narrateur, et dont l'image semble lui réagir : soit par pur didactisme (la voix évoque la réaction d'un personnage > on contemple cette réaction), soit par indifférence (la voix évoque un évènement, la caméra peut déjà s'intéresser à autre chose, à un élément annexe). Cet emboîtement nous pose à la fois un pied dans le présent du récit (les gestes et pensées qu'on commente dans le détail, qu'on donne à observer) et un autre dans la grande histoire (que la voix parcourt à grandes enjambées). Cette distance double aux évènements, délicate, peut nous faire explorer l'expression d'un visage pour soudain sauter trois ans plus tard dans le récit : on navigue tranquillement entre les tourments d'un personnages et ceux de son siècle, entre une histoire intime une vision millénaire des rapports hommes-femmes. Cela s'agence comme un ballet. Cet emboîtement est la plus belle idée d'un film simple et imposant à la fois.

Malheureusement, au fur et à mesure que son personnage se désillusionne, le film perd de sa belle unité. Cette course calme à travers le temps s'arrête de plus en plus sur des scènes pleines et isolées, aux discussions assez barbantes (fallait voir le soulagement général de la salle quand le docteur balance le chat à travers la pièce pour faire taire un invité...). J'ai l'impression qu'Oliveira perd sa capacité à nous parler du siècle et de son pays à travers les circonvolutions de son film, et qu'il doit alors se mettre à en parler à travers la bouche de ses personnages. Plus généralement, comme beaucoup d'autres grandes fresques (jusqu'à Autant en emporte le vent, pour prendre un exemple diamétralement opposé), j'ai l'impression que le film est incapable de trouver une forme (une temporalité, un rythme, une imagerie) à sa deuxième partie, à l'étape de la décadence et de la dégradation : de trouver, en somme, quelque chose qui puisse rivaliser en puissance avec la beauté de l'âge d'or premier (ici, la virginité au domaine) qu'il a d'abord mis en scène. Seules les transformations physiques de l'héroïne, qui dessinent une progression morbide puis clinique, parvient à dessiner un trajet clair - mais le reste ne suit pas, ou trop confusément. Oliveira a le spectateur à l'épuisement, à force d'impuissance : le film semble simplement éteindre un à un tous ses feux, et l'ennui de cette Bovary moderne devient aussi le nôtre. Et quand arrive la fin annoncée, désespérément petite et menue par rapport à tout ce qui a pu précéder, on a l'impression que le film a battu en retraite depuis un bon bout de temps.

A voir, quand même, ne serait-ce que pour la première partie sublime, et pour l'exploration de ce décor à qui le film donne des allures de lieu mythologique.



(J'en profite pour noter que, pour avoir feuilleté le DVD (pourtant pas dégueu) après avoir vu le film en salle, on y retrouve absolument pas la richesse et l'intelligence de la photographie. Le film y perd vraiment une de ses caractéristiques fondamentales. Essayez, si c'est possible, de voir la copie 35 - ou de militer pour un blu-ray, ouééééé.)


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MessagePosté: 23 Sep 2012, 20:17 
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Comme pour toutes les adaptations de Madame Bovary, je me suis endormi. Je sais pas ce que j'ai avec cette histoire...
Mais j'ai le souvenir qu'en effet, la seconde moitié est moins palpitante.

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MessagePosté: 23 Sep 2012, 22:22 
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Tetsuo a écrit:
Comme pour toutes les adaptations de Madame Bovary, je me suis endormi. Je sais pas ce que j'ai avec cette histoire...

Bah en même temps, à la base, c'est un peu l'histoire d'une fille qui se fait chier.


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MessagePosté: 23 Sep 2012, 22:51 
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MessagePosté: 13 Aoû 2024, 22:27 
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Profitant qu’il ressorte au cinéma, je suis allé voir ce film de trois heures vingt, le trouvant bien moins ennuyeux que ce à quoi je m’attendais.
Mais…
Déjà la Sonate au Clair de Lune et le Clair de Lune qu’on entend ad libitum tapent un sur les nerfs.
Puis l’on reconnaît au film une forme de maîtrise mais à laquelle il manque peut-être une forme de génie, d’irrévérence.
Le film est une adaptation libre de Mme Bovary : l’héroïne se nomme Ema, son mari Carlos, et la référence est citée explicitement ; l’héroïne qui a lu, puis relu au cours du film le roman se sait comparée à l’héroïne de Flaubert.
Oliveira le passe au tamis d’une sensibilité à la Thomas Mann, ou Vienne de la Sécession transposée au Portugal : tout respire les dernières flammes d’un luxe d’antan, aristocratique, qui renvoie le film dans une espèce d’atemporalité. Il y a un discours féministe dedans, avec une citation bateau de Beauvoir, une autre en référence au Orlando de Woolf, même une critique de classe, ainsi que de l’oisiveté et l’ennui où sont tenues de belles bourgeoises qui errent sans but à travers l’existence. Le film gagne plutôt en profondeur à mesure qu’il avance, et ses discussions, façon romans à idées, pleines d’apories permettent qu’on s’y abîme mais sans jamais que ça frétille vraiment. Il y a aussi un bel érotisme, une forme de franchise sexuelle mais pareil, ça reste hiératique. En un mot j’ai du mal avec un film de 1993, qui semble se passer dans les années 80, et qui semble maintenir aussi à distance l’époque - même si on la voit poindre notamment dans les changements de tenues d’Emma.
(Leonor Silveira, sublime dans le film, même si bon, ce genre de considération me laisse aujourd'hui de marbre, a depuis pris cher, comme on dit élégamment).

De manière inhabituelle, le roman inspiré de Madame Bovary fut d'abord écrit par Agustina Bessa Luís à la demande de Manoel de Oliveira, avant qu'il ne l'adapte dans la foulée.


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