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 Sujet du message: L’aveu (Costa-Gavras, 1970)
MessagePosté: 21 Jan 2021, 22:18 
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À Prague, en 1951, un haut responsable politique tchécoslovaque se retrouve accusé d'espionnage au profit des États-Unis.


Dans les Costa-gavras vus cette année, c'est assurément mon préféré et je ne m'attendais pas à une telle claque. Je le place un cran au-dessus de Z, que certains considèrent comme son meilleur film, pour dire l'estime que j'ai pour cette intense description des purges communistes qu'est L'aveu. Sur le sujet, c'est clairement le film ultime et Gavras n'a pas à rajouter de l'humour, comme dans Z, pour pointer l'absurdité que va constituer ces mascarades d'enquêtes et de procès politiques tellement la réalité est hallucinante et glaçante. En parlant d'humour, il y a une scène géniale dans le procès qui, autre part serait de l'humour graveleux (un accusé perd son futal et se retrouve fesses à l'air dans le tribunal), mais qui là par les réactions des accusés est formidable d'humanité. La manière dont Gavras montre le refuge dans le rire que trouvent des hommes torturés pendant de longs mois, et qui ont été détruits mentalement par la répression communiste, est condensée en quelques secondes de manière remarquable.

Les scènes transcendantes de ce type, Gavras les enchaine dans sa seconde partie consacrée au procès. Il faut voir tous les moments avec Simone Signoret qui sont assez courts mais intenses comme ce moment où les deux amies femmes préparent les complets de leurs maris à la demande du parti, croyant avec joie qu'on va les libérer ce soir alors que c'est juste pour faire bonne figure à leur procès. Bref plein de moments géniaux qui bénéficient de l'écriture de Jorge Semprun. L'énorme réussite du film est surtout comment Gavras arrive à nous immerger dans ce théâtre macabre politique et faire vivre les mécanismes inhumains de ces purges. Toute la première partie qui montre l'extorsion des aveux, l'évolution de Montand qui va progressivement devenir un zombie totalement lessivé, est exemplaire. L'acteur est d'ailleurs formidable. Tout le récit de Semprun est ici magnifié par la mise en scène de Gavras. Sur ce plan, le cinéaste est inspiré comme rarement. Il faut voir cet arrêt sur image sur la nuque du secrétaire du parti et toute cette fin du printemps de Prague avec une brillante insertion des archives. Comme dirait l'autre "Lénine reviens, ils sont devenus fous".

6/6


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MessagePosté: 21 Jan 2021, 22:36 
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Le meilleur de Gavras, et le bouquin est tout aussi bon. J’adore notamment la scène filmée de manière très neutre, où les agents de la StB disperse les cendres des corps sur la route enneigée pour pouvoir avancer (anecdote authentique en plus). Un film extraordinaire.

_________________
Que lire cet hiver ?
Bien sûr, nous eûmes des orages, 168 pages, 14.00€ (Commander)
La Vie brève de Jan Palach, 192 pages, 16.50€ (Commander)


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MessagePosté: 21 Jan 2021, 22:45 
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Cosmo a écrit:
J’adore notamment la scène filmée de manière très neutre, où les agents de la StB disperse les cendres des corps sur la route enneigée pour pouvoir avancer (anecdote authentique en plus)
Le meilleur c'est quand cette scène est réutilisée en insert avec tous les éclats de rire des condamnés. Et puis la blague pourrie du conducteur :mrgreen:


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MessagePosté: 21 Jan 2021, 23:18 
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Pas trop Costa-Gravas. La principale valeur documentarte du film réside à mes yeux dans le fait qu'on y voit le Vieux Lille avant qu'il n'ait été transformé en réserve d'immobilier de luxe pour toute la région...


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MessagePosté: 21 Jan 2021, 23:38 
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Vieux-Gontrand a écrit:
Pas trop Costa-Gravas. La principale valeur documentarte du film réside à mes yeux dans le fait qu'on y voit le Vieux Lille avant qu'il n'ait été transformé en réserve d'immobilier de luxe pour toute la région...
:mrgreen: pour Lille
Même si tu n'es pas trop Costa-Gavras, je ne sais pas si tu l'as vu, mais c'est intéressant de comparer à Section spéciale qui est lui aussi un film de procès. Ce dernier film m'est sympathique mais, la réalité étant moins folle, ça va moins dans le théâtre de l'absurde et ça a beaucoup moins de force. Tu sens que Gavras est plus à l'aise dans la description de réalité "radicale". Bon après je deviens fan de ce réalisateur mais tente le dernier qui est excellent et le plus ouvertement "bouffon" de sa carrière.

Pour rajouter, ce qui est touchant dans L'aveu, c'est qu'on sent vraiment que Gavras est un homme de gauche et qu'il souffre des dérives qu'il filme. Il y a une sorte d'idéalisme de militant qui est assez touchante et qui s'illustre parfaitement dans la naïveté de Montand retournant à Prague à la fin. Bref une sincérité et peut-être le film le plus personnel de Costa-gavras (ne les ayant pas tous vu d'où le peut-être).


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MessagePosté: 21 Jan 2021, 23:43 
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En même temps le but de ces purges était justement d'éliminer la gauche. Il filme cela comme une découverte mais d'autres (Werth, Orwell) l'ont compris bien avant 1970 (notamment en Espagne - c'est un des ressorts de cendre et Diamants de Wajda avec le personnage de l'ancien commissaire ).
La manière complexe dont Aaragon par exemple, tout officiel qu'il soit, parle de l'anarchisme dans les Cloches de Bâle en 1934 trahit déjà un gros malaise par exemple

Et a la limite la toute fin de Guerre et Paix anticipe de manière troublante et plus riche le truc (sur l'air : ce qui est venu après la victoire est le plus lourd et l'annule, et est le vrai propos de mon livre)


Dernière édition par Vieux-Gontrand le 21 Jan 2021, 23:47, édité 1 fois.

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MessagePosté: 21 Jan 2021, 23:47 
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Vieux-Gontrand a écrit:
En même temps le but de ces purges était justement d'éliminer la gauche. Il filme cela comme une découverte mais d'autres l'ont compris avant 1970 (notamment en Espagne - c'est un des ressorts de cendre et Diamants de Wajda avec le personnage de l'ancien commissaire ).
Pas d'accord avec le "éliminer la gauche", c'est un peu plus compliqué que cela, et pas facile à décrire. En parlant de 1970, le succès du film est sa sortie juste après le printemps de Prague où le PCF remettait en question les communistes russes et ouvraient "officiellement" les yeux. Sinon ne remets pas le couteau dans la plaie, il faut absolument que je creuse Wajda, il était sur ma liste et je dois m'y mettre d'urgence.


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MessagePosté: 21 Jan 2021, 23:49 
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D'un certain côté ce film répond et atténue "la Guerre est Finie" (déjà avec Montand) où la crise du PCF est beaucoup plus directement (et donc rapidement) exprimée en fait (et le problème n'est pas formulé en terme de perversion passée d'un idéal mais d'impuissance par rapport au présent). Tu mets le doigt sur le problème du film : la question tchécoslovaque, périmée (le film retarde par rapport au printemps de Prague) devient un moyen pour parler indirectement et par allusion d'une situation politique surtout française.


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MessagePosté: 22 Jan 2021, 00:11 
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Ce que je commence à comprendre (notamment grâce au détour par Godelier) dans la différence entre Marx et son expression politique, c'est que chez Marx l'analyse critique d'un système économique et la théorie de la genèse des rapports sociaux sont confondues (d'où en effet une dimension à la fois objective et axiologique). La révolution est l'expression de cette fusion. C'est sa puissance (géniale) au plan sociologique et historique, mais une limite politique.
J'ai l'impression qu'il y a en fait peu de thématisation directe du pouvoir politique (et des institutions) dans ses œuvres (d'ailleurs le parti procède du syndicat et le soutien dans le Capital, le pouvoir a en fait lieu au niveau du marché - or, il peut très bien y avoir une domination sans marché...). Cela vient après, dans les querelles liées au révisionnisme de Bernstein. Il décrit au présent, les intérêts du forts et la jouissance du dominé, dépendants mais aux généalogies séparées. Rosa Luxemburg accentue un peu dans ce travers, même si elle est super-riche : trouver chez Morgan des sociétés anciennes et patriarcale et une manière de ne pas poser la question du pouvoir politique, ou de le lier à celle d'une mémoire perdue, faire le procès du moment où la question de la loi de fonctionnement en société s'est séparée du fait de faire une société, séparation qui serait aussi rationnelle (mais de valeur inverse) que cette constitution (et liée à l'intérêt matériel).


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MessagePosté: 25 Jan 2021, 14:12 
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A noter les supers bonus du blu-ray qui vont d'un super court-métrage documentaire de Chris Marker sur le tournage, d'une interview d'Arthur London et d'un petit extrait documentaire passionnant sur le procès de Prague. Intéressant de voir à quel point le film de Gavras puise dans la réalité des faits.


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MessagePosté: 13 Jan 2025, 16:03 
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Des décennies de conditionnement à accepter que le cinéma américain puisse s'emparer d'histoires d'autres pays ne m'avaient pas préparé à ce que le cinéma français puisse en faire de même et, une fois de plus après Z, le fait de voir Yves Montand jouer un personnage baptisé Gérard dans un thriller où tout le monde parle dans un français de titi parisien me donne l'impression de voir de la politique-fiction, de l'uchronie d'une France communiste.

Et encore une fois, bien qu'il s'agisse d'une intrigue tirée de faits réels, cette adaptation universalise l'histoire, ramène l'action et les situations à leur essence. Peu importe qu'on soit en Tchécoslovaquie ou ailleurs et, dans l'absolu, peu importe que les exactions soient du fait des communistes ce coup-ci là où elles provenaient du camp opposé dans le film précédent, c'est un même régime de pensée qui est dénoncé, un même système liberticide, mais poussé à son paroxysme parce que l'on n'attaque plus simplement des gens de l'opposition mais des gens de son propre parti, la paranoïa résultant en un imbroglio kafkaïen où l'on ne nous reproche pas ce qu'on a fait et dit publiquement mais ce qu'on aurait fait et que l'on veut nous forcer à avouer.

L'entreprise de déshumanisation montré in extenso par le film est proprement révoltante et édifiante, où l'on prive un individu de nourriture, de repos, de contact, de repères temporels puis, inévitablement, identitaires, afin de le priver de sa propre vérité. Le mec ne sait plus quand il est, où il est, qui il est. Et Costa-Gavras épouse cette paranoïa et cette confusion par une forme toujours aussi nerveuse mais plus ostentatoire qui m'a davantage parlé que pour son prédécesseur, adoptant la subjectivité du protagoniste de plus en plus paumé, les souvenirs s'insérant dans le présent, le mensonge se mêlant à la vérité, les images d'archives iconisant Staline contrastant avec des commentaires du futur... Oliver Stone s'est dit inspiré par Z pour JFK mais il est fort probable que L'aveu ait également été une influence. En tout cas, j'ai préféré ce dernier, un poil trop long mais plus surprenant, plus incarné.

Il faut saluer le geste d'un cinéaste fraîchement auréolé pour un film anti-fasciste qui y répond directement en ne regardant plus la paille dans l’œil du voisin mais bien la poutre dans le sien afin de montrer que tout le monde est susceptible de dériver vers le totalitarisme.

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MessagePosté: 13 Jan 2025, 16:19 
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Elle fait envie ta rétro Costa-Gavras (j'ai quasiment rien vu de lui).

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You are a ghost driving a meat covered skeleton made from stardust riding a rock floating through space.
FEAR NOTHING

BILANS CINEMA : 2023 I 2024


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MessagePosté: 13 Jan 2025, 16:27 
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Cheers.

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Robot in Disguise
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Ah dans ta rétro tu mates aussi ses séries ?

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Liam Engle: réalisateur et scénariste
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MessagePosté: 13 Jan 2025, 17:11 
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Y a du bois duquel faut pas faire feu, bruh.

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