Synopsis : un groupe d’anciens soldats de Chine continentale montent un braquage de bijouterie à Hong Kong. Mais, arrivés non sans mal dans la péninsule, ils découvrent que ladite bijouterie est déjà sous surveillance. En attendant de mettre leur plan à exécution, ils acceptent de remplir un contrat pour un commanditaire douteux. Comme le rappelle Tonton, le sympathique
City of Darkness partage son lieu d’action, la cité de non-droit de Kowloon, et sa temporalité (1984, quand Thatcher annonce la rétrocession programmée de Hong Kong à la Chine) avec
The Long Arm of the Law, de Johnny Mak. Ce dernier situe notamment toute sa dernière partie dans le bidonville et utilise ce que le cinéma hong-kongais de l’époque sait faire de mieux, à savoir capter sur le vif la vie bouillonnante de l’environnement urbain pour l’utiliser non seulement comme décor des affrontements mais également en utilisant ses spécificités dans l’intrigue.
Ainsi, là où
City of Darkness utilise la verticalité des immeubles pour propulser ses protagonistes dans des combats aériens, héritiers des wu-xia, dans un but de mythification du lieu,
Long Arm of the Law se sert de l’étroitesse des allées et des immeubles pour matérialiser le piège qui se referme progressivement sur sa bande de braqueurs immigrés, venus chercher un petit coin de paradis et tombés en enfer.
De l’aveu même de Johnny Mak, producteur et scénariste qui a beaucoup œuvré à la télé* et dont c’est le seul film de cinéma à la réalisation, le but était de parler de la situation de ces immigrés venus de Chine et considérés comme des sous-citoyens dans une Hong Kong qui mutait de plus en plus en Eldorado néolibéral. Le budget était serré avec pas mal d’acteurs amateurs et l’idée était de maquiller cette prise de conscience de la meilleure manière qui soit : via un bon polar des familles. Ainsi, les marques de corruption du Grand Capital pour ces continentaux sont évidentes tout du long du film, qui cadre avec insistance les menus McDo ou les bouteilles de Coca-Cola. Mais elles sont aussi compréhensibles en miroir de la désolation de la Chine continentale d'alors. En parallèle, au fil de l’errance de ces braqueurs en attente du coup du siècle, on dévoile également la corruption rampante à tous les échelons de la cité : le truand qu’ils doivent abattre (dans une scène autour d’une patinoire qui semble un hommage au
Set-Up de Don Siegel) se révèle être un flic, et l’assaut mené contre eux dans le final cause des victimes collatérales.
*(à noter aussi que le scénariste, Philip Chan a bossé onze ans dans la police et a rendu un script complet et détaillé, ce qui n'est pas vraiment l'habitude de ce type de production)The Long Arm of the Law est aussi important pour son aspect “séminal”,
splotch. Impossible de ne pas voir dans les liens d’amitié entre le groupe d’anciens soldats devenus braqueurs, des prédécesseurs des chevaliers modernes de John Woo en manteaux noirs armés de Beretta. On retrouve ainsi un flash-back bluette accompagnant les retrouvailles de deux tourtereaux, et même un plan où le héros utilise deux flingues en même temps. De même, le fait que le braquage se situe à Noël (Grand Capital, colonisation, tout ça…) anticipe l’inusable
City on Fire. Il y a même dans une scène finale un
mexican stand-off. Comme pour les autres néo-polars de l’époque,
The Long Arm of the Law tire son inspiration du cinéma américain et paie ainsi son tribut au
Récidiviste d’Ulu Grosbard pour le braquage de la bijouterie (ce qui nous fait donc un lien Mannien qui parcourt toute cette époque jusque
City on Fire avant d’être réintégré dans le cinéma hollywoodien avec
Heat… et quel parcours délectable, mes aïeux).
Mais l’ascension et la chute de petits caïds qui visaient la Lune pour finir dans le caniveau puise évidemment son carburant dans le
Scarface de Brian DePalma sorti peu de temps auparavant. Avare en action dans sa première partie,
The Long Arm of the Law préfère multiplier les scènes d’ennui et de biture du groupe qui fraie avec les dames de la nuit d’Hong Kong (et au sujet desquelles je dois warner ceux qui peuvent être triggerés
On y trouve aussi déjà cette photo qui joue le contraste entre les scènes de jour naturalistes où la grisaille urbaine avale sa populace, et celles de nuit où les néons réveillent la faune locale et accompagnent les chasseurs comme les gibiers dans une frénésie de violence et de stupre sans lendemain.
Ce qui distingue
The Long Arm of the Law est l’insistance à privilégier ce sujet et cette forme de documentaire d’une époque et sa revendication sociale : voir le parallèle évident qui est mis entre ces immigrés Chinois et les Sikhs qui gardent la bijouterie visée par les précédents ou bien les entrées des nightclubs où ils dépensent leurs biens mal acquis. Ainsi, la suite, si elle garde son ton incisif et un vernis social, sort en 1987 et témoigne déjà du choc esthétique et narratif du
Syndicat du Crime, en stylisant la forme et en se basant plus sur la camaraderie et la frontière ténue entre flics et voyous avec une histoire d’infiltrés.