adapter guitry, c'est à la fois une évidence et un nid à emmerdes. une évidence parce que y a la qualité et la quantité - une œuvre surabondante dans laquelle il suffit de piocher, y compris dans une palanquée de pièces non adaptées au ciné et que donc personne ne connait. d'un autre côté, c'est quand même très inscrit dans son époque, ça repose souvent sur son extraordinaire charisme (j'avais regardé la scène du téléphone de
faisons un rêve jouée par arditi au théâtre et c'était vraiment de la margarine comparée au beurre normand), le tout avec des intrigues parfois faméliques. alors il y avait eu la ill-fated trilogie de remakes de la fin des années 90 (le
quadrille de lemercier,
désiré avec belmondo et
le comédien avec serrault, film totalement oublié et qui a disparu de la surface de la terre), il y a de temps à autres des reprises au théâtre, mais celui a eu le plus de succès c'est ce
crime au paradis, remake de
la poison - 2,1 millions d'entrées !
et ça m'amusait aussi de le regarder dans le cadre de l'improbable carrière de jean becker. 4 films à beau succès dans les années 60. rien pendant 20 ans. un énorme carton à 5 millions. rien pendant 12 ans, puis 3 films à plus de 2 millions d'entrées, avant de se reconvertir cinéaste campagnard avec 5 films à plus de 1 millions, et le déclin avec ses 4 derniers films sous les 500 000.
la difficulté d'adaptation de celui-ci vient surtout de son scénario, qui repose sur un concept génial - un paysan va consulter un grand avocat criminel
avant de tuer sa femme pour s'inspirer de ses conseils pour avoir le maximum de circonstances atténuantes - mais qui dans l'original, est bizarrement foutu avec 50 minutes de remplissage puis 30 minutes smashesques. et puis c'est une farce noire, mais dans l'absolu ça raconte un mec qui tue sa femme, donc faut trouver le bon ton. becker a donc fait appel à sebastien japrisot pour retravailler tout ça, et tout dans le travail montre qu'ils étaient parfaitement conscients de ces soucis. un choix structurel qui fonctionne pour les 2 aspects est de multiplier les preuves de la monstruosité de la bonne femme : elle crève les pneus de sa voiture, perce les sceaux de traite, brule son livre de timbres... une bonne demi douzaine, qui musclent la première partie et aide à justifier le crime. le problème, c'est que le personnage devient rapidement grand-guignolesque, et tous les efforts sont donc faits pour rationaliser un récit sauf que ça devient par la même occasion de la science fiction.
mais l'aspect le plus marquant du film est évidemment son aspect jean-pierre pernault, totalement jusqu'au boutiste. on est au fond de la campagne en mode vieille france, mais en 1980 (pas parfaitement compris pourquoi à part pour avoir la menace de la peine de mort ?), et c'est vraiment la caricature de la caricature, les mecs portent des bérets, les femmes s'appellent lucienne, on est paysans qui vivent des légumes vendus au marché le samedi sur la place du village... il joue le pittoresque à fond, c'est totalement hors d'âge. la musique est de pierre bachelet, le casting est plein de gens pas chics du tout (gérard hernandez, suzanne flon, valérie mairesse, daniel prévost, dominique lavanant...) et il y a un aspect revendicatif - jean qui dit adieu au movie business parisien pour faire ses films france 3 dans son coin, pour un public provincial, et ça lui convient parfaitement comme ça.
ça ne me parle pas outre mesure, mais c'était un exercice d'adaptation intéressant à voir - tant je voyais que japrisot et becker avaient fondamentalement le même diagnostic que moi sur les défis de la chose - et andré dussolier est à son peak, un de ses meilleurs second rôle, il est génial en 4 scènes.