un peu de mal à saisir le statut de ce film. d'un côté, une présence fantomatique sur les internets, une poignée de votes sur les sites, des fiches wiki française et espagnoles lapidaires (qui parle quand même d'un gran exito). d'un autre, je lis que c'est 'mondialement connu', le film le plus célèbre de son auteur, et meilleur film et réal aux goyas de l'époque, et meilleure actrice pour victoria abril à berlin. et c'était bien sorti en france - retrouvé la critique élogieuse dans le première de l'époque - en 93, 2 ans après sa sortie espagnole !
le trou d'oubli dans lequel tombent pas mal de ces films d'auteurs européeens est assez profond, il peut déjà l'être pour les trucs cannois mais pour les autres, et quand on passe une génération de cinéphiles en plus, c'est assez terrible.
mais gloire à arte qui le propose dans une petite rétro du cinéma espagnol, et ça m'a tapé dans l'oeil parce que ma voisine me l'a conseillé et c'est tiré d'un célèbre faits divers espagnol, et j'adore les trucs espagnols avec de la sensualidad, alors go.
ça se passe à madrid, 1950, et ça parle d'un jeune homme qui rentre de l'armée et est en couple avec une jeune servante (qui veut rester vierge), il cherche du travail, il loue une chambre chez victoria abril, avec qui il découvre une activité très stimulante que les hommes adorent, et comme le dirait ma catégorie préférée sur mycanal : #touttournemal.
l'histoire est fondamentalement assez classique, pas de surprises incroyables, et le film s'applique à la raconter de manière très fonctionnelle : on n'est pas là pour des envolées lyriques ou explorer les mystères de l'âme humaine, une scène ça sert à raconter un morceau de l'histoire consécutif au précédent et qui provoque le suivant, point final. mais l'histoire, celle du film et celle qui l'a inspirée donc, reste puissante parce qu'elle incarne à la perfection le dilemme d'un homme partagé entre sa raison et sa bite (littéralement hein, il y a un gros plan dessus) et les zinzineries que des gens normaux peuvent faire emportés par leur passion - ou par leur bite.
une section de wiki s'appelle "une critique discrète du franquisme" mais c'est trop discret pour moi, pas très bien vu ça, ça fait évidemment le portrait des normes sociales de l'époque mais le rapport avec franco me parait lointain.
d'autant, et c'est un aspect que j'ai adoré, ça aurait pu être un film français. se passer à paris, à la même époque. ça me fascine complètement à quel point nos cultures sont proches, mais pas totalement similaires non plus : ça aurait été réalisé par claude chabrol, il y aurait plus de portrait de la société, de dynamiques de classe, on aurait intellectualisé tout ça, alors que là on est en plein dans la passion espagnole pour les emportements du coeur et du corps. les gens font des dingueries par amour, des grandes déclarations, on pleure, on se promet des choses, et pas sur un paquebot qui coule - dans la cuisine après s'être rencontrés il y a une semaine. et bien évidemment, il y a les scènes d'amour, trop bien, sensuelles, avec des trucs crus (le jeu du foulard...!), ou juste des gros plans sur les gens qui jouent avec leurs langues, il y a le corps de tout le monde, c'est à la fois super érotique et c'est indispensable dans le contexte de l'histoire, j'ai adoré.
victoria abril est absolument parfait et iconique (elle a beaucoup travaillé avec vicente aranda visiblement, elle lui doit une grande partie de son aura espagnole), mais le film souffre clairement de sa durée : c'était prévu pour une série anthologique sur les grands faits divers espagnols (j'adorerais voir ça, mais où est ce qu'on peut trouver un truc pareil ?!) mais ils l'ont étiré en long, et effectivement 1H30 sur cette histoire c'est trop, 1H10 comme les épisodes ça aurait été parfait.
c'est encore sur arte une dizaine de jours et ça n'est pas du tout immanquable mais si on aime les trucs espagnols (comme moi) et les faits divers (avec une frustration sur le fait qu'on connait quasiment pas les histoires en dehors de la france et des usa, comme moi), c'est très sympa à regarder.