un beau et jeune vagabond arrive dans un petit village rural et est embauché par la veuve couderc, une dame vieillissante, rude, qui travaille dans sa petite ferme. il a un lourd passé, elle aussi, mais ils vont ken et ca créé des liens. deuxième film de mon petit diptyque livre-puis-adaptation.
le choix avait été facile : un livre de simenon adapté avec signoret et delon, ça envoie quand même du lourd.
le livre était intéressant, je n'avais jamais lu de simenon. c'est une histoire assez simple, racontée assez simplement. et deux aspects étaient marquants. le premier c'était le portrait de la france rurale pauvre des années 30, il y a moins d'un siècle mais c'était un autre monde, dont on perçoit potentiellement des résidus dans notre culture sociale mais vraiment lointain. et une partie de ma famille vient de ce milieu là, j'avais l'impression de lire un document sur la vie de mon arrière-grand-mère, c'était émouvant. l'autre point c'était l'aspect.. "woody allenien" de l'écriture" : il était très productif, écrivait très rapidement et ça se sent. on a le même phénomène qu'avec woody à une époque de "j'ai une idée et this will do", il la développe, très efficacement, il se laisse porté par son style naturel, fort, mais il ne va guère plus loin et ça se sent : l'histoire n'a pas de profondeur particulière, le récit n'offre aucun rebondissement ou surprise, c'est assez court...
l'adapter en film était à la fois assez évident - l'univers est fort, les deux rôles sont des cadeaux pour des acteurs - et on voit l'obstacle dans ce fond assez léger.
et effectivement, l'univers est fort. il donne vie à ce milieu, ça manque probablement de petits détails, il y a des acteurs secondaires qui sont clairement parisiens, mais ça reste assez extraordinaire de voir tout cela prendre vie, les choses évidentes comme les femmes au lavoir dans la rivière ou l'église totalement blindée, la vie sexuelle de l'époque, les normes sociales vis à vis des marginaux... j'ai adoré. tout cela est assez platement mis en scène, mais ça n'est pas grave.
et effectivement, les deux rôles sont des cadeaux pour ces acteurs totalement mythiques. en soi ils n'ont rien de spectaculaire à faire, mais ils sont parfaits, charismatiques, légendaires. delon ne voulait pas faire le film parce qu'il disait que personne n'allait y croire, et effectivement on y croit pas trop, mais ça fonctionne quand même et c'est forcément un régal de les avoir.
et effectivement, le fond est assez léger. l'adaptation est intéressante, car elle est fidèle au récit tout en racontant les choses différemment : il se passe les mêmes choses, mais tout change un peu de place, dans une scène écrite autrement. et la fin est totalement changée, troquant la noirceur profonde du récit pour quelque chose de sombre, mais inoffensif. et cela correspond à une démarche d'aseptisation assez dommageable : dans l'absolu, l'histoire n'est pas d'une richesse extraordinaire, mais elle raconte cette époque où la vie est dure, la vie est de la merde, les relations interpersonnelles et collectives sont violentes mais y a un peu d'amour parfaitement incongru qui arrive à pousser dans le terrain vague. en aseptisant le tout, c'est le thème lui même qui perd de sa puissance, et il en reste cette relation improbable et touchante entre ces deux êtres, mais ca rend encore plus léger ce qui l'était déjà un peu trop.
au final, le film gagne par rapport au livre sur l'incarnation, les acteurs et la vie donnée à l'univers - mais le livre gagne sur le film grâce à la plus grande richesse et noirceur. aucun n'est deux n'est absolument indispensable, mais ce sont deux belles œuvres de qualité française.