Forum de FilmDeCulte

Sublime mélodrame réalisé par une encore jeune Larisa Shepitko, qui décèdera quelques années plus tard à 41 ans dans un accident de voiture, le genre de découverte qui fait s’interroger sur le fait qu’on continue de boucler dans l’Occident collectif, comme on dit, sur deux trois réalisateurs (et en réalité surtout sur Tarkovski).
A sa décharge, justice est loin d’être rendue à la réalisatrice dans son propre pays. Elle fait preuve ici, dans son filmage et comme qui dirait, d’une sensibilité à fleur de peau, s’exprimant dans des notations visuelles empathiques comme autant de touches impressionnistes, composant en fait une matière quasi abstraite à la Nicolas de Staël.
L’histoire : quand un Russe déprime, il va se ressourcer dans la taïga - ajoutez un fantôme de triangle amoureux. Barberousse (les deux protagonistes sont médecins) meets Dersou Ouzala. Le film conte une errance, qui touche à un but, avant de dérouler une fin ouverte véritablement ambigüe, versant quand même plutôt dans le pessimisme.
Entretemps, un style d’un lyrisme à couper le souffle, à mi-chemin entre Boris Barnet et d’autres, soutenu par une bande originale et un thème sublimes d’Alfred Schnittke. La fascination de Larisa Shepitko pour les engins volants explique peut-être quelque chose de cette manière : dans le flou des chasseurs vêtus de peau courant dans la taïga enneigée, la lumière crue du soleil se réfléchissant sur la neige qui vient passer l’image comme à l’eau de javel, un match de hockey URSS-Suède qui fait venir les larmes aux yeux du personnage principal, une bravade au cirque filmée dans un vertigineux mouvement de caméra circulaire. En même temps le film est une balade à travers l’URSS de l’époque, la Sibérie, vaste gisement industrialisé, à la fois vierge et défoncé. Très beau.