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MessagePosté: 13 Sep 2011, 09:36 
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Iko shashvi mgalobeli en VO.

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Guia, jeune percussionniste de l'Opéra de Tbilissi, essaie de traverser sa folle journée entre de multiples engagements, les rencontres imprévues, les jeunes filles qu'il drague, et les 3 mesures qu'il doit jouer d'un morceau de 90 minutes...


Il y a des matins où ton corps a des pulsions inquiétantes, genre se réveiller à 7h (déjà ça...) et se dire : tiens, je me materais bien un Iosseliani. Surtout quand le seul aperçu de son cinéma a jusqu'ici consisté en 5 minutes directement issues de l'enfer, en mode pseudo-Tati à base de "ah la vie de tous les jours" et autres "les petites choses de la vie", le tout flanqué d'une forme molle et grise qui te susurre à l'oreille, dans un souffle géorgien moite et mortifère, emmerdes-toi, je le veux.

Le film, au final, navigue sans cesse entre cette tendance somnifère et quelque chose de beaucoup plus motivant. Parce qu'il y a une tonne de bonnes idées, et une fois qu'on a choppé la manière de voir le film - qu'on se détache du détail bordélique interne aux mini-scènes pour plutôt recevoir l'enchaînement et la configuration de celles-ci -, ça passe déjà beaucoup mieux. Il y a d'abord une vraie idée cinématographique là-dedans, qui est liée au son (et non, pas à la Tati pour le coup), qui consiste à associer à chaque mini-segment d'espace une couleur sonore qu'elle quelle soit (musique, ambiance, discussion). Ça sonne très théorique et stérile dit comme ça, en fait ça permet surtout de jongler de l'un à l'autre comme on ouvrirait 36 tiroirs, en laissant un entre-ouvert pendant qu'on fouille l'autre, les refermant tous d'un coup, etc. Je ne sais pas si c'est propre à son cinéma ou juste à ce film, mais c'est clairement ce qui m'a accroché à la vision de celui-ci, et qui m'a empêché de me focaliser sur le magma irritant de base - les petites amourettes, les petits enfants, campagne vs ville, etc.

C'est d'autant plus con que je crois vraiment que ce n'est pas ce folklore-là que recherche Iosseliani, pas dans ce film en tout cas. Rien que par le dernier plan, le film affiche quand même un programme bien plus précis et glacial, bien plus distancié, qu'une mélasse tendre à la gloire des petites gens. Soit la vision, grosso-modo, d'une cité (et d'un pays, j'imagine) qui broie jusqu'à l'épuisement toute personne qui ne se soumet pas à son rythme. Et en ce sens, malgré sa faible durée, le film est effectivement éreintant, épuisant, ne laissant pas une micro-seconde de pause. J'ai le souvenir précis d'une scène où des potes bourrés chantent au restaurant, et où pendant ce temps on nous montre déjà un homme déprimé se traîner vers le piano au fond de la salle, pour prendre le relai dès qu'ils auront fini, et commencer un nouveau type de scène, plus mélancolique... Par la façon dont tout se superpose (la scène d'avant, la scène d'après, une scène parallèle), le film repeint exactement ce que vit son personnage principal, cette façon de ne jamais être accroché à rien, de ne rien pouvoir mener à bien.

Et là, c'est impitoyable, il n'y aura qu'une façon de réussir ce film : la précision. Quand Iosseliani gère (en construisant son image par une lumière saillante, ou à travers les plans séquences savant et explicitement pensés, réfléchis, conçus), cette danse des sons et scènes qui s'imbriquent apparaît virtuose, charismatique. Dès qu'il se relâche ne serait-ce qu'un tout petit peu (et je veux bien croire que les difficultés liées à la production de l'époque aident pas), le film replonge dans le chaos dérythmé et gavant, ne nous laissant plus que voir les petites historiettes irritantes. C'est ainsi constamment sur le fil (tout le début est assez pénible, par exemple), mais quand ça réussit à mener sa forme à achèvement, c'est vraiment bien (je veux dire par là que c'est clairement pas un réal pioché de Géorgie parce que ça fait exotique, il y a une vraie proposition là-dedans). J'ai malheureusement peur que ce film soit une exception dans sa filmo, la forme de la fable et le sujet-même y obligeant une certaine distance, et que le reste de son cinéma ne fonctionne autrement que comme accumulation de petites scènes "charmantes". On verra bien...


Sinon, hâte d'être au tout blu-ray, j'en peux juste plus des DVD interpolés de merde.


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MessagePosté: 22 Nov 2023, 01:22 
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Après le songbird de Hunger Games, le merle chanteur.
Ça faisait des années que la notice élogieuse, qui est brève, de Lourcelles me trottait dans la tête.
Il y a deux films, une étude de caractère sur 24h, au sujet d’un personnage qui papillonne de ci de là sans jamais se poser, l’autre sur le Tbilisi de l’époque à travers laquelle il fait office de guide.
Lourcelles y voit un caractère fondamentalement rétif au communisme, mais le propos du film est bien plus vaste - rien en effet ne distingue fondamentalement la société qui nous est décrite de celle que nous connaissons (c'est discutable, mais bon).
L’étude de caractère se fait allégorique, en prenant pour sujet un percussionniste, éternel dilettante, qui s’est trouvé le métier ou la planque idéale pour s’adonner à son oisiveté : il joue ici de cet instrument indispensable dans l’orchestre, les timbales, mais qui n’est que rarement mobilisé. Voici donc « le perpétuel instable, rêveur [vélléitaire], insaisissable, bourré de dons, aimé de tous, que personne ne connaît et qui sans doute ne se connaît pas lui-même. » Chacun lit dans sa trajectoire, finalement pathétique, ce qu’il veut. Pas de statue du commandeur, pour l'incurable Don Juan, mais un banal accident de voiture. Le personnage désigne à la fois une pure pulsion vitale et un vide existentiel, et le film ne tranche pas (l'unité de temps aide).
Iosseliani échafaude, pour raconter l'histoire, une espèce de système qu’il perfectionnera tout au long de sa carrière, dont l’ambition, à l’image du panoramique qui ouvre le film, est d’offrir un regard englobant sur la société, ou la ville, qu’il filme. La musique y joue un rôle primordial sans qu’on puisse lui assigner un sens bien défini, liant les scènes entre elles ou les compartimentant comme disait Tom. Ici elle s'exécute (à la dernière minute), s'exerce, s'improvise, s'écoute (tiens donc). Elle est la métaphore de la société et des traditions, des sentiments qui s'y distillent. Le protagoniste, dont l'exécution mécanique de la musique est le métier, qui joue dans l'orchestre comme un ouvrier sérieux qui ne veut pas venir travailler vient pointer - in extremis mais difficilement remplaçable à l'inverse de cet ouvrier peut-être - peu enclin à l'introspection, ne ralentit ainsi qu'une seule fois, quand le type vient jouer un air mélancolique en fin de soirée (cf post de Tom plus haut), avant de repartir. La manière de faire de Iosseliani, dispersée par la force des choses et de son personnage, est d'une subtilité rare.


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