Die Marquise von O... en allemand.
"La Marquise d'O" est assurément l'un des films les plus durs et les plus ambigus de Rohmer ce qui pour le dernier cas peut apparaître comme un euphémisme bateau sur son cinéma, mais dans le cadre de ses fictions historiques il faut bien avouer que ces termes prennent souvent une apparence plus radicale que dans ses récits contemporains. Magnifiquement éclairé par Nestor Almendros, la mise en scène parait parfois mal à l'aise avec cet aspect pictural qui s'exprime presque comme en parallèle avec tout le reste du film. Rohmer affronte la reconstitution et n'a pas encore trouvé tous les trucs de représentations plus distanciés avec lesquels il sera pleinement à l'aise dans "l'anglaise et le Duc" et "Triple Agent". Les premières scènes voient Rohmer avoir du mal à faire vraiment dans le figuratif visuel, quand au reste il est pour la première fois assez proche des pièges du théâtre filmé. Tout tourne ici autour du diable à l'apparence d'ange incarné par Bruno Ganz et la façon dont il va bouleverser une jeune veuve, fille d'un gouverneur déjà emmené à subir la honte d'une rédition aux russes.
Un viol s'est joué en hors champs pendant que ladites Marquise était évanouie, ce qui est une chose en soit absolument atroce. La grossesse qui va s'en suivre va être un choc absolument terrible pour toute la famille aristocratique ici représentée et tour à tour on va suivre l'exclusion de la Marquise ainsi que la confrontation de tout ce petit monde à cette "impureté". Les scènes de ruptures entre l'héroïne et sa famille sont les plus dures du film. Rohmer a souvent été taxé de droite, hors le propos politique en soit ne l'intéresse pas véritablement même s'il est évident que le mode de vie aristocratique le fascine ainsi que ses enjeux, et qu'il y trouve une certaine correspondances à certains idéaux. Surtout peut-être il ne cherche pas dans ses films d'Histoire à commenter ce temps passé suivant une quelconque inclinaison contemporaine, dans un anachronisme d'esprit... Pour lui à chaque fois il s'agit de sculpturalement se mettre au service des fonctionnements de l'époque qu'il retrace pour mettre en scène une sorte de "dossier de l'écran" du 18ème siècle. Il reste ici une évocation sur l'impureté et l'honneur qui entre bien dans les obsessions du cinéaste. Le comte Russe violeur et la Marquise souillée auraient aussi pu s'aimer sans cet acte dans l'ombre, Rohmer nous fait réfléchir là dessus... il évoque toujours l'invisible ordre des choses, la subjectivité des points de vue, ce qui nous échappe totalement, mais ici de façon plus brutale, et son final ne plaira sans doute pas à tout le monde. Mais comme chez des cinéastes aussi différent que Leone, Peckinpah ou Almodovar la zone d'ambiguïté interrogée évoque aussi des questionnements riches même si pas toujours aimables. Sans cet acte du viol, la Marquise amoureuse par exemple n'aurait peut-être jamais accepté de mette fin à son veuvage, et s'affirmer comme femme dans l'épreuve... Rohmer ne donne pas une fois de plus de réponse toute faite, il nous laisse juste dans le malaise de ces interrogations.
4,5/6