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MessagePosté: 04 Oct 2013, 01:23 
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Novy Vavilon (Новый Вавилон) en VO.
Et Grigori Kozintsev / Leonid Trauberg, de leurs noms complets...

Image

L'histoire de la Commune de Paris en 8 moments choisis.


C'est un des films que je voulais mettre au ciné-club l'an passé, tiens... De l'agitation de courants et tendances qui agitent le cinéma soviétique dans les années 20, j'avais encore jamais essayé la FEKS. J'avais lu que ça tenait à un jeu d'acteur outrancier, et au final c'est pas vraiment flagrant : c'est le cas dans la peinture grotesque de la haute société décadente qu'on caricature (et la France avec), surtout en début de film. Ça tient aussi peut-être aux crises violentes de certains personnages, envolées hystériques jouées de façon féroce. Mais dans l'ensemble ça joue "normalement" - et au passage ça joue d'ailleurs plutôt très bien.

Non, ce qui change, surtout, c'est la présence de personnages. Et ce n'est pas rien. Le cinéma russe de l'époque semble se satisfaire de figures et de types, et même ici, on ne sort pas de cette veine indécrottablement "éducative", qui va nous peindre du gentil ouvrier VS bourgeois méchant, ce qui donne comme d'hab l'impression d'un film pensé par des veaux pour des moutons. C'est toujours assez passionnant, cela dit, de voir un épisode de l'Histoire française digéré par l'étranger. La commune devient donc une révolution communiste (et c'est pas tout à fait faux, historiquement, me semble-t-il), la famine appuyée semble résonner de celle qu'a subi la Russie en guerre civile quelques années plus tôt...

Mais bref, il y a donc des personnages, et notamment le soldat qui sort du schématisme habituel : ni ouvrier, ni bourgeois - autorisé à penser et à douter, donc. Cet anti-héros, pauvre diable cueilli par une histoire d'amour totalement inattendue (qui, même si elle est forcément reliée à la lutte, amène à son tour d'autres priorités que l'habituel tract militant), traverse un récit uniquement composé de défaites et d'échecs, dans un Paris de misère, neigeux et boueux. La révolution ici dépeinte n'a pour ainsi dire quasiment pas de stade euphorique : elle est immédiatement prise sous son angle désespéré, lyrique, voire mélancolique - ce qui, encore une fois, ouvre d'inhabituelles perspectives.

Du coup ben c'est un très beau film, ci et là alourdi par ses percées militantes, mais narré d'une manière continuellement inspirée. La force de montage, qui a si souvent valeur de frappe démonstrative (chez Eisenstein, Poudovkine, Vertov), a ici la qualité d'être ouverte à un certain mystère : ni rythmique, ni symbolique, elle fait se répondre des situations et des lieux distincts comme s'ils partageaient le même décor, l'un réagissant étrangement à l'autre (voir la belle séquence de l'avancée morbide des prussiens dans l'ombre, au milieu d'un bal parisien ivre). Le film cultive au maximum son pouvoir d'évocation (il faudrait compter ne serait-ce que l'omniprésence d'ombres : envahisseurs prussiens anonymes, soldats honteux au soir, bêcheurs de tombes...), préserve le flou du contexte dont on ne capte que le détail (au sens figuré comme littéral : très peu de profondeur de champ, pluie et obscurité), et fait chanter dès que possible l'imagerie lyrique de la Commune, qui en devient du coup totalement improbable (le piano sur les barricades, le face à face au café sous la pluie). Le chapitrage, sa façon de fermer les situations sur une note particulière, sa capacité à tracer une progression (finir dans l'horreur et la nuit, comme dans Arsenal auquel le film fait d'ailleurs beaucoup penser), booste la dimension narrative de l'ensemble.

Au final, Kozintsev & Trauberg façonnent une Commune de grande fresque lyrique en filmant 3-4 personnages, deux coins de rue, à peine un combat. C'est assez fort, et s'il manque peut-être la petite étincelle qui emporte le morceau (un final plus fulgurant, peut-être ?), ça reste une superbe révélation, qui vient sans mal se placer en seconde place, juste derrière le Dovjenko, dans mon petit peloton du cinéma russe de l'époque. C'est vraiment une veine assez proche, volontiers suggestive et poétique, sans rejet autiste de la fiction, plus mystérieux que spectaculaire dans ses essais de montages.

Fiou, pavé. Me suis pas relu. Et je vous met un extrait demain.


Concernant le DVD : Un peu échaudé par les dvd russes bach films déplorables, je suis directement allé voir l'édition allemande (Medien), qui a été assez sympa pour sous-titrer le film en français. Bah c'est du très bon boulot sur la copie (stable, pas de recadrage, vitesse respectée). La compression est un peu violente à l'image arrêtée, et l'adaptation à la fréquence du muet en passe par un entrelacement, mais ça ne gêne pas tant en lecture, et l'image a du piqué. Donc je vous la conseille - de toute façon, je sais pas si y a meilleure alternative pour l'instant.

Par ailleurs, l'édition comprend une reconstitution de la musique composée à l'époque par Dimitri Chostakovitch. Je suis moyennement convaincu. La partition respecte très bien la structure narrative des scènes (il y a même certains passages où je me suis demandé si on comprenait les effets de continuités/ruptures sans elle), mais elle est passablement paresseuse dans le rapport au film, et je pense que celui-ci gagne à être vu sans elle. On peut certes se dire que c'est trahir les réals, qui ont prévu leur film avec, mais vu la quasi-absence de salles équipées en son en URSS à cette époque, ça sent plutôt la partition composée à l'occasion d'une première en grandes pompes...


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MessagePosté: 04 Oct 2013, 12:59 
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Hop, un bout de la scène du 18 mars :



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