Parfois orthographié
Païsa, ou
Paisan en anglais.
De l'été 1943 à l'hiver 1944, de la Sicile au delta du Pô, l'histoire de la libération de l'Italie racontée en six fragments.Comme dans
Inglorious Basterds (bien que les films n'aient absolument rien à voir, repose ce couteau Tetsuo), l'Europe en guerre ressemble à la tour de Babel. Et le film se met au diapason de cette hétérogénéité : en optant pour six segments complètement indépendants, et en ne traçant aucun lien entre eux (sinon la linéarité de la remontée géographique et temporelle), Rossellini se place sur un plan qui lui permet de faire véritablement un "portrait" du pays. Quelque chose qui dépasse les protagoniste et leurs péripéties : il en ressort une vision mystérieuse de l'Italie, de ce qu'est l'âme de ce pays au sortir de la guerre.
Ça marche très bien à la fois par la disparité des sketches (de l'histoire intime de la prostituée aux combats historiques de Florence), que par la structure qui naît de leur assemblage : l'éveil de la libération au milieu de la nuit, dans le noir d'une Italie archaïque ; le chaos des villes et l'explosion de vie au moment de la conquête ; et puis l'évidage progressif quand la fin arrive, jusqu'à ce décor totalement plat et vide du delta. Il y a souvent cette impression, je ne sais trop comment, que le film nous prend par la main pour nous guider à travers ce labyrinthe spatial, temporel, et mental qu'est ce monde improbable au sortir de la guerre : l'impression qu'il écrit l'Histoire à travers ce chaos. Le décor qu'il installe, suite de ruines qui n'en finissent pas de se télescoper et de s'emboîter, donne l'impression d'une infinie continuité de rocs brisés et de civils exultant, à travers laquelle on ne peut que se perdre. Ça atteint des sommets dans le segment Florence (même si ce n'est pas forcément le passage le plus attachant).
Dans le détail, tout n'est pas parfait. Les segments ont peut-être un peu trop tendance à prendre l'aspect de fables, où la chute tombe comme un couperet, de façon très sèche, donnant l'impression d'une petite leçon de morale. Je suis aussi un peu déçu par les deux derniers segments... Je ne sais pas trop comment prendre celui chez les prêtres, le premier à poser un œil moins humaniste que critique (ironique ? comique ?) sur les personnages, sans pour autant épouser la tranquillité centenaire que le film loue (dans un retournement de veste assez bizarre) en fin de segment. Quant au dernier sketch, parfait sur le papier (le choix de finir dans les limbes de la fin de guerre, au milieu de nulle part, dans la solitude et l'échec...), il peine à trouver un ton et une efficacité narrative précis, à quelque fulgurance près (le passage de nuit). Ces deux derniers segments sont aussi ceux où le mélange n'est plus opéré, quant tout le reste du film gagnait beaucoup à entrechoquer dans un même mixer partisans, militaires, médecins, civils, etc.
J'allais dire que ça me réconcilie avec Rossellini, mais en fait je suis surpris (et limite déçu, genre
"je pensais qu'on se la jouerait SM, Roberto") par l'emphase régulière qui caractérise l'ensemble : j'ai l'impression (fausse ?) que ce n'est pas encore complètement son style, que ce n'est pas Rossellini dans toute sa pureté. Notamment par l'utilisation de la musique, sur-dramatisante et pas assez économisée, ou par l'abondance de péripéties, ou par le côté immédiatement empathique (sans résistance)... Faudrait revoir
Allemagne année zéro, détesté jeune mais qui tout compte fait doit être autrement plus sec.