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MessagePosté: 12 Fév 2022, 13:16 
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Résumé : tenants de l'islamo-gauchisme, un journaliste à scooter et un informateur rancunier manigancent le grand remplacement d'un responsable de la lutte contre le trafic des stupéfiants aux états de service irréprochables. Mais une fois que tout le monde se sera calmé, ça va bien se passer.

Adaptation de L'Infiltré de Hubert Avoine et Emmanuel Fansten, difficile de ne pas évoquer The Insider de Michael Mann mais on va essayer de faire un paragraphe sans.

On est dans la "plongée dans un monde d'initiés" qui singe un mode documentaire : la place dévolue au spectateur est d'assister aux coulisses à hauteur d'homme, ou sur le banc des jurés, voire en tant que stagiaire présent dans la salle de rédaction de Libé (la vraie de vraie, de ce que j'ai pu lire) et tout ceci maintient l'attention autant qu'elle la distrait par instants. Pas sûr, par exemple, d'accrocher à la tendance naturaliste de la direction d'acteurs : hésitations, dialogues qui se chevauchent etc... ce qui est impressionnant - "on dirait qu'on y est" - mais qui donne souvent le sentiment d'avoir affaire à une performance d'acteurs, dans tous les sens du terme, qui met à distance des personnages, façon événement sportif, plutôt que de jouer la carte de l'empathie. A ce jeu, Vincent Lindon qui donne sa version de Jack Nicholson dans Des Hommes d'honneur, remporte une fois de plus le titre de "hardest working man in showbiz", avec une déposition en plan séquence.

Au niveau de l'intrigue et du sujet, s'opère un glissement progressif du "scandale d'état du titre" vers l'histoire d'une amitié déçue et la tentative pour l'informateur de renouer avec le journaliste un lien similaire à celui qu'il avait avec le super-flic, mais à la hauteur cette fois de ses exigences éthiques. C'est pas que ce soit inintéressant, d'autant que Roschdy Zem pallie bien les carences de charisme de Pio Marmaï et apporte de la chair et du nerf à son infiltré à l'arrogance trouble (grande scène où il demande son fric à la production télé), mais en dehors des protagonistes principaux, il n'y a que des ébauches caractérisées par leur emploi (le générique de fin enchaînent les fonctions et non les noms).

Or, contrairement à The Insider et sa fonction hollywoodienne cathartique, la décomposition du système occupe la portion congrue du film : peu de scènes décrivant les agissements des flics et des dealers (surtout en ouverture en fait), et on se concentre non pas sur l'enquête comme le titre l'indique, mais sur la promotion de celle-ci avec ce qui compte de récupération par la télé, réception (ou absence de) par les collègues de la presse, procès en diffamation etc...
Mais là encore, The Insider démontrait comment la publication de l'enquête sur les exactions dénoncées était tributaire du lobbyisme des malfaiteurs eux-mêmes et l'enjeu de la diffusion de l'interview de Wigand était liée à la position morale et éthique des intervenants ; une fois l'émission diffusée, le happy end était entamé par les compromissions irréversibles de Lowell Bergman qui lui faisaient quitter son poste de producteur de 60 minutes.
Dans Enquête... rien de tout ça, et la dénonciation du système se fait soit en explication scolaire dans les dialogues, soit dans une piètre engueulade en soirée façon débat internetien à base de complotisme et de "c'est celui qui dit qui y est", soit en filigrane entre deux scènes méditatives à base de scooters ou de balcon. En définitive, l'article récité en fin de film sert juste à clore le débat sur la véracité des propos de l'informateur mais pas sur la nature même du scandale et les raisons profondes qui l'ont engendré (dont l'arnaque de la recherche du chiffre) : c'est pas tant "voilà ce qui se passe" que "on vous l'avait bien dit". On n'aura pas vraiment vu de toute façon l'impact des agissements sur la société puisqu'on aura préféré passer du temps à la soirée de lancement du bouquin : ce qui, malgré le plaisir certain pris au film, me fait toujours interroger sur la distance, dans le ciné français, entre ce qui intéresse ceux qui le font et ceux qui y vont.

Sinon, rien à voir, ou presque, mais les vapoteuses sont à la cinégénie ce que l'écriture inclusive est aux notes de service de Müller.

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Dernière édition par JulienLepers le 12 Fév 2022, 14:07, édité 1 fois.

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MessagePosté: 12 Fév 2022, 13:58 
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Roschdy Zem écrase vraiment le reste de la distribution, le pire en livrant une prestation d’une très grande sobriété. Le problème majeur du film, c’est qu’il veut embrasser trop de thèmes, et à l’arrivée ils sont tous survolés, ça n’est ni un thriller politique, ni un film dossier, on hésite entre le portrait de l’indic qui se rebelle contre sa direction, celui du journaliste qui fait sortir le papier et le le flic pourri qui plonge dans la peau d’un baron de la drogue jusqu’au cou, pour au final être surtout très frustré. J’ai beaucoup apprécié la musique par contre.


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MessagePosté: 12 Fév 2022, 15:55 
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Citation:
Sinon, rien à voir, ou presque, mais les vapoteuses sont à la cinégénie ce que l'écriture inclusive est aux notes de service de Müller.


Ah ça, l'image cool de la clope c'est un sacré chantier niveau déconstruction. Celles de Nick Nolte dans 48 Hrs. me faisaient quelque chose. J'ai pas le souvenir d'avoir vu de film récemment avec des vapoteuses, mais je suis sûr que l'effet serait pas le même, et certainement inverse, oui.

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MessagePosté: 12 Fév 2022, 16:23 
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Lohmann a écrit:
J’ai beaucoup apprécié la musique par contre.


Francis Cabrel en force.
Oui, j'ai bien aimé itou.

Müller a écrit:
Citation:
Sinon, rien à voir, ou presque, mais les vapoteuses sont à la cinégénie ce que l'écriture inclusive est aux notes de service de Müller.


Ah ça, l'image cool de la clope c'est un sacré chantier niveau déconstruction. Celles de Nick Nolte dans 48 Hrs. me faisaient quelque chose. J'ai pas le souvenir d'avoir vu de film récemment avec des vapoteuses, mais je suis sûr que l'effet serait pas le même, et certainement inverse, oui.


"Tu demanderas à Thibaut et Bastien... *scccchhhhhhhhlllllllll* au légal, si on a des billes *sccccchhhhhhhhlllllllllll* au cas où on nous attaque en diffamation" *pffffffffffffffffff*

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MessagePosté: 12 Fév 2022, 21:44 
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Vous le situez comment aux autres De Peretti?


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MessagePosté: 12 Fév 2022, 22:04 
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Lol c'est quoi cette question, le mec a fait trois films ?

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MessagePosté: 12 Fév 2022, 22:20 
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Deux premiers films que j'ai bien aimé et tu as une vraie évolution entre Une vie violente et Les apaches.
Vu le casting et le budget qui explose ses deux précédents, le fait que De Peretti quitte la Corse, le sujet politique, alors oui je voulais savoir si on était dépaysé par rapport à ses deux précédents, si on était dans la continuité de Une vie violente qui décrivait le crime organisé, etc...


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MessagePosté: 12 Fév 2022, 22:35 
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Ben c'est pas le même sujet quoi. J'ai juste vu Une vie violente et c'est dans la continuité de son cinéma.

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MessagePosté: 12 Fév 2022, 23:11 
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Art Core a écrit:
Ben c'est pas le même sujet quoi. J'ai juste vu Une vie violente et c'est dans la continuité de son cinéma.

Il y a une une certaine continuité, mais Une Vie violente il n’y a qu’un seul angle, quand ici il y en a 3. Ça se disperse plus dans le dernier. Mais sinon oui on peut lui reconnaître d’avoir un style qui lui est propre dans le paysage français, je ne vois personne qui s’en approche un tant soit peu.


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MessagePosté: 13 Fév 2022, 23:06 
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Ce titre de film italien des années 70...

Loin de toute formule ou façon de faire prémâchée, Thierry de Peretti, dont j'avais relativement apprécié les deux précédents films, m'a mis sur le cul. Il livre un film-dossier unique qui vaut selon moi moins pour son contenu que sa forme.

Le jeu d'acteur m'y hypnotise. Roschy Zem bien sûr, au top absolu dans ce rôle d'indic vantard et gamin. Mais personne n'est en reste: des gars dont j'ai pu parfois voir les limites (Pio Marmaï, Sofian Khammes) sont au poil, tout comme cet incroyable cast saisissant de réalisme: les journalistes, les juges, les avocats... D'ailleurs Peretti cite chaque figurant au générique de fin ! Même Vincent Lindon, qui est toujours bon, est tellement dans le truc que ses tics (pas ses tics d'acteur, ses tics d'humain) ressortent ! Bref, je ne sais pas comment Peretti (lui-même excellent acteur) fait, mais c'est the miracle worker. C'est ahurissant de liberté et d'authenticité. Le film dure 2h et j'étais dedans tout du long, porté d'un bloc de cinéma-vérité au suivant, presque oblivious à l'intrigue.

En fait je trouve le film d'un naturel confondant, que ce soit dans ses décors, l'authenticité avec laquelle il saisit une fin de soirée arrosée, sa manière de dropper les infos, il y a un côté random et franc du collier. C'est le genre de film où si un mec dit sa tirade de dos et qu'on rate la moitié de son visage bah voilà on rate la moitié de son visage. C'est le genre de film où lorsque les héros sortent du bar y a un échafaudage devant.

Là où Michael Mann collait littéralement à l'oreille de ses personnages, Peretti leur laisse de la place via une mise en scène qui s'astreint à ne jamais dépasser le plan-poitrine, et encore. De la place pour les personnages, mais aussi pour le spectateur, littéralement mis à distance, qui, si tant est qu'il rentre dans le film, peut remplir les trous, se projeter dans les vides.

La narration finale, aussi récitée que le reste était vivant, aussi limpide que le reste était confus, donne l'impression d'un aboutissement volontiers "déceptif", comme si les deux heures qui avaient précédé n'avaient servies qu'à montrer la fabrique - chaotique, confuse, frustrante - de l'info.

Quant à la dernière scène,
avec ce Hubert qui part vers la mort, mais toujours suivi, traqué, hanté, elle rappelle délicieusement le dernier plan ambigu d'UNE VIE VIOLENTE.


Enthousiasmant.

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MessagePosté: 14 Fév 2022, 09:03 
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Trouvé ça totalement vaseux. On perd d’abord l’aspect étatique, puis l’aspect journalistique, pour se concentrer (je suppose) sur l’aspect humain, genre pêcher une carpe et la prendre en photo, ou demander sa femme en mariage à la fin (spoiler : on ne l’a jamais vue avant).

C’est le genre de film où tu ne sais pas pourquoi les personnages s’engueulent.

C’est le genre de film où tout est filmé latéralement avec un pano de temps en temps pour éviter les set-ups et s’interdire tout champ-contrechamp, mais s’autoriser le 4/3.

C’est le genre de film où t’as l’impression que rien n’a avancé sur le plan dramatique entre le début et la fin.

Qui-Gon Jinn a écrit:
C'est le genre de film où lorsque les héros sortent du bar y a un échafaudage devant.

Ah bah ça va alors.

En revanche je concède avoir apprécié que le jeu soit un ton en-dessous, avec un Lindon qui ne gueule pas.

Les comparaisons avec Révélations sont hors de ce monde, le Mann est d’une densité folle, tous les aspects du sujet y sont constamment liés.

Produit par Dany Boon. C’est raté pour cette fois.


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MessagePosté: 14 Fév 2022, 10:24 
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Je suis team QGJ, j'ai trouvé ça assez brillant. En fait Peretti me semble travailler le même ingrédient que Une vie violente, le doute. On ne sait jamais très bien ce que l'on voit. Le début est génial et passionnant, Roschdy Zem tout seul dans une maison, se sent épié, des zodiacs remplis de drogues arrivent sur la plage, il se retrouve au milieu de tout ça un air inquiet. Il fait partie du trafic ? C'est juste un mec qui passe par là ? C'est le trafiquant ? On ne sait pas, on ne sait jamais ce qu'il en est réellement.

En dépouillant le film de tous les oripeaux du thriller, on se retrouve avec un film à l'os, procédurier et sans cesse troublé par ce sentiment très fort de réalité. Des sms disparaissent sur le téléphone d'un journaliste. L'info est donnée et on passe à autre chose, pas besoin d'insister sur tout ça. Jacques Billard rencontre un grand trafiquant, indic, il se parle devant le Palais des Congrés, c'est filmé de loin on ne voit pas ce qu'ils se disent, il y a une échange d'enveloppe, on passe à autre chose. Constamment, Peretti nous laisse la place et le temps de douter. Tout simplement parce que lui-même doute et ne sait pas de quoi il retourne.

Tout ça explose dans cette dernière scène de procès aussi simple que brillante avec en effet Vincent Lindon, étonnement pétri de ses tics, génial, qui se défend et où l'image qu'en avait construit Hubert Antoine se fissure peu à peu sans non plus qu'on puisse arriver à une quelconque conclusion (et j'ai adoré Pio Marmaï qui réagit, incrédule, à ses propos mais où tu sens qu'il commence à se poser des questions). Un film vraiment fascinant, assez unique et dominé par un Roschdy Zem incroyable, tout en sobriété ambivalente. Le tout dans un 4/3 qui nous met face aux personnages sans qu'on puisse savoir véritablement ce qu'ils dissimulent. Et au-delà de Zem, le casting est génial, je suis pas fan de Valeria Bruni-Tedeschi mais dans sa scène elle est hyper crédible, pareil pour Sofiane Khammes, ils sont tous excellents. Il y a un petit déficit d'humain, d'émotion même si j'ai beaucoup aimé le dernier plan de Hubert Antoine, à la sortie du bar, seul dans le champ, qui attend sa femme (improbable come back de Mylène Jampanoï) avec une forme de mélancolie dans le regard.

5/6

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Dernière édition par Art Core le 14 Fév 2022, 11:12, édité 1 fois.

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Art Core a écrit:
Tout ça explose dans cette dernière scène de procès aussi simple que brillante avec en effet Vincent Lindon, étonnement pétri de ses tics, génial, qui se défend et où l'image qu'en avait construit Hubert Antoine se fissure peu à peu sans non plus qu'on puisse arriver à une quelconque conclusion (et j'ai adoré Pio Marmaï qui réagit, incrédule, à ses propos mais où tu sens qu'il commence à se poser des questions).
Et cette scène dans la salle des pas perdus où la redac chef puis Marmaï discutent avec Jacques Billard, l’homme qui les accuse de diffamation, sans animosité aucune, sans conflit factice, à des lieues des poncifs des films de procès, avec ce "Ou pas" ironique de Lindon qui conclue la scène.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste
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Oui c'est excellent, la redac chef qui vient presque s'excuser face à Lindon, toutes les cartes sont rebattues. Après cette frustration je la trouve stimulante mais je comprends que ça risque de pas plaire à tout le monde. En interne (c'est un film Arte) on prédit un très mauvais bouche à oreille.

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Art Core a écrit:
En interne (c'est un film Arte) on prédit un très mauvais bouche à oreille.

Ça vaut ce que ça vaut mais je l'ai vu dans une salle pleine à Bastille et mes voisins de rangée n'ont pas kiffé non plus (je plains l'homme qui s'est pris un "c'est toi qu'as choisi le film" de sa femme en pleine tronche à la fin).


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