L'histoire d'un mec qui veut en transformer un autre en morse. Une fois de plus après
Red State, on veut saluer cette tentative pour Kevin Smith de sortir de sa
comfort zone, même si
Tusk s'avère en partie une comédie, il reste une comédie noire, plus conventionnellement horrifique que le précédent essai du cinéaste.
Malheureusement, c'est aussi l'humour qui vient parasiter le récit dans son dernier acte et confirme l'impression que Smith peine non seulement à tenir un long métrage entier sur son seul concept, mais surtout à assumer pleinement les ramifications thématiques et dramatiques de ce postulat, pourtant instaurés dans la première moitié.
L'entrée en matière est plutôt réussie, Smith étant visiblement encore compétent dans le domaine de la comédie, même s'il n'y a rien dans la bouche de Wallace qui soit aussi brillant qu'autrefois. Un film comme
Zack & Miri make a porno, qui devient très vite basique, offre des dialogues parfaits et se fait vraiment drôle dans son exposition. Ici, c'est le strict minimum.
Mais on n'est pas dans une comédie, donc ce n'est pas bien grave. Cette présentation suffit en attendant l'inévitable basculement dans l'horreur et lors des premières scènes avec l'antagoniste du film, je fus étonné de constater que le découpage de Smith avait évolué pour le mieux. C'est sans doute son film le mieux mis en scène. Malgré les pointes d'humour et les longueurs, une certaine ambiance s'installe et le film parvient même à être franchement dérangeant dans son jusqu'au-boutisme.
Mais c'est à peu près là que le scénario commence à montrer ses limites.
Le film est né d'une simple anecdote, une fausse petite annonce où un homme proposait un logement gratuit à condition que le locataire accepte de se déguiser en morse. Smith et son ex-producteur Scott Mosier ont déliré dessus lors d'un podcast et
Tusk est l'adaptation de ce délire. La transformation de ce canular amusant en
The Human Centipede-like est pas trop mal vu et aurait été un segment d'une vingtaine de minutes parfait pour un film anthologique à la
VHS mais l'écriture étire le récit inutilement, en impliquant la meuf et le meilleur ami du héros.
La structure non-linéaire, qui étoffe le protagoniste a posteriori, est assez surprenante venant de la part de Smith et se révèle plutôt efficace malgré les césures mais en adoptant leur point de vue dans le dernier tiers pour une enquête tardive, nulle et inutile autour de la disparition de Wallace, Smith se tire une balle dans le pied.
Mais le pire, c'est sans doute le caméo caricatural (diégétiquement vis-à-vis du personnage et extra-diégétiquement vis-à-vis de l'acteur) de Johnny Depp, faux nez, moustache postiche et béret en sus, dans le rôle du détective Guy LaPointe.
Son inclusion lors de séquences interminables (Smith doit arrêter de monter ses films) et pas drôles n'apporte rien (l'enquête est tellement courte et facile qu'elle aurait pu être menée par les deux autres seuls) à part un virage comique qui flingue ce que le film avait réussi dans l'horreur.
En fait, ce que ces scènes apportent, c'est l'impression que Smith n'assume pas.
Malgré les passages couillus qui précèdent, à l'instar de la fin de
Red State, Smith retombe dans la distance sur la fin. Un comble pour un film qui prend plaisir à punir un héros pour son cynisme. Le dernier plan, s'il avait été assumé, même avec son message lourdingue littéralement énoncé par un des personnages, aurait été cohérent avec l'arc développé tout le long...mais Smith le désamorce avec un dernier gag et, pire, inclue dans le générique de fin le podcast original où on l'entend se moquer de l'idée même de cette fin, en insistant sur son caractère par conséquent parodique.
C'est con, Kevin.
Je sais que l'autodérision est ton mécanisme de défense de prédilection mais va falloir être un bonhomme un jour.
Malheureusement, quand on voit que son prochain est un spin-off de celui-ci avec, dans les rôles principaux, sa fille et celle de Johnny Depp (et à nouveau ce dernier dans le rôle de Guy LaPointe) alors qu'elles sont calamiteuses dans leur unique scène ici, c'est pas rassurant.
PS pour ceux que ça intéresse, ça sort en mars directement en DVD et Blu-ray (qui sera dispo dès le 30 décembre aux States donc vous l'aurez téléchargé bien avant mars).